Intermodalité : une nouvelle réglementation pour généraliser les emplacements vélo à bord des trains
Le décret relatif à l’emport de vélos non démontés à bord des trains de voyageurs a été publié ce 19 janvier 2021 au Journal officiel. Ce texte, particulièrement attendu dans le sillage de la Loi d’orientation des mobilités (LOM), impose un minimum de huit emplacements vélo dans les TGV et Intercités, entre autres. Une avancée majeure pour le système vélo français qui va plus loin que la réglementation européenne sur le sujet. Vélo & Territoires salue ces arbitrages pro-vélo, encore impensables il y a peu de temps. Décryptage.
Aux origines d’un décret très attendu
Le 24 décembre 2019 était promulguée la LOM avec l’objectif de transformer en profondeur la mobilité du quotidien en France. Le défi ? « Des transports plus simples, moins coûteux, mais surtout plus propres ». Le vélo et le train y sont donc à l’honneur. Mais favoriser l’usage de ces deux modes nécessite d’organiser leur interconnexion. Plusieurs mesures de la LOM entendent donc développer l’intermodalité vélo-train. Premièrement, les gares de voyageurs auront l’obligation d’être équipées de stationnements sécurisés pour les vélos. Deuxièmement, les trains neufs et rénovés devront désormais prévoir des emplacements destinés au transport de vélos non démontés[1].
Cette mesure introduit dans la loi française une avancée majeure : le droit, pour un cycliste, d’embarquer son vélo non démonté (!) à bord d’un train. Une pratique actuellement soumise tantôt à la réservation, tantôt à la bonne volonté des contrôleurs, quand elle n’est pas complétement interdite. À noter que cette avancée ne prendra effet que progressivement : elle ne s’applique qu’aux trains neufs et rénovés dont la commande sera faite à partir du 15 mars 2021. Passer des mots aux actes va donc demander du temps.
Un décret élaboré en lien étroit avec les acteurs du vélo
Concrètement, combien d’emplacements vélo devront être prévus ? Sur ce point les parlementaires n’ont jamais réussi à s’accorder. Résultat : la loi renvoie cette décision au décret d’application publié ce 19 janvier. Pour élaborer ce dernier, le ministère de la Transition écologique a consulté les écosystèmes du vélo et du ferroviaire (réseaux de collectivités, fédérations d’usagers, opérateurs …), ainsi que l’État et les régions, en leur qualité d’autorités organisatrices de transport ferroviaire de voyageurs. Vélo & Territoires a pris part à ces échanges et s’est largement mobilisé pour et avec ses collectivités adhérentes.
Différentes obligations pour différents niveaux de services
Le décret précise en premier lieu les services ferroviaires soumis à l’obligation d’être équipés d’emplacements vélo : ceux organisés par l’État et par les régions, mais aussi ceux organisés par des entreprises privées, conséquence de l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire. Il classe les services concernés en trois catégories : ceux d’intérêt national (TGV et Intercités), ceux d’intérêt régional (les TER), et ceux librement organisés. Reste à définir, pour chaque catégorie, un nombre minimum d’emplacements vélos. Pour ce qui est des services nationaux et des services librement organisés, la règle est simple : un minimum de huit emplacements vélo sera imposé. Pour les services régionaux, le décret établit un ratio minimum : un « nombre minimum correspondant à 2 % du nombre total de places assises fixes » leur sera demandé. Ce nombre minimum ne peut être inférieur à quatre places et ne peut dépasser huit places.
Le cas particulier de l’Île-de-France
Le réseau ferroviaire francilien, appelé le « Transilien », accueille à lui seul plus de trois millions de voyageurs par jour, alors que l’ensemble du réseau ferroviaire régional hors Île-de-France n’en transporte « que » 900 000. Le décret a donc vu ses dispositions adaptées à l’aulne de la fréquentation hors normes de ce réseau. Pour les services ferroviaires organisés par Île-de-France Mobilités, le nombre minimum d’emplacements vélo est fixé à 1 % du nombre total de places assises.
En pratique, qu’est-ce que ça change ?
Quel est le véritable impact de ce décret ? Peut-on attendre de véritables changements pour les usagers ? Du côté des trains longue distance, le texte garantit un minimum d’emplacements vélos dans tous les TGV neufs ou rénovés commandés à partir du 15 mars 2021. Une avancée particulièrement importante pour les cyclistes qui doivent souvent transporter leur vélo partiellement démonté dans des housses. Côté TER, l’objectif est d’harmoniser l’offre actuelle d’emplacements vélos, encore trop hétérogène d’un territoire à l’autre. En région Sud – Provence-Alpes-Côte d’Azur par exemple, les trains actuellement utilisés proposent en moyenne 280 places assises, pour un nombre d’emplacements vélos allant de 0 à 12 selon le matériel roulant utilisé. Ainsi, tous les TER de la région Sud qui seront achetés ou rénovés dans les années à venir devront être équipés d’un nombre minimum d’emplacements vélos équivalent à 2 % du nombre de places assises, soit six emplacements en moyenne. Avec cette nouvelle obligation, l’État confirme la politique d’intermodalité prônée par les régions : proposer un minimum d’emplacements vélos à bord des trains pour un usage touristique d’une part, multiplier les stationnements sécurisés aux abords des gares pour un usage utilitaire d’autre part (le nombre minimum de stationnements sécurisés à implanter dans chaque gare sera fixé par un autre décret à paraître début 2021).
En plus des mesures déjà citées, le décret reprend un certain nombre de dispositions soutenues de longue date par Vélo & Territoires. Sur l’accessibilité d’abord, le texte oblige les transporteurs à indiquer les emplacements vélos à minima par des pictogrammes placés à l’extérieur et à l’intérieur du matériel roulant. En outre, le décret précise que « les conditions d’accès des vélos à bord des trains et en gare font partie des informations minimales à fournir aux usagers en amont du voyage ». L’objectif ? Améliorer la diffusion des informations « vélos » proposées par les opérateurs ferroviaires, aujourd’hui largement hétérogène. Autre point marquant ? Le décret introduit la possibilité de mettre en place un système de réservation des emplacements vélos. Une mesure qui, si elle est mise en place par les autorités organisatrices et les opérateurs, permettra aux cyclistes de voyager plus sereinement avec l’assurance de pouvoir embarquer leurs vélos à bord, notamment dans les TER. À noter cependant : l’accès des trains à vélo pourra toujours être restreint en cas de forte affluence, pour des raisons de sécurité ou s’il n’y a, ponctuellement, plus d’emplacement disponible à bord du train.
Une victoire pour les cyclistes… qui encourage les territoires à aller plus loin
Avec ce décret, la France va au-delà de la réglementation européenne sur l’emport des vélos. Après trois années de négociations intenses, le nouveau règlement de l’Union européenne sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires impose désormais un minimum de quatre emplacements vélos dans tous les trains neufs ou rénovés. Un niveau bien en-deçà des ambitions françaises ! Pareils arbitrages, encore impensables il y a peu, constituent un véritable succès pour les cyclistes et le système vélo français. Mieux, ils montrent que le vélo est désormais considéré comme une véritable solution de mobilité par l’Etat et les cabinets ministériels. La nouvelle réglementation française montre le désir de la France de devenir une grande nation cyclable. Vélo & Territoires salue cette ambition, alignée sur son cap de la France à vélo 2030, et encourage les territoires à aller encore plus loin en proposant des emplacements vélos toujours plus nombreux à bord de leurs trains.
Antoine Coué
Pour aller plus loin :
Cet article a été réalisé dans le cadre de l’étude Intermodalité (EMBARQ) de Vélo & Territoires, qui bénéficie du soutien technique et financier de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et du Ministère de la transition écologique.
[1] Article L.1272-5 du code des transports : « Les matériels neufs et rénovés affectés à la réalisation des services ferroviaires de transport de voyageurs […] prévoient des emplacements destinés au transport de vélos non démontés. Ces emplacements ne peuvent restreindre l’accès des personnes handicapées ou à mobilité réduite. »