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Le tourisme à vélo à l’épreuve du changement climatique

Erosion du trait de côte, pluies torrentielles, canicules, sécheresses, incendies… chaque année apporte son lot de catastrophes naturelles. Autrefois exceptionnels, ces phénomènes climatiques deviennent de plus en plus fréquents, sans épargner un tourisme à vélo perçu comme durable mais particulièrement vulnérable. Comment dès lors gérer ces situations de crise ? Comment anticiper au mieux et s’adapter face aux aléas climatiques ? C’est sous la forme d’une conférence inversée qu’experts et participants ont partagé leurs expériences et leurs interrogations lors des 28es Rencontres Vélo & Territoires. Un nouveau souffle face à un défi de taille, axe clé de la stratégie nationale du tourisme à vélo.

Effondrement de l’accès plage de Cenitz ©Sud Ouest

Anticiper pour ne pas subir

« On ne peut pas dire que l’on ne savait pas… ». C’est avec cette affirmation que Laurent Labeyrie, ex-membre du GIEC, ouvre l’atelier. Au lendemain des inondations meurtrières dans la région de Valence en Espagne, force est de constater que le dérèglement climatique n’est plus une hypothèse, mais une réalité confirmée par des décennies de prédictions scientifiques. Il est temps désormais de réguler et atténuer l’inévitable, d’anticiper et de s’adapter, autant que faire se peut : « tout est à réinventer, on peut s’y préparer à l’avance ». Mais par où commencer ?

Anticiper plutôt que subir est le combat mené par Martin Renard, chargé de projet Aménagement durable au GIP littoral Nouvelle Aquitaine. Particulièrement exposés, les territoires littoraux subissent de plein fouet les caprices du ciel et de l’océan. Conséquence : des paysages mouvants et de plus en plus d’effondrement des chemins côtiers, menaçant les itinéraires cyclables en bordure maritime. Le GIP joue un rôle clé dans la prévention des risques via une expertise et un appui technique : « nous connaissons les menaces à court, moyen et long terme, c’est pourquoi nous effectuons des recommandations auprès des communes exposées ». Chacune dès lors est libre de traiter ses priorités : s’engager sur un fonctionnement plus durable (gestion touristique, recherche d’alternatives, relocalisations), comme l’a fait La Tremblade, ou… gérer l’urgence une fois la catastrophe survenue.

Incendies sur La Vélodyssée ©Corentin Niort – La Vélodyssée

Connaître et se faire connaître

Or en temps de crise, la remontée d’informations s’avère complexe et les process viennent à manquer… La Vélodyssée en sait quelque chose ! Outre le recul du trait de côte sur son versant basque, l’itinéraire a dû faire face durant l’été 2022 à une série d’incendies dans le Bassin d’Arcachon. « À l’époque, on n’était pas prêts, on se sentait démunis », avance Sabine Andrieu, directrice de la coordination mutualisée des véloroutes à Charentes Tourisme. Disposer d’une information unifiée que chaque partenaire peut être à même de diffuser, c’est possible mais cela s’anticipe. Pour cela, il aura fallu repartir de zéro : trouver les bons interlocuteurs, se faire connaître. La prévention et la gestion des risques sont depuis devenues prépondérantes dans la convention quadriennale qui lie les acteurs du comité d’itinéraire. Une étude viendra prochainement identifier les zones critiques et soumettre des itinéraires bis voire ter, sortes de « cartes de sensibilité ».

D’autres itinéraires comme la ViaRhôna ou la Véloscénie, régulièrement touchés par les inondations, ont pris l’habitude de coopérer, aidés par des outils tels que les plans communaux ou intercommunaux de sauvegarde ou les PAPI (Programmes d’actions de prévention des inondations). Ces dispositifs permettent de mieux gérer les situations de crise et de planifier les actions nécessaires, mais tous les territoires n’en sont pas dotés. « Il y a une méconnaissance de toutes ces instances et ces dispositifs », scande une table, mettant en avant la nécessité d’être davantage informés sur ce qui existe. « N’attendez pas d’y être confrontés », alerte Sabine Andrieu.

S’adapter aux nouvelles réalités

Car si certains incidents peuvent apparaître comme exceptionnels, des tendances lourdes s’observent comme les fortes chaleurs. Dans l’agglomération grenobloise, la canicule affecte tout autant les itinéraires en fond de vallée qui suffoquent que les zones de montagne où affluent les touristes en quête de fraîcheur, non sans impact sur la biodiversité. « Les problématiques que ces mouvements engendrent doivent également être prises en compte », alerte une représentante du SMMAG (Syndicat des Mobilités de l’aire Grenobloise).

Alors, entre cahiers des process, cartes de résilience et fiches pratiques, des initiatives émergent. Dans le Golfe du Morbihan, la question climatique s’est imposée dès 2017 comme une priorité dans la stratégie du Parc naturel régional. Leur volonté ? Anticiper les évolutions, dans un environnement en perpétuel changement, pour atténuer les effets négatifs et savoir saisir les opportunités. C’est ainsi que CACTUS (Climat – Adaptation – Changements – Territoires – Usages) a été imaginé, un outil collaboratif et itératif d’information et d’aide à la décision. Principalement destiné aux collectivités, il permet à tout un chacun de prendre la pleine mesure des effets attendus du changement climatique et de s’interroger sur les solutions possibles, une sorte de « presse bouton » pour agir chacun à son échelle.

À travers une cinquantaine de fiches thématiques, CACTUS explore différentes pistes selon le type d’activité (ex. tourisme, sport), d’espace (ex. habitats denses, marais) ou de thème transversal (ex. biodiversité, santé). Si tout ne pourra pas être réglé en même temps, « il est important d’avoir ces points de vigilance en-tête pour éviter de subir ou de mal s’adapter » alerte Juliette Herry, chargée de missions charte et prospective.

Fermeture du sentier des Douaniers ©Ville de St Palais sur Mer

Changer de paradigme

À l’heure où un troisième Plan national d’adaptation au changement climatique est en consultation, il devient crucial de (re)penser un tourisme à vélo vertueux pour demain. Comment concevoir et entretenir des infrastructures adaptées ? Quels matériaux et équipements privilégier pour plus de durabilité ? Les solutions passent aussi par des choix pragmatiques : « La création de nouveaux aménagements ne doit pas être systématique », suggère BL évolution, « valoriser les petites routes existantes est une énorme source d’adaptation ! »

Dans les Pyrénées-Orientales, régulièrement exposées aux épisodes de chaleur, des « oasis de fraîcheur plantés » sont peu à peu mis en place le long des itinéraires cyclables. Ombre, eau, verdure, un trio gagnant également proposé en Wallonie, où un cahier technique a été élaboré pour harmoniser les aires d’arrêt sur l’ensemble du réseau RAVeL.

Alors que gestionnaires et aménageurs tentent de trouver des solutions, qu’en est-il du côté des usagers ? Eux aussi devront sans aucun doute modifier leurs comportements : rouler en dehors des pics de chaleur, anticiper les besoins en eau, voyager hors saison, etc. Collectivités et offices de tourisme ont un rôle à jouer pour accompagner ces changements d’usage, aussi bien en termes de prévention et sensibilisation qu’au niveau des services aux usagers, en collaboration avec les socioprofessionnels.

L’atelier des 28es Rencontres Vélo & Territoires marque une première étape dans un processus d’adaptation en perpétuelle évolution : la transition du tourisme à vélo est bel et bien lancée !

Karine Lassus

Pour aller plus loin :

Support de présentation de la conférence inversée « Tourisme à vélo de demain : s’emparer du défi climatique » des 28es Rencontres Vélo & Territoires

Politiques cyclables