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L’évaluation au service de l’action : cas concrets

Évaluer, c’est bien plus qu’une formalité administrative : c’est un moyen essentiel de s’assurer que les décisions sont fondées sur des données concrètes. Dans le domaine du vélo qui peine à attirer les financements adéquats, surtout dans le contexte budgétaire actuel, la capacité à démontrer est particulièrement importante pour garantir que chaque investissement soit bien orienté là où il est le plus nécessaire. Des collectivités comme Île-de-France Mobilités, la communauté de communes d’Erdre & Gesvres (CCEG), le département de la Gironde ou le syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise (SMMAG) l’ont bien compris. Toutes étaient au rendez-vous pour partager leurs expériences lors d’un atelier flash aux 28es Rencontres Vélo & Territoires à Vannes.

Atelier flash « L’évaluation au service de l’action : cas concret » lors des 28es Rencontres Vélo & Territoires ©Simon Bourcier

Mélanger des méthodes

Une bonne évaluation commence par le choix des méthodes adéquates. Prenons l’exemple d’Île-de-France Mobilités qui a mené une évaluation sur le stationnement sécurisé des vélos en gare. Pour cette évaluation elle a combiné une enquête quantitative, des campagnes de comptage, des focus groupes, des enquêtes client mystère, et même un voyage d’étude.

  • L’enquête quantitative a permis d’interroger un grand nombre d’utilisateurs potentiels sur leurs habitudes et attentes. Les répondants étaient catégorisés en trois groupes : des abonnés à une consigne vélo, des anciens abonnés, ainsi que des utilisateurs de parking vélo en libre accès.
  • Les focus groupes questionnent plus profondément les perceptions et les besoins des utilisateurs. « Cela nous a permis de nous rendre compte de l’importance de l’enjeu de la propreté sur l’utilisation des stationnements mis à disposition par exemple », cite Christian Gioria, chef du département Intermodalités & Nouvelles Mobilités chez Île-de-France Mobilités.
  • La campagne de comptage de voyageurs a alimenté une modélisation des besoins en stationnement sécurisé pour les vélos dans les gares de toute la région Île-de-France.
  • Les enquêtes client mystère régulières permettent d’assurer un suivi de la qualité du service en mesurant des indicateurs de propreté et de disponibilité.
  • Finalement, un voyage d’étude aux Pays-Bas a fédéré les acteurs franciliens et a contribué à une vision partagée du stationnement vélo en gare. « Le voyage a forgé un consensus autour de la proximité du stationnement de la gare, même si cela implique la mobilisation du foncier public », témoigne Christian Gioria.

Faire preuve de pragmatisme

Conduire des évaluations peut être coûteux, surtout quand il s’agit de collecter des données sur le terrain, particulièrement dans des territoires peu denses. De son côté, la CCEG a adopté une approche pragmatique, en utilisant des données déjà disponibles. Elle se base notamment sur les résultats du baromètre de la FUB (Fédération française des usagères et usagers de la bicyclette), un outil qui recueille des informations sur le profil des cyclistes et non-cyclistes, leurs perceptions en matière de sécurité et de qualité des infrastructures. Combinée avec des données de comptage, l’approche permet à la fois de prioriser des projets futurs et d’évaluer le succès des aménagements réalisés. Pour la prochaine édition du baromètre qui sera lancée fin février 2025, la CCEG prévoit des efforts de communication supplémentaires pour augmenter la participation des habitants et obtenir une image encore plus complète. « Cette approche a fait ses preuves. Se baser sur le baromètre de la FUB et les données de comptage nous donne des arguments, notamment lorsqu’il faut négocier l’acquisition de foncier pour de nouvelles infrastructures », explique Armell Galli, chargée de missions itinéraires cyclables à la CCEG.

Prendre le temps de bien faire les choses

Conduire une évaluation, ça ne s’improvise pas. Et pour qu’elle soit efficace, il faut parfois savoir ralentir et tester, comme l’illustre le département de la Gironde. Dans sa démarche « collèges à vélo », la compréhension de la pratique du vélo dans les collèges précédait le travail sur les propositions d’amélioration des infrastructures. Une enquête auprès des collégiens a été testée dans dix établissements avant d’être généralisée dans tout le département. Cela a permis d’adapter les outils avant de déployer l’enquête à une plus grande échelle. Pour passer à l’étape de propositions, une étude par collège a été effectuée sur la manière de rendre les trajets scolaires plus cyclables et de calibrer les équipements nécessaires pour accueillir plus de cyclistes.

Avant de se lancer dans un travail d’une telle ampleur, il est important de réfléchir à ce que l’on peut réaliser en interne et pour quelles tâches on a besoin d’un support externe. Alors que l’enquête auprès des collégiens a été menée par le Département avec le soutien de l’agence d’urbanisme Bordeaux Aquitaine, les études « aménagement » ont nécessité l’accompagnement d’un bureau d’études. Autre élément clé : prévoir assez de temps dans le planning pour contacter et impliquer les acteurs clés : « Si je peux donner un conseil, c’est associer un maximum de chefs d’établissement en amont », explique Emmanuelle Lacan, cheffe de service adjointe au service Transition des mobilités au conseil départemental de la Gironde. L’ensemble des actions définies grâce à ce double dispositif a alimenté le plan « Collèges à vélo » et s’inscrit aujourd’hui dans la démarche « Gironde à vélo ».  Une nouvelle enquête sur la mobilité des collégiens est d’ailleurs prévue pour 2025. En attendant, vous pouvez consulter le questionnaire et le rapport de la dernière enquête.

Des outils réutilisables

Une évaluation, c’est plus que des chiffres ou des rapports. C’est un processus qui peut rassembler des acteurs et être l’occasion de développer des outils réutilisables. Le SMMAG a ainsi mené une évaluation dans une zone de rencontres au centre de Meylan (commune de Grenoble-Alpes Métropole) où les conflits d’usage entre cyclistes, piétons et riverains étaient fréquents. Un questionnaire et une méthode d’analyse ont été mis en place puis réutilisés dans d’autres zones à points noirs. De même, les aménagements réalisés dans une zone ont été dupliqués sur d’autres créant ainsi un système d’amélioration continue basé sur des retours concrets et des solutions éprouvées. Cela montre comment une évaluation réussie peut créer des processus évolutifs et servir d’autres projets.

La CCEG, la Gironde, l’Île-de-France et le SMMAG ont tous adopté des approches adaptées pour mieux comprendre les besoins des usagers, tester leurs projets avant de les déployer à grande échelle et cibler des investissements. Ces exemples montrent que l’évaluation est un outil crucial pour développer des infrastructures et politiques cyclables efficaces. Alors, prenons le temps d’évaluer pour mieux pédaler vers l’action !

Simon Dietrich

Pour aller plus loin :

Support de présentation de l’atelier « L’évaluation au service de l’action : cas concret » (réservé aux adhérents)

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