La Mayenne, territoire cyclable
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°61
Territoire rectangulaire traversé du Nord au Sud par la rivière qui lui donne son nom, la Mayenne a longtemps véhiculé une image essentiellement sportive et touristique du vélo. Le point sur sa politique en la matière, à l’heure où la dimension quotidienne devient à son tour un enjeu.
Entretien avec Joël Balandraud
Président de Mayenne Tourisme
Comment s’opère en Mayenne l’articulation entre approche touristique et approche pendulaire du vélo ?
Il y a effectivement ces deux approches, mais il y en a également une troisième qui fait véritablement partie de l’ADN de notre département : l’approche sportive. Des frères Madiot, connus du Tour de France, à François Pervis, septuple champion du monde de cyclisme sur piste, dont le portrait fut affiché jusque sur les murs du château de Laval, la Mayenne reste une vraie terre de vélo au sens traditionnel du terme… Concernant le vélo du quotidien, soyons honnêtes :
nous ne sommes ni les Pays-Bas, ni les grands centres urbains où ces questions sont devenues centrales. Nous sommes diesel, mais nous avons entamé notre mue.
Comment cela se concrétise-t-il ?
De différentes manières. Par exemple, le conseil départemental de Mayenne entend proposer dans
son Plan mobilité de décembre la possibilité, sur des distances raisonnables, de financer entièrement des liaisons cyclables entre deux bourgs. De plus, si la commune s’engage à poursuivre l’itinéraire dans son agglomération, le Département l’accompagnerait à hauteur de 30 %.
Quelles sont les prochaines échéances après le Plan mobilité de décembre ?
Le premier semestre 2021 sera celui des consultations avec les communes… en principe. Le premier confinement nous a contraint à décaler de deux mois le démarrage de certains travaux. Tout dépendra aussi des opportunités foncières avec les agriculteurs locaux, des équilibres budgétaires… En tout cas, si les temps sont incertains, soyez assurés d’une chose : le vélo avance en Mayenne, et il avance bien.
Quels autres types d’actions sont envisagées dans ce Plan mobilité ?
La sécurisation des abris à vélo à proximité des gares ou des lieux très fréquentés est une de ces actions. Le prêt de vélos pour les élèves est également expérimenté auprès de quatre – et bientôt cinq – collèges du département. L’aide de l’État pour la réparation de vélos est doublée, de même, au niveau des EPCI, que celle pour l’achat d’un VAE.
Est-ce l’essor de La Vélo Francette qui explique ce mouvement ?
Pas seulement. Il y a contribué, c’est indéniable. Mais je pense surtout que la dynamique est globale, en tout cas ancrée dans l’air du temps. Vous savez, je suis vétérinaire rural de métier. Le diesel, les kilomètres, les tracteurs, je connais et les gens que j’allais voir dans les exploitations connaissent ce mode de vie-là. Figurez-vous que je suis sidéré par le nombre d’anciens que je vois aujourd’hui, une fois à la retraite, troquer leur voiture pour le vélo lorsqu’il s’agit d’aller faire une course ou rendre visite à une connaissance à quelques kilomètres de chez eux. Vous m’auriez dit cela il y a encore cinq ans, je ne l’aurais pas cru ! Il y a là un vrai enjeu de bien vivre, une volonté de prendre le temps.
Entretien avec Julia Desné
Responsable Tourisme itinérant et activités de pleine nature de Mayenne Tourisme
Depuis quand le vélo est-il un enjeu en Mayenne ?
L’engagement du Département remonte à loin. Nous sommes un territoire très majoritairement rural, avec un joli bocage et un vrai potentiel de mise en valeur touristique. Nos 85 km de chemins de halage opèrent la jonction entre nos trois principales villes : Château-Gontier, Laval et Mayenne. Les premières acquisitions de ces chemins remontent aux années 1990-1991. S’en sont suivis les travaux pour une mise en service dans les années 2000-2002. Les premières acquisitions et travaux d’aménagement des anciennes voies ferrées, pour en faire des voies vertes, ont débuté
en 2005. Ceci étant, malgré la qualité de nos offres, la réalité de notre territoire est qu’il est enclavé. Sa mise en tourisme est assez vite devenue un point qu’il nous a fallu travailler.
Quand cela a-t-il commencé à se débloquer ?
Vers 2010, lorsque nos voisins du Maine-et-Loire ont à leur tour commencé à aménager leur chemin de halage. Cela a contribué à nous désenclaver et à nous relier notamment à La Loire à Vélo. Il y a eu ensuite le boom de La Vélo Francette (V43), dont le projet est né en 2013 pour devenir officiel en 2015. En prenant de l’ampleur, cet itinéraire nous a permis de développer le tourisme à vélo et de raccorder certaines de nos boucles. Par ailleurs, l’une des caractéristiques de notre territoire reste la quantité de nos écluses. Nous dénombrons 37 maisons éclusières sur notre territoire, dont 36 sont la propriété du Département, qui souhaite garder la main sur ces dernières. Pour cela, il lance des appels à projets, avec prise en charge intégrale des travaux de rénovation par le Département avant mise en location – l’important restant de valoriser la vallée de la Mayenne.
Où en êtes-vous de ces aménagements ?
Le 27 octobre, nous avons inauguré une voie verte de La Véloscénie, dans le Nord-Mayenne, sur l’ancienne ligne de chemin de fer reliant Alençon, Pré-en-Pail et Rives d’Andaine. Nous travaillons sa valorisation via la réédition du guide Ouest-France et le site Internet de La Véloscénie.
Quid de l’intermodalité ?
S’il y a eu à l’époque une desserte Laval-Angers en autocar, elle est supplantée aujourd’hui par une virgule ferroviaire reliant Angers, Sablé et Laval. Cela apporte au département une nouvelle clientèle.
Avez-vous effectué des comptages sur ces différents itinéraires ?
Trois compteurs sont placés sur La Vélo Francette et deux sur d’anciennes voies ferrées. Nous avons choisi de ne pas les mettre trop près des villes afin de bien marquer la saisonnalité. Le premier est situé entre Domfront et Mayenne, le deuxième entre Mayenne et Laval et le troisième entre Laval et Château-Gontier. Hors saison, le pédestre supplante les passages de vélos, mais, en saison, les cyclistes sont largement plus nombreux.
Quel effet a eu le confinement du printemps 2020 ?
Il y a eu plusieurs temporalités. D’abord et très clairement, le confinement a été catastrophique pour nos fréquentations. À titre d’exemple, l’écluse du port enregistrait 49 passages en avril 2020 contre… 1 831 un an plus tôt. Ensuite et à l’inverse, dans les semaines de mai-juin qui ont suivi la sortie du confinement, les chiffres ont cette fois explosé. Là où, en mai 2019, nous comptions 2 577 passages, nous en avons recensé 4 268 en 2020.
Cette tendance s’est-elle poursuivie pendant l’été ?
Non, malheureusement l’été 2020 a été celui du « Mayenne éreintage ». Depuis 2015 et l’inauguration de La Vélo Francette, l’arrivée des beaux jours nous permettait en général de multiplier nos moyennes de fréquentation par deux chiffres. Là, avec le rayonnage limité à 100 km et le cluster annoncé, cela s’est forcément avéré plus compliqué.
Quels sont vos chantiers prioritaires pour les mois à venir ?
À présent que les voies sont aménagées, il nous faut travailler la signalétique directionnelle du Schéma départemental cyclable, qui a été confirmé par le Schéma régional des Pays de Loire, et la valorisation de l’existant. Opterons-nous pour les points-nœuds ? Travaillerons-nous main dans la main avec Territoire d’énergie Mayenne pour nous équiper en bornes ou autres systèmes de recharges électriques ? Voilà en gros les chantiers qui nous attendent à l’horizon 2021-2022.
En savoir plus :
Trois questions à Guillaume Claes
Co-gérant du gîte d’étape de Belle Poule sur La Vélo Francette et créateur de la vélo-école La Vélonome
- 1. Qu’est-ce qui vous a conduit à lancer La Vélonome ?
Je suis ornithologue de formation et j’étais éducateur à l’environnement et au développement durable dans un centre permanent d’initiatives pour l’environnement du Nord-Mayenne. Mon approche de l’animation est très marquée par mon goût de la pédagogie et ma sensibilité au vélo. C’est ce qui m’a conduit à ouvrir une maison éclusière cet automne et une vélo-école en m’inscrivant comme prestataire de remise en selle dans le cadre de l’opération Coup de pouce vélo, dont j’espère un retour prochainement.
- 2. Quelle serait votre feuille de route une fois sur les rails ?
Si tout se passe bien, nous finaliserons bientôt les documents de communication. Ceux-ci nous permettront de démarcher les vélocistes et de toucher par exemple les seniors qui s’initient au VAE car, si cet outil est une belle opportunité pour eux de goûter à nouveau aux joies de ce moyen de locomotion, il doit aussi être maîtrisé sous peine de devenir un danger pour les autres usagers, voire pour le cycliste lui-même. Le champ d’actions, ensuite, est immense : scolaires, entreprises, santé, social…
- 3. Quel regard portez-vous sur la situation du vélo en Mayenne ?
Beaucoup commence à être fait pour les aménagements cyclables, mais beaucoup reste à faire au niveau de l’initiation et de la pédagogie. Idem pour l’offre de vélos destinée à ces actions : nous en manquons alors qu’en échangeant avec des mécaniciens ou des loueurs de vélo, c’est sans doute là que se situe la prochaine étape. Concernant l’opération Coup de pouce vélo, je pense que les collectivités gagneraient à s’inscrire dans la partie Coup de pouce vélo +. Ce faisant, les personnes ayant besoin d’un réel apprentissage vélo pourraient bénéficier d’une aide supplémentaire. Elles auraient ainsi un peu plus que les deux heures maximales de prise en charge, voire seraient aidées côté TVA pour les prestataires qui y sont soumis.
Trois questions à Laëtitia Chorin
Les Refuges du halage
Situées sur l’étape 8 de La Vélo Francette entre Mayenne et Laval, ces trois maisons éclusières entendent étendre le cœur départemental de l’itinéraire à cette partie nord jusqu’ici trop peu fréquentée.
Depuis quand existent les Refuges du halage ?
J’ai ouvert une première maison en mars 2019 et les deux suivantes en juillet 2020, avec deux mois de décalage suite au confinement. Mon objectif est de faire évoluer les pratiques car, d’expérience, tant les touristes que les journalistes et les influenceurs ont tendance à se limiter à la partie Angers-Laval de La Vélo Francette. Or, il y a toute une partie au nord de Laval qui mérite d’être connue et parcourue !
Quelle est l’incidence du passage de La Vélo Francette sur votre activité ?
L’ouverture de La Vélo Francette va de pair avec un investissement du Département. Je suis labellisée Accueil Vélo et j’essaie de développer un large éventail d’offres, à savoir la possibilité de louer la maison entière, un lit seul… L’idée est qu’il y en ait pour tous les budgets. Chaque maison a un espace pour ranger les vélos, un kit de réparation, des options petit déjeuner, draps, et j’ai même ouvert une épicerie qui propose des plats cuisinés et des produits locaux. J’espère en 2021 pouvoir faire davantage de location de vélos.
Sur quels points des efforts doivent-ils être menés selon vous ?
Deux choses sont à améliorer dans notre secteur : la signalisation, d’une part, et l’offre de services
hors saison, d’autre part, c’est-à-dire des toilettes publiques, des hébergements, de l’alimentation,
car nous avons la chance d’avoir un territoire roulant, praticable et aux paysages variés. J’en veux pour preuve la folie des semaines qui ont suivi le déconfinement du 11 mai : il passait tellement de
promeneurs que je devais refaire mes stocks de glaces et de bières chaque semaine !
En savoir plus : www.rdhmayenne.com
Propos recueillis par Anthony Diao