Le long fleuve intranquille du Plan vélo
Après plusieurs semaines d’inquiétude concernant l’abandon du Plan Vélo, le Premier Ministre François Bayrou a éclairci l’horizon en évoquant le sujet dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale le 14 janvier 2025. Le brouillard reste épais sur les financements et les paramètres d’application de ce plan ressuscité. Quels engagements l’Etat prend-il pour assurer la continuité de la politique vélo ? Sur quels financements les collectivités pourront-elles s’appuyer en 2025 ? Ce nouvel acte ouvert par Premier ministre nous invite à revenir sur le long fleuve intranquille du Plan vélo. L’issue (positive ?) du dossier est clairement le fruit de l’engagement du Réseau vélo et marche, de l’Alliance pour le vélo et des collectivités et de tout l’écosystème mobilisé depuis plusieurs mois.
Un Plan Vélo en sursis réanimé
Le 14 janvier 2025, le Premier ministre François Bayrou a levé le voile sur le sort du Plan Vélo dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. « Le Plan Vélo doit être poursuivi avec les moyens qui lui sont nécessaires », a-t-il affirmé avant d’annoncer une enveloppe supplémentaire de 50 millions d’euros pour soutenir les initiatives cyclables. Cette mesure survient après des mois de tensions, marqués par l’incertitude et les critiques suite à l’abandon des financements prévus dans la copie Barnier du Projet de Loi de Finances, ainsi que le confirmait le ministre des Transports d’alors, François Durovray.
À l’occasion de son allocution au Sénat le 15 février, François Bayrou réaffirmait son engagement en précisant 50 millions « de plus ». Cette nouvelle précision laissait cependant planner un flou sur l’ampleur de l’enveloppe budgétaire. Le lundi 20 janvier, c’est finalement Philippe Tabarot, ministre des Transports qui, à l’occasion des débats budgétaires au Sénat, a précisé que l’enveloppe de 50 millions serait issue du Fonds vert.
Retour sur une ambition nationale : le lancement prometteur des plans vélo
En septembre 2022, la Première Ministre Elisabeth Borne, lance le Plan vélo et marche 2023-2027, succédant au plan vélo et mobilités actives de 2018. Ce plan prévoyait un investissement de 2 milliards d’euros sur cinq ans. Destiné à améliorer les infrastructures, la sécurité et la formation à la pratique du vélo, ce plan avait l’objectif ambitieux de doubler le réseau cyclable d’ici 2030. Cette initiative pluriannuelle visait à intégrer durablement le vélo dans la vie quotidienne des Français.
Elle reposait sur trois priorités : rendre le vélo accessible à tous, dès le plus jeune âge et tout au long de la vie ; promouvoir le vélo et la marche comme alternatives à la voiture pour les trajets courts et comme complément aux transports collectifs pour les trajets plus longs ; faire du vélo un moteur pour l’économie en soutenant les acteurs français de la filière. La photo est belle et de nombreux Ministres sont penchés et impliqués dans la dynamique. La France, souvent lanterne rouge sur ces questions, fait alors figure de modèle au niveau européen : elle a commencé tard mais elle fait fort !
Le Plan Vélo en péril : le contre-sens de l’Etat face à la crise budgétaire
Dans l’incertitude provoquée par l’étau budgétaire et l’instabilité parlementaire, le Gouvernement Barnier annonce en 2024 la suppression des financements du Plan vélo pour les années 2024 et 2025. Cette décision met à mal de nombreux projets d’infrastructures dédiées au vélo et à la marche. 400 dossiers, pourtant déposés fin 2023 et instruits depuis, sont en attente de subventions via le Fonds mobilités actives se retrouvent ainsi bloqués. L’abandon du Plan Vélo dans le budget censuré du gouvernement de Michel Barnier avait déclenché une levée de boucliers des collectivités et de l’écosystème vélo. Pas moins de 650 élu.e.s représentant 500 collectivités, de la commune à la région, s’étaient joints au Réseau vélo et marche pour protester contre cet abandon, perçu comme contre-sens politique à l’aune des défis économiques, écologiques et de santé publique. Ce soutien financier a permis d’initier une myriade d’investissements locaux. Supprimer les subventions de l’Etat revenait à fragiliser, voire à rompre la dynamique dans laquelle les collectivités se sont engagées pour densifier le maillage cyclable.
A l’occasion du Salon des Maires en novembre 2024, l’Alliance pour le vélo (FUB, Réseau vélo et marche, APIC, Union Sport et Cycle) appelle le Gouvernement à dégeler les crédits pour les projets en cours et à restaurer ses financements, les 250 millions par an prévus dans le Fonds mobilités actives, dans le Projet de Loi de Finances pour 2025. Les parlementaires membres du Club des élus nationaux pour le vélo sont également abasourdis et tentent, par leurs amendements, de faire revenir le Plan Vélo sur la scène.
Lors de la conférence de presse du Réseau vélo et marche le 7 janvier, les co-présidentes Chrystelle Beurrier et Françoise Rossignol, rappellent une nouvelle fois l’importance de l’engagement de l’Etat pour soutenir les investissements d’infrastructures. Les collectivités ont besoin de visibilité et le contexte les pousse à réduire ou supprimer leurs crédits alloués aux mobilités actives. L’engagement de l’Etat est crucial pour légitimer la dynamique !
Une mobilisation entendue : les annonces du gouvernement et les questions en suspens
« Le Plan vélo doit être poursuivi avec les moyens qui lui sont nécessaires » déclare François Bayrou à l’Assemblée nationale le 14 février. Il complète le lendemain au Sénat en annonçant 50 millions d’euros. C’est certes 5 fois moins que ce que prévoyait le plan vélo (250 millions par an) mais cela rassure les collectivités et envoie un bon signal.
Des questions restent en suspens. Le Fonds mobilités actives sera-t-il restauré ? A quelle ampleur ? La fin annoncée des aides à l’achat (un décret prévoit leur fin au 14 février 2025) sera-t-elle annulée ? Le ministre des Transports, Philippe Tabarot, doit apporter des précisions sur ces mesures et confirmer l’engagement du Gouvernement. Les co-présidentes du Réseau vélo et marche lui ont adressé un courrier dans ce sens et Françoise Rossignol s’est entretenue avec lui à l’occasion des vœux du Gart, le 17 janvier. Les financements proposés aux collectivités ne seront-ils disponibles qu’après le vote des crédits du Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2025 ? Affaire à suivre…
Après les annonces du nouveau Premier ministre, l’attente autour des 400 projets en suspens est clairement relancée. La demande du Réseau vélo et marche est d’agir vie de de ne pas changer les règles du jeu, sans inventer un nouveau système. Même avec un budget cinq fois inférieur à ce qui était prévu, elle appelle à financer les infrastructures cyclables issues des 400 projets déjà instruits dans le cadre du 7e appel à projet du Fonds Mobilités actives. Rater le coche d’avant les municipales ferait prendre des années de retard.
Aller plus loin : Comment financer sa politique cyclable en 2025 ?
En attendant les précisions de l’Etat, voici les financements disponibles pour développer les politiques modes actifs (mises à jour à venir) :
- La rubrique « Aides financières » sur la plateforme des coûts
- Le panorama des financement vélo (Document réservé aux adhérents du Réseau vélo et marche)
Par ailleurs, le 4 février de 13h30 à 14h30, l’Ademe organise un webinaire pour présenter ses dispositifs d’aides pour développer les mobilités actives : AVELO 3, Vélotourisme, AACT-AIR. Informations et inscription
Domitille Lécroart & Valentin Joubert