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Voyage scolaire éducatif à vélo : vers le lac, des bourgeons

Si les voyages forment la jeunesse, ceux à vélo avec des camarades de classe font de surcroît franchir un palier physiquement et dans le rapport aux autres. Illustration avec Joliot à vélo, une expérience menée près de Lyon ces dernières années.

En route pour « l’estime de soi, la solidarité, la bienveillance et l’autonomie ». Telle est l’horizon tracé bénévolement depuis la rentrée 2021-2022 par une équipe d’enseignants du collège Irène Joliot-Curie à Bron (Rhône). Pour la troisième année d’affilée, l’établissement a monté, plusieurs mois durant, un voyage à vélo à l’attention d’une vingtaine d’élèves de 5e et de 4e. « Cela se fait sur la base du volontariat », amorce Guillaume Vidal, professeur d’histoire-géographie aux avant-postes sur ce projet en compagnie, sur cette année 2023-2024, d’homologues professeurs de mathématiques, d’éducation physique et sportive, d’espagnol et de sciences de la vie et de la terre. L’intitulé des matières a son importance puisque, ainsi que l’affiche le blog de l’aventure, il y a ici la volonté « d’assurer la contribution transversale et conjointe de toutes les disciplines, comme le requiert le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, texte officiel qui fixe le cap de l’ensemble des matières au collège. »

Préparation

Le voyage en lui-même a lieu aux beaux jours de juin. Départ du collège, destination le lac du Bourget par la ViaRhôna, retour en train. Deux cents kilomètres en cinq étapes du lundi au vendredi à raison de quarante kilomètres minimum chaque jour. Si ce périple reste le point d’orgue de l’année, une part importante de l’ambition pédagogique de la démarche se joue en amont, pendant les mois de préparation qui précèdent. En l’espèce, poursuit Guillaume Vidal, « les élèves sont retenus sur la base d’une lettre de motivation et d’un engagement par écrit à adopter une attitude positive tant durant les temps d’ateliers que dans les autres cours dispensés au collège. La préparation au voyage se fait sur la base d’une heure supplémentaire par semaine, le mardi entre 13 et 14 h, en plus des cours obligatoires. Il faut bien ça pour anticiper par groupes de quatre ou cinq tout ce qui sera crucial le jour J : planifier les étapes et les hébergements, prévoir les menus, être au point sur l’utilisation des plateaux et des pignons, etc. »

Transmission

Rendu gratuit et donc attractif grâce au soutien de nombreux partenaires allant de la Métropole de Lyon aux enseignes Carrefour et Décathlon en passant par la Fondation de France, le Fonds MAIF pour l’éducation ou les Cités éducatives, le projet a aussi un volet transmission. Comme une mise en abyme de leur propre expédition, les collégiens tutorent eux-mêmes d’autres jeunes Brondillards, à savoir une classe de CM2 de l’école Jean Moulin, située à 700 mètres de là. Au menu : maîtrise progressive de l’outil vélo et sensibilisation au ramassage des déchets le temps, pour les écoliers, d’arriver prêts pour une sortie d’une journée à partir de leur établissement. Une sensibilisation aux déchets qui est aussi un fil rouge pour leurs aînés collégiens, puisqu’un ramassage collaboratif est prévu tout au long de leur itinéraire final.

Implication

En 2023-2024, sur vingt collégiens inscrits, « seuls un quart avait un vélo personnel en état de marche », estime Monsieur Vidal. Les années collège sont en effet cet âge de transition où la draisienne puis le vélo de l’enfance ne sont plus à la bonne taille et où, pour beaucoup de familles, il est financièrement urgent d’attendre que la croissance s’achève pour investir dans une monture qui dure. Qu’à cela ne tienne ! Les vélos manquants comme les tentes et le nécessaire de cuisine sont loués à un établissement ami, le collège Ampère d’Oyonnax. Et l’écosystème vélo n’est jamais loin puisque La P’tite rustine, un atelier de réparation situé à trois kilomètres, y va de son intervention, tout comme la Maison du vélo pour aider à mettre en musique le dispositif Savoir à rouler. L’infirmière du collège et une enseignante en arts plastiques viennent aussi donner quelques notions de diététique (l’expérience ayant montré que des élèves s’élançaient le ventre vide de bon matin…) et d’appui à l’élaboration de supports visuels pour faire connaître le projet.

Transversalité

La transversalité des apprentissages est le maître mot des séances préparatoires : transversalité des apprentissages scolaires (apprendre à s’orienter sur une carte avec les professeurs de géographie et d’EPS), transversalité des apprentissages comportementaux (éveil à la citoyenneté, prise d’initiative, attention aux autres, notions de secourisme…). La partie théorique dûment digérée, chaque participant enfile son casque et son gilet fluorescent, et les premières sorties test vont crescendo. Une dizaine de kilomètres est programmée au printemps dans le bois voisin de Parilly, puis une autre de 25 kilomètres du côté de Miribel-Jonage, et une dernière à J-15 enchaînant des endroits bien connus localement comme le parc de la Tête d’Or, celui de Gerland et celui du Fort de Bron. L’occasion d’apprendre à maîtriser le freinage, la distance et l’art subtil de pédaler en peloton.

Responsabilisation

Lorsqu’arrive enfin l’heure du grand départ, le trajet ne consiste pas seulement à pédaler à la queue-leu-leu suivis d’un camion-balai transportant le matériel pour camper. Les adolescents sont responsabilisés. Par rotations, c’est à eux de gérer l’orientation, l’installation du bivouac, la préparation des repas, les tours de vaisselle. La récompense est une tête dans la piscine du camping lorsqu’il y en a une et surtout une demi-heure en soirée sur le sacro-saint téléphone portable. Pour motiver le réveil matinal, un efficace « le dernier qui a plié sa tente fait la vaisselle ». Côté découvertes patrimoniales, les grottes de la Balme, la maison des enfants d’Izieu, la visite d’une fromagerie… et le plouf final dans le lac du Bourget. L’occasion de paraphraser Napoléon face aux pyramides d’Egypte (« depuis les rives de ce lac, dix mois de préparatifs nous contemplent »), avant un retour pépère le lendemain jusqu’à la gare pour boucler la boucle en douceur jusqu’à Bron. Et de laisser croître à leur rythme les graines du souvenir de ces jours heureux chez tous ces vaillants adultes en devenir.

Propos recueillis par Anthony Diao

Pour aller plus loin :

Le blog de Joliot à vélo : https://histogeo07.weebly.com/

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