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L’AF3V met le revêtement des voies vertes à l’honneur

Vingt-sept ans après l’ouverture de la première voie verte Givry Cluny et vingt ans après leur entrée dans le code de la route, un colloque était consacré aux voies vertes et au sujet spécifique de leur revêtement. Pour Pierre Hémon, président de l’Association française pour le développement des véloroutes et des voies vertes (AF3V), « la fonction des voies vertes a changé, elles sont aujourd’hui très largement multiusages et participent à la décarbonation des mobilités ». Mais pour ce faire, il est impératif que ces dernières soient confortables, efficaces et inclusives. Des qualités très dépendantes du revêtement. Retour sur une journée riche en échanges.

Le revêtement, un consensus technique et environnemental

En 2019, Vélo & Territoires publiait sa fiche-action n°9 sur les revêtements. En 2024, c’est au tour de l’AF3V et de France Nature Environnement (FNE) de publier leur guide sur le revêtement des voies vertes. « Les collectivités et les associations d’usagers et environnementales ont fait leurs études et, par chance, elles disent la même chose », s’enthousiasme Geneviève Laferrère, pilote du réseau territoires et mobilités durables chez FNE.

À l’heure où les voies vertes contribuent à tendre vers l’objectif de 12 % de part modale vélo en 2030, la question du revêtement est importante et les conclusions sont claires : pour favoriser le report modal l’enrobé est à privilégier. Au-delà de l’usage, les enrobés tirent leur épingle du jeu sur les plans économiques et environnementaux, ainsi que le démontre l’analyse du cycle de vie des revêtements menée par les deux associations. Émissions de CO2, coefficients d’imperméabilisation très proches, inertie du matériau et durée de vie moyenne nettement supérieure, les résultats déconstruisent un certain nombre de préjugés : face au stabilisé, l’enrobé a l’avantage. Pour Jean-Marie Tétart, président de la communauté de communes du Pays Houdanais, ce consensus technique devrait être valable dans tous les territoires. « La transition des mobilités en milieu rural sera réussie avec le vélo ». Et « les ruraux ont le droit au même confort que les urbains ».

La mise en œuvre, enjeux d’acceptabilité

Si le consensus technique semble se dégager au sein des acteurs du système vélo, le portage politique n’est pas sans poser des difficultés aux collectivités territoriales. De Montpellier Méditerranée Métropole au département de la Mayenne en passant par la communauté de communes du Pays Houdanais, plusieurs collectivités ont récemment dû composer avec des oppositions. La réalisation de voies vertes ou d’enrobé dans le cadre de la réutilisation de chemins ruraux pour y accueillir des itinéraires cyclables suscite des levers de boucliers. Même écho côté des usagers : « comment éviter le lynchage quand on propose de mettre de l’enrobé sur une voie verte ? », s’interroge un membre de l’AF3V. Pour Geneviève Laferrère ce n’est pas nouveau : « derrière le sujet du revêtement la crainte est ailleurs : peur de la cohabitation, des dépôts sauvages, etc. ». « Il faut déconstruire les choses. Les gens pensent qu’ils auront le peloton du Tour de France au pied de leur jardin », rapporte Christelle Cubaud, vice-présidente de l’AF3V. Pédagogie, information adaptée et concertation des usagers sont de mise plus que jamais pour garantir la faisabilité, mais aussi l’inclusivité des aménagements. « Pour un aménagement universel, l’usager doit être au cœur de la conception. Intégrer les usagers, en particulier les plus fragiles, améliore le confort de l’aménagement pour tous », souligne Thomas Rosset, co-fondateur de Praxie Design.

La ville d’Avignon tâche d’en tenir compte dans le déploiement de son schéma directeur cyclable. « L’écosystème des usagers potentiels est étudié à la conception de chaque infrastructure », témoigne Olivier Marquet, directeur de projet mobilités. Cette étape primordiale est la seule façon de s’assurer de la prise en compte de tous. Pour faciliter la cohabitation des différents usagers, le département du Calvados a réalisé des voies vertes en enrobés sur lesquelles une bande non revêtue pour les cavaliers est maintenue. Un compromis adapté à un contexte territorial et des usages associés.

©Paul BERARDI

L’impact des revêtements se joue à toutes les phases

Pour s’assurer de la compatibilité des projets avec des impératifs environnementaux, « les collectivités doivent s’adapter et être agiles », témoigne Jacqueline Markovic, vice-présidente de Vélo & Territoires et conseillère départementale de l’Hérault. Une posture à adopter très en amont des projets, dès les premières études de tracé. « Lorsqu’on réfléchit au revêtement, on doit déjà savoir où on passe et ce qu’il faut protéger », insiste Geneviève Laferrère.

Le syndicat mixte de la voie verte la Durance à vélo a adopté une approche spécifique dans l’espace naturel sensible de la Durance. « On s’est demandé comment transformer une contrainte réelle en opportunité pour sensibiliser à l’environnement », témoigne Bertrand Jacopin, directeur Études et travaux. Tenant compte de la sensibilité de la zone et après études des potentiels usages, « nous avons décidé de ne pas mettre de revêtements ». Pas de couche de roulement, ni stabilisé, ni enrobés, simplement la structure d’une chaussée pour proposer « une infrastructure qui s’efface aujourd’hui ». Ce projet est aussi l’occasion de sensibiliser le public aux enjeux environnementaux avec des panneaux d’informations, des actions de prévention. Des conventionnements avec les exploitants agricoles permettent par ailleurs d’ajuster des pratiques agricoles au milieu pour faciliter la reproduction d’une espèce protégée.

Dans l’Hérault, pour finaliser le tour de l’étang de Thau à vélo, le Département a opté pour un platelage bois sur pilotis sur 300 mètres. « Si techniquement il y a un consensus pour les enrobés, parfois les réglementations ne les rendent pas envisageables », explique Jacqueline Markovic. La solution retenue offre le plus faible impact possible sur la zone humide tout en garantissant la complétude de l’itinéraire et un confort d’usage.

Revêtements à base de liants végétaux, utilisation des granulats locaux, recyclage, mais aussi nouveaux engins adaptés à des voies moins larges pour limiter l’impact chantier… les récentes innovations techniques des entreprises de travaux publics entendent répondre aux enjeux de préservation des milieux et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces nouveaux revêtements au bilan carbone amélioré ont été testés sur une portion de la ViaRhôna, à l’île du Beurre. Dans ce secteur sensible, « il a fallu beaucoup de discussions, mettre toutes les parties autour de la table à plusieurs reprises », témoigne Damien Derouet, chargé de mission Véloroutes et voies vertes à la région Auvergne-Rhône-Alpes. Après un aménagement en stabilisé, lequel avait dû être refait, le choix de l’enrobé s’avère concluant et limite l’impact de l’aménagement durablement dans le temps. Si les phases de conception et de chantier sont des phases cruciales pendant lesquelles les enjeux environnementaux sont à anticiper (à ce sujet la représentante de FNE insiste sur la responsabilité des maîtrises d’ouvrage et maîtrise d’œuvre pouvant ajouter des clauses environnementales dans les marchés), l’entretien est aussi une étape à ne pas négliger. « C’est en phase chantier que les impacts sont les plus forts, mieux vaut éviter de reprendre tous les quatre ans le revêtement », rappelle Geneviève Laferrère.

Réutiliser l’existant, le meilleur revêtement

Évoquer l’impact environnemental des aménagements et de leur revêtement ne peut se faire sans parler de la solution la plus sobre à ce jour : la réutilisation des voiries existantes. Ce principe, qui a fait l’objet d’un certain consensus lors de cette journée, est par ailleurs promu dans la note de position de la Fédération des usagères et des usagers de la bicyclette. Le dossier de Vélo & Territoires la revue n°74 Sécuriser les trajets à vélo en territoires peu denses va également dans ce sens, tout comme les conclusions de l’étude de BL Évolution Zéro Artificialisation Nette : un levier pour les modes actifs. Plans de circulation, requalifications de voirie, partage ou réutilisation des voiries sont une manière de réutiliser les revêtements et enrobés déjà en place.

Ces solutions appellent toutefois à la vigilance pour l’AF3V, notamment lorsque la réutilisation des voiries se fait via la mobilisation de l’outil des voies vertes. Pour rappel, depuis 2022 les dispositions du code de la route ont évolué, permettant l’autorisation, par dérogation, de certains véhicules motorisés sur les voies vertes. Or, « lorsque nous sommes habitués à circuler sur des voies vertes on ne s’attend pas à croiser des véhicules motorisés », explique Christelle Cubaud. Pour éviter les risques de conflits d’usage, l’association plaide pour une autre appellation et l’utilisation d’un autre outil. Néanmoins, la réutilisation des voiries est au cœur des solutions pour décarboner les mobilités et rendre la France cyclable. S’affranchir des débats autour du revêtement passe, entre autres, par le fait de réutiliser l’existant.

Confort, roulabilité, insertion paysagère, albédo, coût, gestion de l’eau, végétation, entretien, inclusivité, acceptabilité, les enjeux autour des revêtements des voies vertes sont nombreux.  « J’espère qu’on n’attendra pas 27 ans pour le prochain colloque dédié aux voies vertes, tant il y a de sujets à traiter », conclut Pierre Hémon. D’ici là, le nouveau guide et cette journée confortent un consensus technique et environnemental déjà latent en faveur des enrobés et offrent des conseils précieux aux collectivités pour le déploiement de leurs schémas directeurs cyclables.

Lucille Morio

Politiques cyclables