Guide JALRIC : le chaînon manquant de la signalisation cyclable
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°68
Alors que le schéma national des véloroutes et ses déclinaisons départementales et régionales se développent, le besoin d’une signalisation directionnelle cyclable plus homogène se fait sentir. Aujourd’hui, l’émergence du maillage des voies cyclables impose d’étendre la démarche linéaire à une démarche territoriale. Pour répondre aux questions qui se posent dans ce cadre, vélo & territoires a élaboré un guide de recommandations en s’appuyant sur plusieurs chartes de signalisation directionnelle d’itinéraires, sous l’égide d’un comité de pilotage et avec le soutien du ministère de la transition écologique. Évolutif, ce guide non exhaustif pose des concepts utiles et propose quelques pistes.
Pourquoi un tel guide?
Lorsque l’on passe d’une logique d’itinéraire à une logique de réseau maillé, la signalisation directionnelle – désignée ici sous le nom de jalonnement – fait partie intégrante de l’itinéraire cyclable voire conditionne son existence. Cependant, aucun guide de ce type n’avait jusqu’à présent vu le jour : il y a un vrai manque dans l’histoire de la signalisation routière puis cycliste. En effet, le seul texte officiel est l’Instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR) de 1963. Cette « Bible en matière de signalisation routière », ainsi que la désigne Vincent Defrain du bureau d’études spécialisé DDSR, n’a été complétée qu’en 2004 par le guide Certu sur « la signalisation des aménagements et itinéraires cyclables », qui reste encore la norme malgré quelques mises à jour. Un arrêté du 6 décembre 2011 actualise l’IISR de 1963 et intègre désormais la signalisation de « repérage » et notamment la signalisation cyclable dans sa 5ème partie. S’ensuit la fiche 28 du Certu en 2013 « Signalisation directionnelle à l’attention des cyclistes » mais dont les dispositions ont été peu et inégalement appliquées. Le guide JALRIC réalisé par Vélo & Territoires permet aujourd’hui de répondre aux questions qui se posent. Remettant au gout du jour la 5e partie de l’IISR, il explique comment faire un schéma directeur de signalisation à l’attention des cyclistes.
Un contenu dans lequel piocher
« Le guide » Jalonnement des itinéraires et réseaux cyclables » est construit comme une boite à outils dans laquelle on peut piocher ce dont on a besoin », présente le consultant Pierre Toulouse, à qui Vélo & Territoires a confié la rédaction de ce guide. Décliné en six chapitres, l’ouvrage est destiné à accompagner aussi bien des bureaux d’études que des maîtres d’ouvrage, de la conception d’un schéma directeur cyclable jusqu’à la pose des panneaux. Après avoir posé le cadre réglementaire, le guide propose quatre types de réseaux cyclables avec des marquages spécifiques. Il s’intéresse ensuite à l’importance de bien réaliser un schéma directeur, notamment appliqué à un seul itinéraire. Enfin, il reprend et explicite toutes les dispositions matérielles et techniques officielles des panneaux et de leur pose et revient brièvement sur d’autres types de signalisation évoqués.
Passer de l’intention à la réalisation du jalonnement d’un itinéraire cyclable
Une signalisation de qualité est essentielle à la vie d’un itinéraire cyclable et reste indispensable même à l’heure des outils connectés. Elle doit répondre à trois besoins majeurs de ses usagers : le repérage, les liens avec les aménités du territoire, la communication. Pour disposer d’un schéma directeur cyclable le plus efficace possible, le guide JALRIC propose de mettre en place un organe de gouvernance, qui va pouvoir créer et définir ce qu’on va signaler. Il sera ensuite responsable de la mise en place du jalonnement, de le faire vivre au quotidien, et de l’auditer régulièrement afin de pouvoir le faire évoluer. Le véritable enjeu aujourd’hui ? Passer d’une logique d’itinéraire à une logique de réseau, et il convient pour cela d’œuvrer à l’échelle d’une aire d’études, pour tenir compte du maillage de plus en plus dense du réseau. Il peut arriver que le guide JALRIC sorte parfois un peu du cadre réglementaire et propose des panneaux ou dispositions qui ne sont pas prévus par l’ISSR mais qui ont un réel intérêt et pourraient être inscrits un jour dans la règlementation. « Pour bien signaler, il convient de respecter quelques principes fondateurs dans la mise en place du jalonnement : la continuité, indispensable pour rassurer sur les directions suivies, et la lisibilité qui dépend de l’homogénéité et de la sobriété du jalonnement », rappelle Pierre Toulouse.
Types de réseaux et leur signalisation spécifique
Le guide JALRIC recense quatre types de réseaux aux problématiques différentes et donc à la signalisation spécifique : les véloroutes, les réseaux urbains (qui peuvent être parfois en conflit avec les véloroutes), les boucles et les points-noeuds. Lors du webinaire de présentation du guide organisé par Vélo & Territoires le 15 avril 2022, trois territoires ont présenté leur démarche et leur travail, illustrant les trois autres types de réseaux et les difficultés rencontrées (voir encadrés).
S’il est probable que JALRIC fasse référence, il reste un guide de recommandations et n’a pas la prétention de l’exhaustivité. Ainsi, « si le guide technique de Vélo & Territoires évoque la situation urbaine, la classification des pôles qu’il propose n’est pas adaptée en milieu urbain. Il faudrait approfondir le travail sur ce thème », plaide Emmanuel Roche du Grand Chambéry. Le guide a donc vocation à évoluer, en fonction des retours du terrain et des évolutions du réseau cyclable. Un document à suivre et à faire vivre donc.
Mieux valoriser les véloroutes départementales et régionales avec un nouveau système de numérotation en Normandie
« Sur le terrain, les véloroutes départementales et régionales sont peu visibles et leur signalisation manque de cohérence par rapport aux véloroutes nationales et aux EuroVelo », décrit Rémi Delabruyère, chargé d’opération circulations douces au département du Calvados. Fort de cette observation, un travail a été mené à l’échelle de la région Normandie pour définir une numérotation et signaler les véloroutes départementales et régionales sur les panneaux et sur les cartes. « Pour qu’il soit réplicable à l’échelle nationale, ce système reprend la numérotation utilisée dans le webSIG de Vélo & Territoires. Nous espérons que la présentation de cette solution dans le guide Jalonnement des réseaux et itinéraires cyclables donnera envie à d’autres territoires d’y recourir. »
Passer d’une logique d’itinéraire à une logique de réseau
cyclable à Nevers
Nevers est la porte d’entrée et de sortie de trois itinéraires : La Loire à Vélo, l’EuroVelo 6 et la Via Allier qui se situent à quelques kilomètres de la ville. « Ce carrefour de véloroutes s’est constitué progressivement », explique Sébastien Baholet, chargé de mission Activités de pleine nature au conseil départemental de la Nièvre. Cette situation implique de penser la signalisation de rabattement et les liaisons de chaque itinéraire en réseau, les uns avec les autres. Pour le rabattement d’un itinéraire vers un autre, le guide sur le jalonnement des réseaux et itinéraires cyclables propose d’indiquer sur un premier panneau l’itinéraire où l’on se trouve et sur le dernier panneau « vers » quelle autre véloroute cette section conduit. Mais, il y a plusieurs étapes à respecter avant de pouvoir appliquer cette solution sur le territoire. « En pratique, la solution dépend aussi des habitudes des spécialistes de la signalisation routière et de la capacité des outils disponibles sur le terrain », souligne Sébastien Baholet.
Jalonner un réseau urbain avec l’exemple du Grand Chambéry
« En milieu urbain, le jalonnement est plus complexe car beaucoup d’itinéraires se croisent et s’entremêlent », décrit Emmanuel Roche, chargé de la politique cyclable à l’agglomération savoyarde. En 2021, le Grand Chambéry a entrepris la mise à jour de son jalonnement cyclable vieillissant pour l’adapter aux évolutions de son réseau cyclable et
notamment des liaisons. D’abord, afin d’assurer la cohérence des informations pour l’usager qui traverse le territoire, il était nécessaire de choisir une aire d’étude plus vaste que l’aire d’implantation, par exemple, pour indiquer les mentions « Aix-les- Bains » et « Grenoble » depuis Chambéry. Il ne s’agit pas de multiplier les mentions pour autant. L’IISR n’autorise en effet que six mentions maximum en tout et quatre mentions maximum dans la même direction. « Il faut élaguer pour faciliter la lisibilité, c’est moins cher à mettre en place et à entretenir » rappelle Emmanuel Roche. Le tout dans un réseau cyclable en construction. Pour néanmoins indiquer la direction vers les communes périphériques, le Grand Chambéry signale les axes urbains structurants par une numérotation spécifique, sans.
Les autres dispositifs de signalisation
Les Relais informations services, placés à des endroits stratégiques, offrent une vision plus globale du territoire dans lequel s’inscrit l’itinéraire, et donnent accès à un certain nombre d’informations, souvent de type touristiques, sur les aménités de l’itinéraire. Les portes d’entrée ou totems, eux, ne remplissent aucun rôle sur la signalisation directionnelle, mais ont pour vocation de promouvoir les itinéraires. Situés dans des lieux emblématiques, ils permettent d’identifier clairement le nom et le logo de l’itinéraire, peuvent aussi faire apparaître ses promoteurs et ses financeurs, et indiquer la destination finale, même si celle-ci est à plusieurs milliers de kilomètres (notamment pour les EuroVelo), ce qui peut être un argument de notoriété touristique.
Les réseaux points-nœuds
Encore peu répandu en France, leur usage pourrait se démocratiser au regard des nombreuses possibilités qu’il offre. Les points-noeuds sont des points reliés entre eux pour former des intersections et tisser tout un réseau de tronçons balisés pour les vélos. Par un système de numérotation simple apposée sur des panneaux à chaque intersection, ils permettent de construire son parcours étape par étape, en repérant les carrefours que l’on souhaite emprunter pour établir ses propres combinaisons. Déjà très répandu aux Pays-Bas et en Belgique, ce type de balisage s’installe de plus en plus de l’autre côté de la frontière en France, ce qui crée de multiples possibilités de circuits transfrontaliers.
Armelle Boquien et Jilliane Pollak
En savoir plus :
- Visionner le webinaire de présentation
- Consulter le guide JALRIC