Aménager des itinéraires cyclables en synergie avec le secteur agricole
Comment concilier développement cyclable et contraintes agricoles ? Comment trouver des solutions pour limiter les tensions et permettre aux projets d’aménagements d’aboutir en bonne intelligence ? Ces sujets ont été débattus lors des 28es Rencontres de novembre à Vannes. Une discussion évidemment axée autour de la concertation, de la négociation et de la communication.
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Pour Justine Cholet, chargée de mission Aménagement et urbanisme à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, il est important pour tout aménageur de garder en tête que, en plus des inévitables risques de collision, plusieurs points de crispation émergent dès lors qu’une infrastructure cyclable est amenée à jouxter voire à traverser une exploitation agricole. D’abord, se souvenir d’un impératif de cohabitation. Il n’est pas rare en effet qu’un engin agricole occupe toute la largeur des chemins, ce qui implique une nécessaire adaptation des cyclistes. Ensuite, la présence d’animaux peut justifier l’installation de clôtures, d’une part, et une vigilance face aux réactions imprévues des bovins par exemple sur le passage d’un cycliste, d’autre part. Qui dit voies cyclables dit également l’abandon de détritus sur le bord de la route, lesquels détritus peuvent être ingérés par le bétail. Idem pour les « pauses techniques » humaines en pleine nature, potentiels vecteurs de maladie pour les élevages alentour – comme, à l’inverse, l’utilisation de produits phytosanitaires par les agriculteurs, qui peuvent entrer en contact avec les cyclistes.
Ces nombreux impératifs étant intégrés, l’heure est à la concertation, si possible innovante, ainsi que le développe Julie Girard, responsable Mobilités actives à la direction Transports-Mobilités Pornic Agglo-Pays de Retz. Valoriser les chemins ruraux en s’appuyant sur l’existant pour développer un réseau sécurisé, tenir compte de la multiplicité potentielle des usages (randonnée, VTT, chasse, exploitation agricole) mais aussi des tensions apparues au déconfinement avec l’augmentation soudaine de la fréquentation de ces itinéraires… Ne pas négliger non plus la nécessité d’un double travail en amont, d’une part pour anticiper les éventuels problèmes susceptibles de se présenter, et d’autre part via un rappel des règles de partage de la voirie, tant pour les cyclistes que pour les agriculteurs. C’est l’objet de la convention de partenariat, signée entre la communauté d’agglomération et la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, chargée d’exercer une mission d’assistance à la concertation auprès des agriculteurs.
Une approche proactive et concertée a ceci de bénéfique qu’elle met en avant la nécessité d’intégrer très tôt les exploitants agricoles dans la réflexion sur l’aménagement des chemins ruraux. Une fine connaissance des usages agricoles est aussi un levier pour concilier pragmatisme et recherche de consensus. Elle contribue à lever les réticences, à rassurer voire à faciliter l’acceptabilité du projet. À cet effet, disposer d’une base de données sur les exploitants et leurs activités agricoles (assolement, type de cultures, présence d’animaux) permet d’orienter les discussions de manière pertinente et efficace.
Quoi de mieux pour appuyer tout ceci que d’entendre le retour d’expérience sincère et (auto)critique de Benjamin Del Monte, responsable du pôle Mobilité au département de l’Eure ? Le technicien revient avec franchise sur des erreurs commises lors du projet de la Seine à Vélo : mauvais timing de la concertation, manque d’anticipation des réactions, conflits d’agenda entre les acteurs, le tout doublé de contraintes politiques et d’impératifs électoraux… Déjà peu simple sur le papier, la concertation s’est avérée de plus en plus complexe au fil des écueils rencontrés.
Emmanuel Le Breton, lui, va à l’inverse témoigner d’une expérience réussie en la matière. Le responsable Gestion et aménagement des espaces publics Pornic Agglo-Pays de Retz témoigne de son expérience passée auprès de Cap Atlantique La Baule-Guérande Agglomération. Il est formel : les élus municipaux jouent ici un rôle-clé. Leur connaissance fine du territoire et des agriculteurs est ce qui facilite le dialogue et l’acceptation des projets. Par ailleurs il faut pour à l’édile « négociateur » savoir s’adapter aux contraintes agricoles et non l’inverse. Un café chez l’agriculteur non aux horaires de bureau mais tôt le matin, une discussion tard le soir ou le week-end sont importants pour poser les bases d’une communication efficace.
S’agissant des élus, Catherine Girard de Redon Agglomération pointe du doigt la nécessité de bien les préparer avant leurs rencontres avec les agriculteurs, sous peine de risquer d’être mis en difficulté sous le poids des doléances. Un diagnostic que partage Emmanuel Le Breton, qui rejoint l’objection de Sylvain Rotillon du département de l’Essonne sur le fait que l’échelon départemental ne recouvre pas tout à fait les mêmes enjeux que l’échelon plus local.
S’agissant du foncier, Benjamin Del Monte évoque les diverses méthodes de négociation (expropriation, SAFER) et la complexité de cette thématique en milieu rural, avec notamment une résistance de principe et des exigences de compensation. Savoir mettre précisément le doigt sur ce qui importe vraiment aux agriculteurs concernés est une des clés, là aussi (gestion des clôtures, des chemins d’exploitation, etc.).
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Anthony DIAO