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L’Ardèche, territoire cyclable

Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°60

Territoire aux fortes disparités de peuplement et où sept habitants sur dix vivent dans des communes de moins de 10 000 habitants, l’Ardèche a entamé depuis peu sa mue pour passer d’une approche du vélo presqu’exclusivement touristique et sportive à une démarche qui se veut plus ancrée dans le quotidien.

Entretien avec Maurice Weiss

Vice-président du conseil départemental de l’Ardèche en charge des Routes, du numérique, des mobilités et du soutien aux territoires, président de l’Association des maires et présidents de communautés de l’Ardèche

Que représente le vélo, historiquement, en Ardèche ?
Le vélo chez nous a longtemps été axé tourisme et sport. La mythique course cycliste de L’Ardéchoise, ce sont 15 000 participants en moyenne à chaque édition, et ça a surtout permis de faire du vélo un atout touristique et économique. Nous accueillons également souvent le Tour de France. En 2020, Privas sera ville d’arrivée d’une étape et Le Teil ville de départ de la suivante. Nous avons aussi des itinéraires nationaux comme la ViaRhôna, dont une partie de l’aménagement est sous maîtrise d’ouvrage directe du Département, ou la ViaFluvia, avec un nombre conséquent de prestataires labellisés Accueil Vélo. C’est dans ce contexte que nous avons lancé notre premier schéma cyclable en 2011, que nous venons de réviser avec l’objectif de poursuivre les aménagements et de renforcer ensuite la promotion du vélo.

Comment s’est opérée la bascule d’une approche touristique à une approche pendulaire ?
Une récente étude du Cerema a révélé que 84 % des Ardéchois vont au travail en voiture. Il y a de gros enjeux en matière de covoiturage, d’autostop et de vélo pour décarboner les modes de déplacement. Depuis 2017 nous animons les réunions avec les partenaires locaux du vélo et les intercommunalités. Nous avons beaucoup mis l’accent sur l’utilisation du vélo au quotidien.

Comment cela se concrétise-t-il ?
Déjà, nous consacrons 500 000 euros par an à nos surlargeurs cyclables. En 2020, une enveloppe d’un million d’euros est allouée à la thématique vélo, dont 300 000 euros pour la fourniture de mobilier dédié, mais aussi les primes à l’acquisition des VAE, l’ingénierie autour des plans de déplacements… Chez nous le VAE crée des possibilités nouvelles, notamment en raison de notre relief accidenté, mais aussi grâce à nos routes à faible trafic. Nous préparons la mise en place du forfait mobilités durables pour les 1 800 agents de notre Département et travaillons aux contrats de transition écologique pour permettre des liaisons cyclables entre les centres-bourgs et les communes périphériques, en toute sécurité, à partir de 2021.

©Réalisation : Thomas Montagne,Vélo & Territoires, juillet 2020

Entretien avec Laure Haillet de Longpré

Chargée de mission Urbanisme et mobilités au conseil départemental de l’Ardèche

À quand remontent les débuts de la prise en compte des enjeux cyclables en Ardèche ?
Il y a toujours eu beaucoup de cyclosportifs sur notre territoire, du fait de la belle réputation de nos paysages. C’est en 2011 que le Département et la direction des routes ont lancé un premier schéma départemental. Au départ, seulement 20 km de la Dolce Via étaient réalisés. Elle en fait 90 à présent. À côté de cela, nous avions à l’époque peu de trains mais beaucoup de voies ferrées. Aujourd’hui, ce sont 250 km de voies vertes qui ont été aménagés sur ces anciennes voies ferrées et, en parallèle, il n’y a plus de trains en Ardèche. Ce premier schéma, réalisé à 70 %, était principalement axé tourisme avec beaucoup de voies douces et d’aménagements en surlargeurs le long des routes départementales.

À partir de 2017, vous commenciez à plancher sur un nouveau schéma…
C’est entre autres l’essor du VAE qui nous a fait mesurer qu’il était temps d’aller plus loin. En septembre 2017, un réseau vélo est mis en place avec l’ensemble des acteurs vélo du territoire en charge des politiques vélo. Ce réseau est animé par le Département et l’Agence de développement touristique. Nous avions constaté qu’il nous fallait une feuille de route commune et un espace pour se parler, dans le but de réviser le schéma de juin 2011.

Quelles sont les grandes lignes de ce nouveau schéma ?
Déjà, il est porté en co-maîtrise d’ouvrage avec les EPCI, qui le financent à hauteur de 25 %, soit le même taux que le Département, tandis que les 50 % restants proviennent de subventions de l’Ademe. Les objectifs de ce schéma sont multiples : finir le réseau cyclable ossature, mailler et connecter les petits villages autour, développer le vélo du quotidien, adapter l’offre à l’accueil de touristes à vélo, capter les clientèles situées à moins de deux heures comme Lyon ou Grenoble… Nous avons d’ores et déjà 250 établissements labellisés Accueil Vélo.

Quel est l’avancement de vos itinéraires ?
Nous en sommes à environ 250 km de voies douces, dont 94 km de la ViaRhôna, 90 km de la Dolce Via qui est terminée, 20 km de la Voie douce de la Payre, 40 km de la Via Ardèche… S’ajoutant à cela 315 km de la Grande traversée de l’Ardèche en VTT, 4 200 km de boucles sportives jalonnées qui constituent « l’Ardéchoise permanente », 1 600 km de boucles VTT… Concernant les chiffres de fréquentation cyclable, un itinéraire comme la Voie douce de la Payre compte jusqu’à 30 000 passages de vélos par an.

Voie verte Sampzon©M.Dupont-ADT07

Vous évoquiez l’enjeu du vélo au quotidien…
La sensibilisation au vélo utilitaire est vraiment un axe fort de notre nouveau schéma départemental. Au total, 200 km de surlargeurs cyclables ont été créés depuis 2011, avec tout ce que ça implique d’acquisition de foncier. Le Conseil départemental dédie un million d’euros par an à la mobilité. Nous mettons du mobilier vélo à disposition des collectivités qui le souhaitent, gratuitement : arceaux, racks, boxes vélo… Nous avons l’ambition d’être parmi les départements engagés pour le vélo dans le cadre de Pass Territoires. C’est la raison pour laquelle nous lançons ces expérimentations pour tester des aménagements, sans jamais perdre de vue que si, hors agglomération, le Département fait comme il l’entend, en revanche en agglomération le vélo relève de la compétence des communes.

Quelle place occupe le VAE dans votre dispositif ?
Les Ardéchois achètent trois VAE pour 1 000 habitants, ce qui nous classe en cinquième position au niveau national. Depuis le déconfinement, le Département aide à l’achat lorsqu’il est effectué chez un vélociste ardéchois. Cette mesure s’applique si le vélo coûte moins de 2 500 euros. L’aide peut alors aller jusqu’à 10 % du prix d’achat, avec un plafond fixé à 200 euros. Et ça marche, puisque 500 demandes ont été enregistrées entre le 14 mai et le 24 juin.

Quels défis vous attendent aujourd’hui ?
La direction des Routes a engagé un travail de redéfinition de son classement routier pour prendre en compte les nouveaux besoins en termes de déplacements, dont le vélo. En effet, les déplacements quotidiens de moins de dix kilomètres peuvent être effectués à vélo, à condition que les infrastructures le permettent. C’est l’objet de ce travail.

Trois questions à Clément Viala

Responsable de Culture Vélo, magasin de vélo généraliste situé à Soyons

  • 1. Quel est le cœur de l’activité de Culture Vélo Ardèche ?

Notre magasin existe depuis 2000 et dans sa forme actuelle depuis 2005. Nous sommes aujourd’hui neuf salariés. Nous commercialisons une flotte de 1 200 vélos (route, VTT, VTC, VAE, vélos pour enfants…), proposons des accessoires et louons également, quasi exclusivement, des VAE. Notre clientèle est essentiellement régionale avec peu d’étrangers.

  • 2. Quelle incidence a eu sur votre activité la politique cyclable menée par le Département ?

La ViaRhôna et la Dolce Via nous ont apporté une nouvelle clientèle touristique, et cela s’est accru récemment avec une reprise très forte après le confinement. Le nombre de ventes de vélos est en nette progression, de même que les demandes autour du voyage à vélo. Les Français cherchent à s’équiper en sacoches et veulent des produits de plus en plus adaptés. Parmi les clients qui viennent cette année pour des week-ends, beaucoup partaient à l’étranger les années précédentes. Pendant le confinement, nous avons pu ouvrir deux jours par semaine lors des trois dernières semaines.

  • 3. D’après les retours de vos clients, quels seraient les points à améliorer pour optimiser encore l’offre vélo de l’Ardèche ?

La signalisation reste sans doute à améliorer autour de la ViaRhôna. Nous les premiers, nous cherchons parfois notre route et il nous faut l’expliquer aux clients en boutique. Après, une fois sur les itinéraires, c’est parti !

En savoir plus : www.culturevelo.com/-Soyons-

Entretien avec Yvan Thiebaud

Responsable du pôle Mobilités et environnement à la communauté d’agglomération Privas Centre-Ardèche

Box vélo à Chomérac ©Communauté d’agglomération Privas Centre-Ardèche

Comment s’articulent vos actions autour du vélo ?
La communauté d’agglomération Privas Centre-Ardèche œuvre en étroite collaboration avec l’ensemble des EPCI. Nous avons été une des premières collectivités à travailler sur la Dolce Via, action que nous avons poursuivie avec la ViaRhôna et la Voie douce de la Payre, qui permettent de mailler les différents territoires. Nous avons également été précurseurs sur la location de VAE. Nous en proposons une cinquantaine aujourd’hui, répartis sur cinq sites du territoire, avec l’aide du Conseil départemental. Un projet de quatrième voie verte est en cours. L’étude est bien avancée. Les travaux devraient débuter fin 2022 et la mise en service est espérée pour 2024. Cela nous permettra de mailler plus finement encore le territoire.

Comment vous coordonnez-vous avec la politique cyclable pilotée par le Département ?
Nous avançons en parallèle des actions qui sont menées au niveau du Département. Depuis 2019 par exemple, ce dernier incite les collectivités à s’équiper de boxes fermés et de mobiliers vélo qu’il fournit à titre gratuit. Cela permet d’équiper l’ensemble du territoire en solutions de stationnement vélo. Cela rejoint des actions que nous avions amorcées de notre côté, notamment lorsque nous avons travaillé avec la communauté de communes des Gorges de l’Ardèche.

Après avoir longtemps misé sur le tourisme à vélo, les élus mettent aujourd’hui l’accent sur le vélo pendulaire…
Nous sommes pragmatiques : si les Ardéchois sont satisfaits du travail mené, alors naturellement les touristes le seront aussi. Tout l’effort reste à porter sur les services, notamment le stationnement sécurisé. Après, c’est aussi une affaire de prérogatives. Les intercommunalités ont pris la mesure des enjeux du vélo sur leur territoire. Le Département et les intercommunalités ont aménagé des voies vertes qui s’achèvent aux abords des centres-villes. C’est aux communes d’agir là-dessus désormais. À la différence des grandes villes qui ont de larges boulevards sur lesquels il est possible d’agir, nos centres-villes sont constitués de rues étroites, des sites médiévaux. Il y a certes moins de kilomètres à aménager mais des contraintes techniques importantes. Or, ces communes n’ont pas l’appui des métropoles, donc n’ont pas de ressources dédiées. C’est pour elles un problème de moyens humains et financiers.

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue