Marie Couvrat- Desvergnes
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°64
La toute jeune Académie des mobilités actives travaille d’arrache-pied pour accroître l’expertise française en matière d’intégration des sujets vélo et piétons dans les politiques publiques et privées. À l’heure du lancement des premières formations la parole est à l’une des « sages » qui la composent.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la création de l’ADMA (Académie des mobilités actives) ?
L’ADMA est un programme national qui a vu le jour en février 2021. Il est coporté par la FUB et la société de conseil en performance énergétique ROZO, en réponse au programme CEE (Certificats d’économie d’énergie) du ministère de la Transition écologique. L’enjeu est d’accroître l’expertise mobilité active (vélo et marche) en France, dans une dynamique de construction des connaissances et d’apprentissage continu. L’équipe ADMA, composée d’experts formateurs, proposera des formations en tenant compte de tous les territoires, dans le but d’essaimer les savoirs. Nous souhaitons importer les pratiques étrangères inspirantes et valoriser celles que nous avons en France pour faire progresser le niveau d’expertise de tous les acteurs, qu’ils soient universitaires, élus ou techniciens, en tenant compte de l’essor que connaît le milieu associatif et son expertise d’usage, mais aussi celui du secteur privé, où les bureaux d’études et autres promoteurs mettent tout en œuvre pour que le vélo et la marche ne soient pas les parents pauvres des thématiques sur la mobilité.
Notre approche […] s’inscrit dans une complémentarité de regards et de parcours, en mettant l’usager au centre des réflexions et projets.
Ce type d’instance n’existait pas jusqu’alors en France ?
Depuis une décennie et surtout avant le Covid, les idées étaient là, mais gagnaient à être davantage structurées. L’expertise se faisait sur le tas. Les bonnes pratiques que nous cherchons à encourager permettent un autre regard que peuvent apporter des acteurs tels que l’Ademe, le Cerema, Vélo & Territoires, etc. Notre attention se porte par exemple sur la prise en compte du piéton – souvent négligé dans toutes ses dimensions. Notre approche se veut plus sensible. Elle
s’inscrit dans une complémentarité de regards et de parcours, en mettant l’usager au centre des
réflexions et projets.
Pourquoi vous à ce poste ?
Cela fait vingt ans que je travaille sur les sujets de la mobilité. J’ai fait le Master T.U.R.P (Transports urbains et régionaux de personnes) à Lyon et débuté en bureau d’études à Londres, une ville où ces thématiques ont fait l’objet d’une attention accrue dix à quinze ans avant qu’elles le soient en France. J’ai poursuivi mon parcours professionnel à Paris avant de revenir en région Auvergne-Rhône-Alpes, à l’Agence d’urbanisme de Grenoble, où je me suis frottée à l’évaluation de projets. C’est une structure qui aborde les sujets avec une vision globale grâce à l’apport de données variées du territoire. Les réflexions et l’approche ne se font plus en silo comme il y a quinze ans, elles sont devenues transversales… Puis, au bout de dix ans, j’ai choisi de passer sur de l’opérationnel et ai travaillé dix ans en collectivité territoriale. Cela m’a permis de mettre les mains dans le cambouis, notamment sur les thématiques covoiturage ou auto-stop organisé. Le fait de travailler dans le bassin grenoblois fut également l’opportunité de participer au développement de la politique vélo de la Communauté d’agglomération du Pays Voironnais. C’est sans doute ce grand écart entre planification et mise en œuvre qui m’a valu d’être aujourd’hui à l’ADMA, dont les attentes transcendent la technicité de chacun de ses membres. Nous sommes implantés entre Paris et Lyon, et entre les polyglottes, les anciens élus, ceux passés par des ONG, etc., nos parcours se complètent bien.
En quoi consiste l’offre de formation et de sensibilisation que vous proposez ?
Notre premier catalogue de formations a été publié en septembre. Il comprend plusieurs modules dont un volet formation, avec classes apprenantes et validation des acquis, et des supports techniques. Nous travaillons également à la mise en place d’une plateforme en ligne style MOOC. L’objectif est de permettre à chacun de monter en compétence en se faisant certifier, au terme de formations de durées très variables, étalées sur une période allant de quelques jours à plusieurs mois. Nous souhaitons privilégier la diffusion de nos contenus via un apprentissage actif, non descendant, avec des mises en pratique, des vidéos et un panel d’outils dynamiques. Certes, nous sommes estampillés « experts », mais nous ne prétendons surtout pas tout connaître. Nos apprenants aussi ont des points de vue à partager. C’est du partage d’expérience.
Votre première formation sera lancée lors des 25es Rencontres Vélo & Territoires, les 7 et 8 octobre 2021 en Ardèche. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Oui, cette première formation sera à destination des élus et de leurs collaborateurs. Sur un total
de quatorze heures de formation réparties en quatre modules, les élus nouvellement investis ou
déjà en place seront sensibilisés aux techniques de plaidoyer sur les thèmes de la mobilité, de l’environnement, la santé, le tourisme… L’objectif est de déconstruire les idées reçues et de leur permettre d’être convaincants au sein de leur collectivité. Ceci fait, nous aborderons le vélo et la marche comme des traits d’union entre les différentes politiques publiques. Ils travailleront ensuite sur la recherche d’actions transversales pertinentes. La planification sera également abordée en proposant un panorama d’outils et d’exemples leur permettant de choisir une démarche efficace à leur échelle. Enfin, nous clôturerons ce cycle en les outillant sur la recherche de financements. Nous sommes très heureux du partenariat monté avec Vélo & Territoires sur ce sujet en continuité des élections départementales et régionales. Les collectivités ont un formidable rôle à jouer pour construire une stratégie et des actions autour d’un système vélo et marche au quotidien.
Est-ce que chacun des experts intervient lors de l’élaboration du contenu global ?
Tout à fait. Chacun d’entre nous propose et produit des supports, qu’il s’agisse de fiches techniques, de vidéos pédagogiques ou de formations. L’idée est que la plateforme ADMA devienne un lieu de ressources pratiques, à partager par tous les acteurs œuvrant dans les domaines de la mobilité active. À l’ADMA, nous souhaitons être complémentaires de nos partenaires principaux, l’Ademe et le Cerema, et des offres qui existent aujourd’hui sur le marché.
L’ADMA se positionne pour répondre à un manque, des zones d’ombre et faire découvrir un élément auquel les acteurs que nous ciblons n’auraient peut-être pas spontanément pensé.
Quelles sont les thématiques abordées ?
Nous travaillons sur huit thématiques transversales. L’ADMA se positionne pour répondre à un manque, des zones d’ombre et faire découvrir un élément auquel les acteurs que nous ciblons n’auraient peut-être pas spontanément pensé. Pour ma part, mes domaines sont relativement traditionnels puisqu’ils englobent la planification, les infrastructures et la participation. Mes collègues, eux, vont plutôt mettre l’accent sur l’inclusion, la cohabitation, le « système sûr », le plaidoyer, la stratégie d’alliances, le stationnement, les espaces de séjour et les services. Notre ambition est d’être efficaces et fonctionnels, en tout cas de correspondre aux besoins de tous.
Surtout, aucun de nous ne part de zéro. Nous nous appuyons sur des retours d’expérience et des études que nous valorisons. Nous avons lancé une enquête auprès des acteurs publics qui nous a permis de faire remonter une pénurie de formations autour notamment des problématiques marche, mais aussi des enjeux de dialogue et de positionnement.
Nombreuses sont les sources d’information sur tous ces sujets. Comment se positionnent vos
interlocuteurs par rapport à votre offre ?
« On ne vous a pas attendus pour avancer » est en effet une phrase que nous pouvons être amenés à entendre. Notre posture est humble et nous veillons bien entendu à ne pas marcher sur les plates-bandes de ce qui se fait déjà. Notre challenge, c’est plutôt d’aiguiller nos interlocuteurs vers des thématiques qu’ils connaissent peu, voire pas du tout, mais aussi sur des sujets sur lesquels nous ne sommes pas ou peu formés en France – par exemple l’inclusion. D’autres en revanche n’hésitent pas à nous dire qu’ils se sentent perdus et nous accueillent volontiers. Parmi les interrogations qui reviennent, il y a celle qui consiste à affiner le discours ultra-militant des associations, celle de comment capter l’attention et convaincre les élus, etc. Pour le reste, le fait que nous ayons tous des expériences variées dans le milieu nous donne d’emblée une assise, du moins un capital sympathie ne serait-ce qu’auprès de nos propres réseaux. Notre ligne, vraiment, est de nous inscrire en complémentarité avec les compétences déjà existantes. Et nous sommes sensibles au fait que des institutions comme Vélo & Territoires ou le Club des villes et territoires cyclables aient engagé le dialogue avec nous en identifiant notre utilité et en nous proposant des fenêtres de visibilité. À nous à présent d’être à la hauteur !
Propos recueillis par Anthony Diao
Cycle de formations
Les premières sessions du parcours « Développer les mobilités actives au cours d’un mandat » à destination des élus, co-conçues avec Vélo & Territoires, démarreront début novembre. Retrouvez toute l’offre de formations et inscrivez-vous sur le site web www.mobilites-actives.fr