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Annemasse Agglo (Haute-Savoie), territoire cyclable

Hôte à venir des prochaines Rencontres des collectivités engagées pour les mobilités actives et regroupement de douze communes, Annemasse – Les Voirons Agglomération, plus communément appelée Annemasse Agglo est l’incarnation du dynamisme et de la prise en compte des enjeux cyclables sur un territoire davantage connu jusqu’ici pour ses reliefs, ses réceptions d’évènements sportifs. Une perspective appelée à s’élargir à terme, dans ce territoire transfrontalier.

Annemasse Agglo en bref :

  • Superficie : 78,2 km2
  • 93 417 habitants (source : Insee, 2021)
  • Densité : 1 194,9 habitants km2
  • Siège : Annemasse

En savoir plus : annemasse-agglo.fr

Entretien avec Gabriel Doublet

Président d’Annemasse Agglo

Que représente le fait d’accueillir, à l’automne 2025, les prochaines Rencontres des collectivités engagées pour les mobilités actives ?

Ces Rencontres représentent pour nous une magnifique opportunité, deux ans après la réception d’une étape du Tour de France cycliste qui, déjà, nous avait permis de parler de vélo comme jamais nous ne l’avions fait jusqu’alors. Nous sommes un territoire qui connaît une forte hausse démographique. Ceci génère un flux important et quotidien de travailleurs transfrontaliers et donc la nécessité d’une collaboration pour développer les infrastructures vélo et proposer ainsi des alternatives durables et sécurisées à la voiture. C’est ce qui explique pourquoi, dès le début, la voie verte du Grand Genève a rencontré son public. Il y avait une attente d’une bonne partie de la population sur ces thématiques.

Quelles actions souhaitez-vous valoriser à cette occasion ?

Nous souhaitons mettre en avant la voie verte du Grand Genève, qui s’étend sur 12 km sur l’agglomération de la Suisse à Bonne et se poursuit jusqu’à Chamonix. Combinée à l’avancée prévue de la ViaRhôna sur un axe nord-sud, cela va nous permettre de mieux mailler le territoire. Nous souhaitons également mieux faire connaître l’effort mené sur les différents services ou sur les projets en cours avec le Grand Genève sur lesquels nous travaillons actuellement. Tout ceci s’inscrit dans le cadre de la révision de notre schéma directeur cyclable, en cohérence avec le schéma de cohérence territoriale et notre plan climat-air-énergie, tout en tenant compte de ce que font de leur côté les communes et les territoires voisins. Enfin, bien entendu, nous comptons sur ces Rencontres pour nous permettre d’échanger avec d’autres acteurs du vélo sur leurs bonnes pratiques.

À quels signes voyez-vous que la thématique vélo est désormais prise en considération sur le territoire d’Annemasse Agglo ?

C’est un changement culturel. Nous observons de plus en plus de vélos cargo sur le chemin de l’école, ainsi qu’un bond des VAE en montagne et sur les trajets professionnels. Tout cela montre l’aspect déterminant des infrastructures, ainsi que le côté incitatif des subventions communales à l’achat de VAE. La population est prête, elle a envie… Notre plan de mobilité tombe à pic.

Où en est-il de son élaboration ?

Nous nous efforçons d’identifier et de hiérarchiser les enjeux qu’il recouvre. C’est sur cette base que nous décidons ensuite d’objectifs chiffrés et du programme à mettre en œuvre pour les atteindre, en accord avec le comité de pilotage et le comité technique. Ce n’est qu’ensuite qu’il pourra être validé, après avis des personnes publiques concernées.

Passerelle du Foron qui relie la France à la Suisse sur la voie verte du Grand Genève

©Département de la Haute-Savoie/L.Guette

Martial Saddier

Président du conseil départemental de Haute-Savoie

Où en êtes-vous au plan cyclable en cet automne 2024 ?

Notre exécutif est là depuis trois ans et notre schéma départemental vélo vise, d’ici dix ans, à permettre à 70 % de notre population d’être connectée aux aménagements cyclables. C’est une ambition d’autant plus considérable qu’il ne faut jamais perdre de vue que la Haute-Savoie est le département montagneux par excellence. Aménager l’urbain, chez nous, c’est faisable. En revanche, tout ce qui implique le franchissement de viaducs, de crevasses, de torrents ou de cols fermés l’hiver à la circulation, c’est beaucoup plus difficile.

Comment s’articule la politique cyclable de votre Département avec celle d’Annemasse Agglomération ?

Nous conservons la maîtrise d’ouvrage sur nos routes départementales et sommes le premier partenaire financier de nos collectivités locales, au rang desquelles figure Annemasse Agglomération. Pour schématiser, il y a trois portes d’entrée à notre engagement sur cette thématique : soit nous finançons à 100 %, ce qui est le cas de nos routes départementales ; soit nous apportons une aide au kilomètre, comme c’est le cas pour Annemasse Agglomération ; soit, enfin, nous cofinançons à hauteur de 50 %, les 50 % restants relevant de la région Auvergne Rhône-Alpes, à l’instar de la Via 5 Lacs, cette véloroute qui, d’ici 2027, entend relier à vélo les cinq lacs alpins que sont ceux d’Aiguebelette, de Paladru, du Bourget, d’Annecy et du Léman.

Vous évoquiez la spécificité de votre statut montagneux. Quelles répercussions cela a-t-il sur l’avancée de ces différents projets ?

Cela se vérifie principalement sur les ouvrages d’art. Tout obstacle naturel – et ils sont nombreux sur notre territoire ! – oblige à intégrer la question de son franchissement, ce qui se répercute fatalement sur le coût final de l’aménagement. Une passerelle piétonne chiffre rapidement à deux ou trois millions d’euros. Or sans ces constructions, il n’y a pas de continuité possible.

Les prochaines Rencontres se tiendront à Annemasse en 2025. Que représente ce retour en Haute-Savoie, seize ans après l’édition 2009 qui s’était tenue à Annecy ?

Déjà, nous avons la chance d’avoir Chrystelle Beurrier, notre vice-présidente déléguée à l’enfance, à la famille et à l’insertion, qui est aussi la présidente de Vélo & Territoires. Cette organisation conjointe avec Annemasse Agglomération s’inscrit dans un calendrier particulièrement propice puisque nous mettons en ce moment l’accent sur le dispositif Savoir Rouler à Vélo au collège, nous soutenons les associations cyclistes intervenant dans le cadre du Plan départemental d’actions de sécurité routière, nous accompagnons le Syndicat mixte d’aménagement de l’Arve et de ses affluents sur la thématique des pistes de gravel et de VTT le long de cette rivière… Surtout, en ayant pris la décision de prendre en charge l’accueil d’étapes du Tour de France cycliste, masculin ou féminin, et en étant co-organisateurs des mondiaux 2027 de cyclisme sur route, nous franchissons un pas dans notre volonté de mettre le vélo au niveau du ski comme ambassadeurs de notre territoire. L’accueil des Rencontres en 2025 s’inscrit dans cette dynamique-là.

Participerez-vous aux 28es Rencontres Vélo & Territoires à Golfe du Morbihan-Vannes agglomération ?

Bien sûr. Nous sommes d’autant plus impatients qu’il se trouve que le Morbihan et la Haute-Savoie sont deux territoires jumelés. C’est une belle symbolique que de se transmettre mutuellement le flambeau.

Véloroute Léman Mont Blanc ©Département de la Haute-Savoie/L.Guette

Esther Sasso Berger-By

Chargée de projets transports urbains et modes actifs, service Transports et déplacements, direction des Mobilités

D’où part Annemasse Agglomération sur le plan cyclable ?

Notre premier schéma cyclable remonte à 2014. Il portait sur l’aménagement de pistes et de bandes cyclables, mais aussi de voies apaisées. Il a notamment permis de valider des itinéraires structurants comme la voie verte du Grand Genève Léman Mont-Blanc et la ViaRhôna, mais aussi le maillage de cheminements cyclables secondaires. L’objectif de départ était d’atteindre 99 km d’aménagements cyclables, ce qui faisait symboliquement un mètre d’itinéraire par habitant. Pour le reste, l’Agglomération s’est engagée sur les axes structurants tandis que les communes ont en charge la réalisation des aménagements secondaires.

Où en êtes-vous, dix ans après ?

À ce jour, 93 km ont été réalisés. Notre plan de mobilité 2025-2035 est en cours d’élaboration. Dans le scénario choisi, l’objectif est d’atteindre 10 % de part modale vélo. Le schéma directeur cyclable sera revu en conséquence selon l’ambition. Nous entendons en cela répondre aux besoins exprimés par la population et poursuivre la démarche de transition énergétique et écologique du territoire.

Passerelle de la Menoge à Bonne sur la voie verte du Grand Genève

Sur quoi vont principalement porter les efforts lors de cette révision du schéma directeur cyclable ?

Nous souhaitons être plus ambitieux sur le nombre de kilomètres aménagés, sur la qualité des infrastructures et sur l’écosystème vélo, que ce soit par exemple autour de la ViaRhôna, l’amélioration de l’environnement vélo ou dans le fait de mettre en place sur toute l’agglomération le dispositif Savoir Rouler à Vélo qui, avec la participation du Département, a fait ses preuves dans les écoles. En 2018, nous avons ouvert la Maison de la mobilité et du tourisme pour accompagner les usagers aux changements de comportement. Nous travaillons également les connexions avec la Suisse et les EPCI voisins, ce qui est primordial pour répondre aux flux de notre territoire.

Et dans l’immédiat ?

Actuellement, nous mettons en place un service de vélos en libre-service, géré par notre délégataire de transporteur urbain. Ce dernier gère également une station de vélos en longue durée et anime une fois par mois des ateliers gratuits de réparation de vélos, qui se tiennent sur le parvis de la gare. Nous avons en ligne de mire l’été 2027 et l’objectif annoncé de la mise en place, en collaboration avec le canton de Genève, d’un système transfrontalier de vélos en libre-service.

Comment ont évolué les mentalités, au fil des années ?

L’ouverture en 2019 du tronçon transfrontalier de la voie verte du Grand Genève a entraîné une vraie bascule puisque, dès l’année suivante, les élus ont senti qu’il y avait un besoin et des attentes à ce niveau. Bien sûr il reste des communes qui demeurent moins convaincues. Mais, dans l’ensemble, la dynamique est amorcée.

Quel budget est consacré à cette politique ?

Une enveloppe de 5 millions d’euros par an est dédiée au développement, à la sécurisation et à la promotion des infrastructures cyclables. Le budget total de la ViaRhôna, en cours de travaux, est de 9,7 millions d’euros.

Procédez-vous à des comptages ?

Oui. Nous avons trois compteurs disposés sur le territoire. Celui situé au niveau de la douane a battu le 18 juin 2024 son record avec 4 327 passages de vélos en une journée.

Que représente pour vous le fait d’être l’hôte en 2025 des Rencontres des collectivités engagées pour les mobilités actives ?

J’ai eu la chance de pouvoir me rendre sur plusieurs éditions précédentes. C’est pour nous une forme d’aboutissement, mais pas uniquement car cette fois ce n’est plus l’affaire de quelques élus isolés, mais celle de l’agglomération toute entière. C’est donc aussi un nouveau début et, bien sûr, l’occasion de mettre en avant les nombreux projets de mobilité liés à notre situation d’agglomération de moins de 100 000 habitants, traversée par des flux transfrontaliers. La réception du Tour de France et de la cyclosportive l’Étape du Tour en 2023 ont déjà permis au vélo d’être audible sur notre territoire. L’objectif avec l’accueil des Rencontres est d’étendre cette émulation au plan institutionnel.


Trois questions à Anne Favrelle

Conseillère d’Agglomération et membre du collège de l’association En Ville à vélo

Quelle place occupe l’association En Ville à vélo dans le tissu local ?

L’association existe officiellement depuis 2007. Au départ il s’agissait surtout de faire du lobbying à l’attention des collectivités locales. Et puis en 2012 nous avons eu ce grand projet de tram frontalier qui relie la Suisse au centre d’Annemasse. Il a entraîné une évolution qui s’est traduite par le lancement en 2015 d’un atelier mobile d’auto-réparation des vélos sur les marchés. Le succès rencontré par cette action a fait évoluer l’association au point que, dès 2017, nous sommes passés à quelques 800 adhérents annuels. Notre but désormais est de promouvoir la mobilité active au sens large, à l’attention non seulement des cyclistes, mais de tous les usagers « vulnérables » comme les piétons ou les personnes à mobilité réduite.

En quoi consistent vos actions ?

Nous sommes dans une région où les différences de revenus d’un ménage à l’autre sont considérables. Dans notre atelier d’auto-réparation, il y a un grand mélange de nationalités et d’origines sociales. Nous proposons des vélos reconditionnés, peu chers et qui fonctionnent bien, et qui intéressent des personnes venues au vélo par sensibilité écologique, mais aussi sportive ou tout simplement pour des raisons économiques… Nous travaillons aussi la question de l’équité de genre, avec une éducation des femmes à la mécanique et la possibilité de formations encadrées par des femmes… Notre site Internet permet de signaler les points difficiles rencontrés par les usagers. C’est un recours important car il n’y a rien de plus frustrant que de ne pas avoir d’interlocuteur lorsque l’on constate des dysfonctionnements sur le terrain. Je sais que la commune d’Annemasse est elle aussi équipée d’un outil analogue appelé clicAnnemasse. Tout ceci s’inscrit dans la dynamique de relation de confiance que nous nous efforçons de cultiver en programmant des réunions régulières avec les différentes mairies du territoire.

Que retenir au plan local des avancées de ces dernières années en matière cyclable ?

Tout dépend à quoi l’on se compare. Par rapport à il y a cinq ou dix ans, les progrès sont extraordinaires. La voie verte du Grand Genève qui, comme son nom l’indique, relie le centre d’Annemasse au centre de Genève, a créé un accès complètement sécurisé qui permet d’aller plus vite qu’en empruntant les transports en commun. La ViaRhôna, pour sa part, est en cours de finalisation, les fléchages des différentes bandes cyclables sont engagés… Le gros bémol reste encore et toujours la contrainte de la vitesse. Lorsque des travaux sur la chaussée sont durablement engagés, ils prévoient des alternatives pour la voiture mais pas toujours encore pour les cyclistes ou les personnes à mobilité réduite, ce qui conduit ces populations à parfois, malgré nos recommandations, à emprunter des trottoirs piétonniers à contresens, ce qui génère fatalement des tensions. Fort heureusement, l’exemple de ce qui a pu être fait sur des territoires comme Strasbourg montre qu’avec de la volonté et du dialogue, des solutions apaisées restent un horizon atteignable.

En savoir plus : https://envilleavelo.fr/

Trois questions à Hugo Brussat

Chargé de projet mobilité et modes doux à Transports annemassiens collectifs (TAC) Mobilités, délégataire de transport en charge de la vélostation et de la mise en place du service VLS sur le territoire

  • En quoi consistent vos activités à TAC Mobilités ?

J’ai une double casquette. En ma qualité de chargé de mission Mobilités douces, j’accompagne les plans de mobilité des entreprises du territoire, dont certaines intègrent le vélo et en particulier son système de location. Mon autre casquette, je la partage avec un technicien cycle. Nous gérons pour l’agglomération d’Annemasse de la location de vélos longue durée. Nous disposons à ce titre d’une flotte mixte de 140 vélos musculaires, VAE, vélos cargos et trottinettes. À côté de cela nous travaillons à la mise en place de VAE en libre-service avec l’entreprise Fredo, dont l’application permet de gérer l’utilisation de cadenas électriques.

  • Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dispositif de libre-service ?

Nous avons à ce jour 30 vélos musculaires et nous espérons prochainement pouvoir les remplacer par des VAE. C’est un service qui se structure encore car il n’a débuté qu’en 2023. Après une année à titre expérimental, force est de constater que cela prend plutôt bien. La prochaine étape sera de progressivement passer aux VAE, avec le soutien de l’Agglomération. Cela ferait d’autant plus sens que nous sommes collés à Genève, ce qui génère un flux important de frontaliers vers certains pôles d’échanges multimodaux. Les accompagner pour les atteindre à vélo est un de nos objectifs. Les réflexions devraient s’accélérer d’ici 2027 pour permettre enfin un grand service entre Genève et la France.

  • Quelle serait la suite ?

L’enjeu à terme va être de réussir à consolider l’offre de location de vélos de longue durée, en travaillant par exemple sur les propositions d’assurance, la révision de nos offres tarifaires et la mise en place d’options de paiement pour faciliter la vie de nos clients.

En savoir plus : www.tac-mobilites.fr/nos-services/velo-en-libre-service 

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue