L’art de connecter le vélo aux systèmes de transport collectif en région Sud
L’intermodalité entre le vélo et les transports collectifs est une symphonie à orchestrer. Régions, départements, intercommunalités et communes, autorités organisatrices de mobilité (AOM), gestionnaires de gares, opérateurs de transport… : les acteurs concernés sont nombreux et les rôles de chacun ne sont pas toujours clairs. Les obligations promulguées par la Loi d’orientation des mobilités (LOM) en matière d’emport de vélos dans les trains ou encore d’infrastructures et de stationnements sécurisés aux abords des gares, poussent les acteurs à s’asseoir autour d’une même table pour coordonner leurs actions et définir les modalités de financement. Une première étape franchie lors du webinaire “Intermodalité : quelle place pour le vélo ?” qui rassemblait les AOM de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur à la demande de cette dernière et en partenariat avec le GART et Vélo & Territoires. L’occasion d’impulser une dynamique territoriale commune sur l’intermodalité.
Un trajet harmonieux pour les cyclistes
“L’articulation du vélo avec les transports en commun est un point noir souvent évoqué par les cyclistes”, rappelle Alexandre Magny, secrétaire général du GART. Et pour cause. Les infrastructures cyclables ne sont pas toujours présentes ni sécurisées entre les gares, les lieux d’intérêt et les itinéraires cyclables. Les vols de vélo sont fréquents. Quant à l’emport du vélo dans un train, difficile de savoir s’il est autorisé, si des emplacements sont prévus à cet effet et dans quelle voiture monter. L’intermodalité vélo-train ne manque pas de pistes d’amélioration, comme en atteste l’étude Embarq de Vélo & Territoires dont le rapport final sera publié prochainement.
Quelques premiers enseignements ? Les cyclistes ont des besoins différents en intermodalité. Les cyclistes du quotidien ont particulièrement besoin de stationnements sécurisés à proximité des pôles d’échange. De leur côté, les touristes à vélo et les cyclistes de loisirs ont davantage besoin d’informations en amont de leur parcours pour connaître les services à disposition, de facilités pour se déplacer au sein des pôles d’échange (signalétique, rampes…) et de solutions concrètes pour mettre leur vélo dans le train. Mais surtout, “il va falloir travailler sur des aménagements continus, suffisamment larges et sécurisés pour accéder aux pôles d’échange. C’est le nerf de la guerre”, souligne Antoine Coué, chargé d’études chez Vélo & Territoires. L’accessibilité des pôles d’échange et des gares est un enjeu crucial pour tous les cyclistes, utilitaires, touristes et de loisirs.
La LOM met l’intermodalité en musique
Ça tombe bien. La LOM, qui vise à traduire en actions législatives le Plan vélo national voté en 2018, répond à quasiment tous ces besoins. Hors agglomération, elle oblige à réaliser des itinéraires piétons et cyclables à chaque construction ou rénovation d’une voie ou d’une infrastructure terrestre ou fluviale dès lors que le besoin est jugé avéré (L. 228-3). Elle définit aussi des obligations concernant l’emport de vélos à bord des trains et des autocars. “Les trains nationaux doivent permettre de transporter un minimum de huit vélos. Pour les trains régionaux, le nombre minimal d’emplacements est calculé sur la base d’un pourcentage de 2 % de places assises, c’est-à-dire entre quatre et huit emplacements selon les trains”, résume Romain Cipolla, responsable du pôle mobilité durable au GART.
Autre avancée majeure poussée par la LOM, l’équipement des gares ferroviaires, des gares routières et des pôles d’échange en stationnements sécurisés pour le vélo avant le 1er janvier 2024. Un décret publié incessamment sous peu précisera les gares concernées et le détail des obligations. “Le décret définira ce qu’on entend par stationnement vélo sécurisé, à savoir a priori un stationnement stable, qui permet d’attacher le vélo par le cadre et par au moins une roue, qui bénéficie d’une surveillance physique ou d’une vidéosurveillance ou, par défaut, qui soit fermé et sécurisé”, annonce Romain Cipolla. Il détaillera aussi les distances à respecter entre les places de stationnement vélo, le bâtiment voyageur ou le quai. Quid des gares qui feront l’objet d’une obligation ? “Un millier de gares seraient concernées, soit un peu plus d’un tiers de l’ensemble des gares situées sur le territoire national”, précise Romain Cipolla. “L’idée est de dimensionner l’équipement de stationnement en fonction du besoin”.
Au-delà des obligations pour les plus grandes gares, la LOM précise que les collectivités territoriales et les AOM devront aussi se poser la question du besoin en stationnements vélo sécurisés des gares et des pôles d’échange qui ne sont pas concernés par le décret. Elles sont invitées à organiser une concertation pour trouver un accord local. En anticipation, la région Sud a rencontré entre quinze et vingt AOM ces deux derniers mois et a invité l’ensemble des AOM de son territoire au présent webinaire sur l’intermodalité. Marine Dolle, chargée de l’Intermodalité à la direction des infrastructures des grands équipements de la Région, explique cette démarche : “Un peu plus de 60 gares sont concernées par l’obligation d’équipements sur notre territoire, mais notre président Renaud Muselier a pris la décision d’équiper toutes les gares TER, y compris celles en-dessous du seuil, dans le cadre de notre Plan vélo ambitieux voté en octobre 2020”. Au total, 124 gares seront équipées dès 2022.
Comment jouer la partition à plusieurs
La sécurisation des voiries pour se rendre dans les gares est une compétence communale ou intercommunale. Les services proposés comme les offres de location de vélos et les équipements en stationnement sont portés par l’AOM locale ou régionale et par SNCF Gares&Connexions qui détient aussi les rênes pour faciliter la circulation des cyclistes dans les gares.
Favoriser l’intermodalité vélo-train suppose nécessairement de travailler main dans la main. “Il faut que chaque échelon territorial et chaque compétence soit activés au bon moment, dans une forme assez coordonnée, et on n’a pas forcément l’habitude en France”, commente Didier Biau, directeur des Infrastructures et des grands équipements à la région Sud. C’est pourquoi la Région travaille sur les deux fronts : elle discute avec les AOM locales pour améliorer l’accès des gares et le stationnement vélo et elle engage un partenariat avec SNCF Gares&Connexions sous la forme d’un contrat de performance sur la question des services, des stationnements vélo et du cheminement en gare.
Trémolo sur le financement des opérations
Avec les nouvelles obligations arrivent nécessairement des questions sur le financement des aménagements et des équipements. La collectivité locale où se situe la gare ou le pôle d’échange ne portera pas nécessairement la charge financière du dispositif. Mais là encore, les modalités devront être définies collégialement sans oublier de saisir les nombreuses opportunités de financement : les appels à projet européens FEDER, le Fonds mobilités actives, le programme Alvéole ou encore le programme AVELO 2 de l’Ademe.
Sur ce point, la région Sud a choisi de porter le financement de l’équipement des 124 gares qui s’élève à 15 millions d’euros. Mais “il se peut qu’avec le plan de relance, l’Etat apporte aussi sa contribution », précise Marine Dolle. Un montage juridique, technique et financier en construction que Vélo & Territoires va suivre de près.
Julie Rieg
Pour aller plus loin :
L’étude sur l’intermodalité (EMBARQ) est réalisée avec le soutien technique et financier de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et du ministère de la Transition écologique.