Fréquentation cyclable 2019 et perspectives
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°60
Malgré quelques soubresauts et après une année record en 2018, la fréquentation progresse de 5 % en 2019 par rapport à 2018 et de 19 % par rapport à 2013. Vélo & Territoires vous propose de revenir sur les faits marquants de l’année 2019 et les perspectives de fréquentations cyclables pour 2020.
Fréquentation cyclable : que retenir des dernières tendances ?
Le vélo est en plein essor depuis la sortie du confinement. Ce phénomène n’est pas récent mais
il semble prendre une nouvelle tournure, comme en témoignent les chiffres engrangés par la Plateforme nationale des fréquentations depuis sa création en 2013. S’il fallait résumer l’année 2019 à deux faits marquants, on retiendrait la montée de la pratique utilitaire (+ 8 % par rapport à 2018 à échantillon comparable) et les fréquentations record enregistrées en juillet-août.
Une année 2019 pleine de rebondissements
- Un début d’année avec une fréquentation supérieure à l’année précédente
- Un recul en avril-juin dont les niveaux de fréquentation étaient importants en 2018
- Un très bon été pour une grande partie des compteurs avec des volumes records
- Une arrière-saison douchée par le mauvais temps
- Un mois de décembre marqué par les grèves et une hausse notable de la pratique cyclable (+ 14 % par rapport à 2018)
2019 à la loupe
Évolution de la fréquentation
- +19 % par rapport à 2013 et + 5 % par rapport à 2018
- Une hausse tirée vers le haut par la pratique utilitaire (+ 8 %)
Une base de données solide
- 579 compteurs intégrés dans les analyses
- 903 compteurs partagés par 90 collectivités
Une base de données qui passe d’une observation touristique à une observation globale
- 487 compteurs partagés sur des itinéraires nationaux ou européens
- 350 compteurs partagés par des EPCI, métropoles, agglomérations, dont près d’un quart sur le Schéma national des véloroutes
Une fréquentation plus importante sur le Schéma national, y compris pour la pratique utilitaire
Une pratique ou des pratiques ?
Depuis sa création en 2013, la Plateforme nationale des fréquentations ne cesse de prendre de l’ampleur en intégrant toujours plus de compteurs issus de milieux de plus en plus diversifiés. Cette évolution améliore la connaissance de la pratique cyclable nationale et permet d’identifier non plus une, mais plusieurs pratiques : le vélo utilitaire, de loisirs ou de tourisme. En fonction de la période de l’année ou du jour de la semaine, le Schéma national des véloroutes est aujourd’hui tantôt le terrain de l’une, tantôt celui de l’autre. En 2019, la pratique utilitaire se développe fortement (+ 8 % par rapport à 2018) en partie portée par les grèves de fin d’année. La pratique de loisirs, elle, se maintient et la fréquentation sur les itinéraires français EuroVelo, quant à elle, progresse de 4 %. Ces indicateurs affirment, une fois de plus, qu’un réseau cyclable de qualité et sécurisé est un facteur incitatif de l’usage du vélo.
Pratique utilitaire en 2019
- + 8 % de passages de vélos par rapport à 2018
- 952 passages journaliers en moyenne
- 1 151 passages journaliers en semaine hors vacances scolaires et jours fériés
- 17 % des compteurs analysés sont implantés sur le Schéma national des véloroutes
Une pratique homogène sur l’année avec un creux en août.
Pratique de loisirs en 2019
+ 1 % de passages de vélos par rapport à 2018
141 passages journaliers en moyenne
293 passages journaliers en juillet-août
109 passages journaliers le reste de l’année
70 % des compteurs analysés sont implantés sur le Schéma national des véloroutes
Une saisonnalité davantage marquée en 2019. Impact important des congés et de la météo.
La pratique touristique à l’image de la fréquentation cyclable sur les EuroVelo en France en 2019 :
- + 4 % de passages de vélos par rapport à 2018
- 244 passages en moyenne par jour
- Une pratique marquée par une forte saisonnalité : 392 passages par jour en juillet-août et 214 passages par jour le reste de l’année
Ces moyennes cachent des disparités importantes entre les points de comptage. Le nombre de passages peut en effet varier de quelques dizaines à plusieurs milliers sur le même itinéraire.
Quel impact de la pandémie Covid-19 sur la fréquentation cyclable ?
Le confinement a été une période de ralentissement de la pratique cyclable. Au sortir de celui-ci,
le vélo est devenu un geste barrière par excellence, relançant la fréquentation. Preuve en est, le
nombre moyen de passages journaliers a fortement augmenté sur cette période par rapport à 2019 : + 32 % du 11 mai au 16 août. Alors que la fréquentation progresse sur l’ensemble du territoire, elle est tout de même marquée par des disparités importantes. L’engouement pour le vélo se fait davantage ressentir dans les zones urbaines (+ 36 %) où l’enjeu lié au besoin de maintien des distanciations est de taille. En périurbain et en rural les passages de vélos augmentent cependant aussi de 23 % et 21 %.
En complément de la progression de la pratique utilitaire, l’engouement pour le vélo se porte sur des sorties en week-end, y compris en zone urbaine. Le nombre moyen de passages progresse plus fortement en fin de semaine (+ 49 %) que sur le reste de la semaine (+ 26 %). À n’en pas douter, de nouveaux comportements, de nouvelles habitudes émergent doucement… Il sera intéressant d’observer la période de rentrée et la reprise du chemin de l’école et des universités pour voir, si oui ou non, les nouvelles bonnes habitudes restent.
Quelles perspectives pour la pratique du vélo en 2020 ?
Avec un début d’année marqué par des grèves dans les transports, le premier trimestre 2020 semblait inscrit sous le signe du vélo. La crise sanitaire a stoppé une très grande partie de l’activité nationale, mais la sortie du confinement a conduit de nombreuses collectivités à réinventer l’offre de mobilité proposée à leurs habitants. Les indicateurs de Vélo & Territoires, communiqués
via les bulletins fréquentation vélo et déconfinement en témoignent : + 7 % de passages comptabilisés du 1er janvier au 16 août par rapport à la même période de 2019 en dépit du confinement et + 31 % si l’on exclut la période de confinement.
Agglomérations, intercommunalités, métropoles, départements et notablement l’État ont œuvré d’arrache-pied en lien avec les usagers pour proposer des aménagements cyclables de transition en accéléré (voir p.11). Cette nouvelle offre a-t-elle un impact ? Rapidement les comptages enregistrés sur les aménagements existants se sont renforcés, à l’image de la ville de Paris (+ 71 % depuis la sortie du confinement). Après une phase d’appropriation de l’ordre d’une à deux semaines, ces nouveaux aménagements cyclables enregistrent des moyennes journalières de passages équivalentes à celles des aménagements historiques comme le montrent les comptages temporaires mis en place. Avec une infrastructure adaptée à leurs besoins, les cyclistes sont donc rapidement au rendez-vous. Ce bilan positif pour la pratique utilitaire est-il aussi valable pour la pratique touristique ou de loisirs ? Il semble bien car après le confinement, les vacances ont fait la part belle au vélo. Les premiers résultats issus de l’analyse des compteurs implantés sur les itinéraires EuroVelo sont positifs. La fréquentation y suit la tendance nationale et progresse également de 7 % du 1er janvier au 16 août par rapport à 2019. Le mois de juillet à lui seul enregistre une hausse de 35 % du nombre de passages. D’une façon plus générale, l’ensemble des compteurs qui comptabilisent une pratique typée « loisirs » ne cessent de voir défiler des vélos. Depuis la sortie du confinement, ces derniers enregistrent des fréquentations de 20 % supérieures aux moyennes de 2019. La période de canicule rencontrée au mois d’août marquera certainement un ralentissement de cette croissance mais à la fin de l’année, le tourisme à vélo en France avec #JeVoyageAVélo devrait avoir rencontré un vif succès.
Soigner la qualité de ses comptages par la détection d’anomalies
La donnée est au cœur des processus de décision. Mais il n’y a pas de décision pertinente sans des données de qualité. Comme de nombreuses sources de données, les comptages de vélos doivent faire l’objet d’une attention particulière avant d’être exploités. Plusieurs phénomènes peuvent parasiter les analyses. Ces phénomènes réels ou liés à une panne du matériel doivent être identifiés et éventuellement faire l’objet d’un traitement (exclusion de la donnée, reconstruction…).
Pour aider les propriétaires de compteurs, Vélo & Territoires et Eco-Compteur ont corédigé un guide qui présente les principaux types d’anomalies de la donnée de comptage, ainsi que les clés permettant de les identifier facilement.
Ce guide, réalisé dans le cadre du projet AtlanticOnBike, est disponible sur le site Internet de Vélo & Territoires.
Évaluation des aménagements cyclables de transition
Témoignage de Christelle Cazenave
Cheffe du service Études et travaux du conseil départemental des Alpes-Maritimes
En 2005, le Département a mis en place un schéma directeur cyclable. Quel a été son effet ?
De 2005 à 2018, il a eu un effet moteur pour le Département, mais aussi pour l’ensemble des acteurs de l’aménagement du territoire. De nombreuses pistes cyclables ont été créées dans les villes du littoral (Nice, Cagnes-sur-Mer, Mandelieu-la-Napoule…). On constate l’émergence d’un véritable volontarisme qui permet de tendre vers un réseau structuré et cohérent qui s’appuie sur des axes majeurs tels que La Littorale et l’EuroVelo 8. Fin 2018, 230,3 km ont été aménagés, dont 34 % en site propre.
Dans le cadre du déconfinement quels aménagements cyclables avez-vous mis en place ?
Le trafic routier fortement réduit durant le confinement a créé un contexte propice aux expérimentations et à la poursuite de la mise en œuvre de la politique cyclable portée par notre Président. Deux aménagements ont pu voir le jour et un troisième est en projet :
- 4 km de piste cyclable bidirectionnelle sur la RD6098 entre Villeneuve-Loubet et Antibes Fort Carré, livrés le 7 mai. Cet aménagement en bord de mer a été réalisé en accord avec les communes d’Antibes et Villeneuve-Loubet, les associations vélo et en conformité avec les recommandations du Cerema.
- 65 m sur la RD504 ont été livrés fin juin permettant une continuité d’itinéraire.
- 1,7 km sont en projet sur une route départementale.
Le premier aménagement revêt un véritable enjeu. Bien que situé sur le tracé de l’EuroVelo 8 il est difficile de trouver une solution qui fasse à la fois cohabiter tous les usages (routiers, stationnements, cyclables) et qui réponde aux contraintes d’emprises et aux difficultés techniques liées aux aléas naturels du secteur en cas de coups de mer. Un projet conciliant tous les besoins nécessiterait de lourds investissements destinés majoritairement à protéger le
littoral. L’urbanisme tactique développé à la sortie du confinement a permis de tester un projet plus léger, de marquage et de balises. Ce projet a néanmoins été suspendu le 3 juillet à cause de la difficulté de concilier l’aménagement cyclable et le stationnement en période touristique. Le Département étudie les solutions à trouver au sortir de l’été.
À quoi ont servi ces comptages en ces temps de crise ?
Le Département dispose d’un parc de dix compteurs permanents. Cela permet d’évaluer l’ensemble des projets mis en œuvre tout au long de l’année. Dans le cadre de la crise, les données de ces compteurs ont alimenté les réflexions sur les aménagements cyclables à mettre en œuvre, y compris en relation avec nos partenaires institutionnels.
Vous avez réalisé des comptages pour vos aménagements cyclables de transition. Pourquoi et qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Le Département a souhaité suivre la fréquentation de l’aménagement cyclable de transition de 4 km mis en œuvre entre Villeneuve-Loubet et Antibes et a ainsi positionné dès sa mise en service trois compteurs temporaires. Cet aménagement consistant à passer en aménagement bidirectionnel plus confortable un système de bandes cyclables unidirectionnelles, des compteurs ont été posés sur l’aménagement nouvellement réalisé, ainsi que sur l’ancienne bande qui est restée en activité. L’attractivité de la nouvelle piste cyclable a été confirmée. Au sortir du confinement, la piste cyclable de transition du bord de mer enregistrait des pointes à 2 500 passages/jour.
Les comptages sont-ils les seules données disponibles / à prendre en compte dans l’évaluation
de ce type de projet ?
Non, le Département a également été très attentif aux retours des usagers, aussi bien cyclistes
qu’usagers routiers. Il a également réalisé un suivi des données d’accidentologie sur l’aménagement.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui veulent se lancer dans une observation temporaire
et/ou permanente ?
Il est très important pour un maître d’ouvrage de suivre et d’évaluer les aménagements mis en
œuvre grâce à des données factuelles telles que les données de comptage. Mais il ne faut pas se
limiter à cette seule information. Il est également indispensable de s’intéresser aux données d’accidentologie, aux remontées des usagers (via l’outil dédié, les échanges avec les associations ou le suivi des retours sur les réseaux sociaux).
Stéphanie Mangin