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Le voyage à vélo, école de la vi(ll)e

Acculturer. Sensibiliser. Susciter l’envie. Cette ambition est un enjeu phare de la stratégie nationale du tourisme à vélo. Bien que la bicyclette n’ait pas d’âge, les jeunes générations sont une cible clé pour développer le tourisme à vélo en France. Dès lors, comment convaincre ces publics ? Les séjours éducatifs à vélo, en milieux scolaire, extrascolaire ou périscolaire, constituent l’une des réponses apportées pour une première expérience encadrée. Vélo & Territoires a exploré cette thématique lors d’un atelier des 28es Rencontres, en s’appuyant sur les témoignages et enseignements de plusieurs accompagnants expérimentés.

L’atelier « Sensibiliser et initier les jeunes par le séjour éducatif à vélo » lors des 28es Rencontres Vélo & Territoires ©Simon Bourcier

Un voyage aux mille vertus en terre (mé)connue

Si les voyages forgent la jeunesse, c’est encore plus vrai à vélo ! Amener des jeunes vivre une itinérance à vélo permet de tirer les fils d’une expérience marquante et enrichissante à tous les niveaux … Professeur de français et de latin dans un collège des Deux-Sèvres, Thierry Maurin peut en attester. Habitué des séjours en Italie, il a souhaité en mai dernier sortir du voyage « prêt à consommer » et amener ses élèves de 3e découvrir la région à vélo. De la préparation en amont aux visites culturelles, cet enseignement hors les murs a conquis les 39 cyclistes en herbe : « Organiser un séjour à vélo sur une semaine, ou même un week-end, c’est une aventure, et ce à deux pas de chez soi ! Les retours étaient dithyrambiques, « c’est même mieux qu’un voyage en Italie » m’ont confié les collégiens ». De quoi en perdre son latin…

Car le vélo reste un formidable support de sensibilisation, le savoir-être en tête. Chez Bonzaï, organisateur de colonies de vacances, l’angle solidaire du voyage à vélo s’affiche d’ailleurs comme une priorité : valorisation de l’éco-citoyenneté, entraide pour les activités du quotidien et les petits pépins, et découvertes sociales et culturelles sont au programme. Leur premier séjour remonte à 2016 sur La Vélodyssée avec huit jeunes de 13 à 17 ans, accompagnés de deux adultes « d’abord réticents, les adolescents se prennent rapidement au jeu. En 14 jours (longueur moyenne du séjour), on observe leurs progrès tant sur le vélo qu’au sein du groupe. »

Séjour à vélo proposé par Bonzaï

Des acquis pédagogiques et comportementaux

D’un projet pédagogique à une expérience professionnalisante, il n’y a qu’un pas, franchi par ces jeunes du collège Boris Vian à Coudekerque. Dans cet établissement du Nord, des élèves ont lancé leur micro-entreprise pour financer un voyage à vélo. 150 km entre Boulogne-sur-Mer et Dunkerque pour un périple de cinq jours. L’objectif initial ? Valoriser les classes professionnelles et changer le regard sur les élèves de SEGPA. Pour y parvenir, ils ont travaillé plusieurs mois en amont : apprendre à rouler en groupe, entretenir et réparer son vélo, maitriser les règles de sécurité routière, établir un budget, trouver des sponsors et des financeurs, un projet ambitieux tant sur le plan éducatif que sportif. « Le vélo est un remarquable outil car il permet une approche transversale et multidisciplinaire qui favorise les apprentissages. Le projet fait même des envieux parmi les élèves des autres classes du collège », livre Arnaud Lamarre, enseignant.

Du savoir rouler au savoir-être, l’expérience du collectif

Sans pour autant constituer un quatrième bloc du dispositif Savoir Rouler à Vélo (SRAV), le déploiement de séjours à vélo complète cet apprentissage en apportant une touche finale. En Savoie, la commune du Bourget du Lac a voulu prolonger le travail conduit dans le cadre du SRAV par, cerise sur le gâteau, un tour du lac à vélo sur deux journées. Le projet a été mené sur la base du volontariat des enseignants de CM1-CM2 en lien avec la communauté d’agglomération Grand Lac et l’Agence Ecomobilité Savoie Mont-Blanc qui coordonne le SRAV dans l’agglomération. « La logistique est complexe entre la mise à disposition de vélos et de porte-bagages ou l’obtention des habilitations pour les parents accompagnateurs, mais l’expérience fut belle ! Petits et grands sont rentrés enchantés, nous souhaitons renouveler l’expérience et même l’étendre aux douze classes de CM2 de l’agglomération », s’enthousiasme Nicolas Mercat, maire et conseiller communautaire de Grand Lac.

Du savoir rouler au savoir être à Bourget du Lac

Dépassement de soi, prise d’initiatives et attention aux autres sont souvent les maître-mots de ces séjours où le vélo devient presque un prétexte tant il permet d’ouvrir à d’autres matières et sujets. Dans les Côtes d’Armor, le Mouvement rural de la jeunesse chrétienne, association d’éducation populaire, propose des voyages sur les chemins de halage et voies vertes. Hébergés en camping ou dans des fermes, les jeunes redécouvrent leur territoire autrement, à la rencontre des acteurs et producteurs locaux, par le mode de déplacement qui leur est le plus accessible. « Lecture de carte, orientation, alimentation, nous amenons les jeunes à se responsabiliser en travaillant sur l’aspect ludique du voyage avec des rallyes photos et récits des étapes à partir des villages traversés… Ces journées en autonomie constituent un gain de confiance énorme pour nos apprentis voyageurs », se réjouissent Madeline Gicquel et Bénédicte Duperron.

Convaincre, planifier, une logistique complexe

L’enthousiasme général sur les acquis ne doit pas occulter les (nombreux) défis liés à l’organisation d’un tel voyage. Préparer des séjours éducatifs à vélo peut s’avérer un vrai casse-tête et nécessite une bonne dose d’engagement et d’abnégation afin de surmonter les obstacles : coût du séjour et épineuse question du financement, location de vélos et de matériel pour les familles non équipées, assistance (la fameuse « voiture balai » !), encadrement, planification des étapes, recherche d’hébergements adaptés, intermodalité train/bus + vélo parfois, intégration d’élèves en situation de handicap, etc.

Dans le cadre scolaire, les normes de sécurité et d’hygiène restent particulièrement lourdes, la responsabilité de l’établissement est engagée. « Il faut convaincre face aux réticences des autres enseignants, aux craintes des élèves qui ne se sentent pas toujours capables de pédaler, mais aussi face aux réserves de l’Éducation nationale à l’idée d’emprunter des portions de route partagées… », rappelle Nicolas Mercat. Cependant, le partage d’expérience par des territoires éclairés peut rassurer et aider à lever quelques inquiétudes.

L’hébergement de groupe, la denrée rare

Dans les différents témoignages, la difficulté à trouver des hébergements de groupe est fréquemment soulignée comme un gros point noir. Insuffisants, inadaptés ou pas toujours bien localisés, ils sont pourtant indispensables au bouclage du séjour.

Face à cette pénurie, le collectif Group’AVélo a développé un réseau d’hébergements associatifs spécifiques et accessibles habilités à recevoir des groupes d’enfants, avec un tarif unique et un service de qualité. À ce jour, l’offre est disponible le long des grands itinéraires cyclables des Pays de la Loire et du Centre-Val de Loire. « Les bénéfices de ces hébergements collectifs sont reversés dans notre projet associatif en faveur d’un droit aux vacances pour tous », précise Elodie Dubourg, chargée de mission.

En résumé, organiser des séjours éducatifs à vélo n’est pas de tout repos. Pourtant les retours des enseignants, encadrants, enfants et parents sont unanimes : à quand le prochain ?

Karine Lassus

Pour aller plus loin :

Politiques cyclables