Tourisme à vélo : des bons points au compteur
Il y a fort à parier que les 170 participants à la (web) Conférence nationale du tourisme à vélo du 18 novembre soient repartis avec le sourire. Tous les indicateurs sont au vert : 2020 est une année florissante pour le tourisme à vélo. Entre une explosion des usages, une augmentation des linéaires cyclables et une multiplication des offres d’accueil sur les territoires y compris ruraux, les bonnes nouvelles ont rythmé l’événement. “Le vélo ne connaît pas la crise”, résume en quelques mots Camille Thomé, directrice de Vélo & Territoires. Panorama des bonnes nouvelles 2020 et rendez-vous à la prochaine conférence nationale du tourisme à vélo à Privas en Ardèche le 6 octobre 2021 pour voir si les pistes d’amélioration auront porté leurs fruits.
Les usages se multiplient et les profils de touristes se diversifient
Chaque année, les touristes sont de plus en plus nombreux à utiliser le vélo pendant leurs vacances en France. Ces deux dernières années, 16,5 millions de Français ont utilisé le vélo durant leurs vacances, dont 12 millions comme activité de loisirs et de découverte, 2 millions pour faire du sport, 7 millions pour se déplacer d’un point à un autre et pas loin d’un million pour faire de l’itinérance.
L’augmentation des touristes à vélo est à l’image de la fréquentation cyclable en France, avec une croissance de 5 % entre 2018 et 2019 et de 10 % sur la période du 1er janvier au 15 novembre entre 2019 et 2020. Si l’on exclut les périodes de confinement liées à la crise sanitaire, l’évolution est même de +28 %. Autre indicateur marquant ? L’audience du site web de France Vélo Tourisme a quasiment doublé et concerne tous les itinéraires, même si la zone Atlantique reste la plus recherchée. Mais la crise sanitaire n’explique pas tout. Si le confinement a encouragé les Français à s’offrir des vacances en plein air, la massification des usages du vélo avait déjà démarré ces dernières années et l’explosion constatée en 2020 est certainement le signe que la masse critique est atteinte.
Florent Tijou, de France Vélo Tourisme, constate l’arrivée de nouveaux profils de voyageurs, les néopratiquants : “Le tourisme à vélo ne concerne plus uniquement des cadres CSP+, mais aussi des personnes âgées entre 25 et 45 ans et des familles”. Mad Jacques, agence d’organisation de courses d’aventures, touche des citadins jeunes, proches des valeurs écologiques et de l’économie sociale et solidaire. L’agence de voyage France à vélo planifie désormais des voyages pour des familles avec de jeunes enfants, ce qui change nécessairement la donne en matière de kilomètres parcourus et d’activités à proposer sur les territoires visités.
Les territoires se saisissent de l’aubaine
Les touristes à vélo consomment les offres disponibles sur les territoires (hébergements, restauration, culture et patrimoine…). Ils restent plus longtemps au même endroit et ils dépensent plus, notamment dans l’hébergement marchand. A chaque nouvelle véloroute, le retour sur investissement étonne. Les territoires se saisissent bien évidemment de ce potentiel de développement économique. Ils sont aussi contactés par des investisseurs qui veulent créer des espaces d’accueil et de loisirs à destination des touristes à vélo.
En conséquence, les actions de marketing et de communication fleurissent partout. Road book vélo en Camargue, création de dix parcours vélo R-bikes pour les VTT à assistance électrique dans le Golfe du Morbihan en partenariat avec la marque Rossignol, déploiement de la marque Accueil Vélo en Corrèze et Corse en 2021, utilisation des outils Google itinéraire et vue des voies cyclables à 360° par le département de la Somme, guide top 20 des itinéraires en VAE en Ardèche, création d’un itinéraire vélo entre le Mont Saint Michel et Nantes, déploiement du label Vélo & Fromages dans 45 départements, création d’une carte pour promouvoir La Voie Bleue entre Luxembourg et Lyon, grande traversée du Jura et de l’Ardèche en VTT, visite des sites naturels et culturels de l’Isère en VAE… les exemples ne manquent pas.
Les territoires ruraux tirent particulièrement partie de ce développement. L’agence France à vélo a constaté cet été que les voyageurs souhaitaient parcourir des territoires moins fréquentés par les touristes. Mad Jacques organise des aventures en partance de la ville vers des territoires peu denses avec deux éditions passées en Picardie et une à venir dans le Morvan. Chaque édition réunit autour de 800 personnes et l’entreprise cherche aujourd’hui à développer des camps de base avec de l’hébergement dans des territoires ruraux. Pour Arnaud Burel, directeur de l’office de tourisme du Golfe du Morbihan, “le vélo est un projet de territoire. Il fait le lien entre la mer, la ville de Vannes et le rural. Il est une bonne recette pour faire de l’itinérance sur un territoire diversifié.”
Selon Julien de Labaca, facilitateur de mobilité, les grandes villes aussi sont concernées et doivent renforcer la promotion du vélo à visée touristique, comme par exemple le programme “Ride through town” mis en place à Denver pour faire connaître le système de vélos en libre-service aux touristes. La création de la Maison de la mobilité et du tourisme à Annemasse constitue aussi une belle piste pour renforcer les liens entre ces deux secteurs indissociables pour lesquels l’accueil humanisé est important. A noter que lorsqu’on loue un hébergement dans une grande ville avec Airbnb, le site web propose systématiquement de louer un vélo.
Des améliorations sont attendues sur tous les territoires
On l’a dit et redit, le tourisme à vélo a gagné du terrain. Ce n’est pas par hasard si la France est la deuxième destination mondiale des touristes à vélo après l’Allemagne. Pour autant, il reste encore du chemin à parcourir pour que l’ensemble des territoires soient concernés et pour que les cyclistes trouvent tout ce dont ils ont besoin pendant leur voyage. A ce jour, la marque Accueil Vélo, portée par France Vélo Tourisme et le comité régional du tourisme de Centre-Val de Loire, recense 5 639 prestataires, dont des hébergeurs (65 %), des offices de tourisme (12 %), des sites touristiques (11 %), des loueurs et réparateurs de vélos (7 %) et des restaurants (5 %). Une offre qui pourra largement se renforcer dans les années à venir.
D’ici 2030, ce sont 7 894 kilomètres qui doivent encore être ouverts sur les 58 itinéraires inscrits au Schéma national des véloroutes. L’entretien des aménagements cyclables est primordiale, ainsi que la jonction des itinéraires, la sécurité étant le premier levier à l’usage du vélo. Dans le cadre du projet européen AtlanticOnBike, Vélo & Territoires a créé un outil de signalement pour identifier et résoudre les problèmes d’infrastructures rencontrés par les cyclistes sur les itinéraires.
L’intermodalité vélo – transport collectifs est également un sujet de fond, 30 % des touristes à vélo arrivant sur les territoires en train. Ce sujet avance, avec la publication d’un décret quant à l’emport des vélos non démontés dans les trains sous peu. Des discussions sont également en cours avec la SNCF, les cyclistes faisant remonter leur mécontentement sur les réseaux sociaux. Vélo & Territoires travaille sur ce sujet dans le cadre de son étude Embarq en 2020.
Sur les itinéraires, les cyclistes attendent des équipements et des offres de services de qualité, à commencer par des points d’eau et des toilettes accessibles régulièrement. Des pompes, des services de lavage et d’entretien du vélo sont également à disséminer. Les intervenants rappellent qu’il est primordial de sécuriser les stationnements vélo pour éviter les vols. A ce sujet, des dispositifs d’aide au financement existent, dont le programme Alvéole qui est encore ouvert jusqu’au 14 novembre 2021.
Enfin, ce sont les offres de services d’hébergement, de loisirs et de restauration qui ont beaucoup fait parler d’eux. Les clients demandent “un hébergement correct avec une exigence qui monte, un confort dans les salles de bain (les rideaux de douche ne sont plus acceptés), des couettes plutôt que des couvertures et des petits-déjeuners copieux” raconte Christiane Trégouet de France à vélo. La clientèle de luxe cherche un très grand confort avec une piscine, voire un spa dans les hôtels. Les hébergements insolites sont aussi de plus en plus recherchés.
Faire du vélo, dormir dans des cabanes, des yourtes et des bateaux… voilà de quoi rêver en cette période de reconfinement.
Julie Rieg
L’article est rédigé dans le cadre du projet européen AtlanticOnBike qui a démarré début 2017 et s’est achevé à la fin de l’année 2020.