Isabelle Guiu
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°59
Cofondatrice de Cyclable, la première enseigne de magasins de vélos, Isabelle Guiu peut se prévaloir de quinze années d’expériences sur le sujet des mobilités douces.
Comment êtes-vous venue au vélo ?
Je suis originaire de Toulouse et dans ma famille, nous nous sommes toujours déplacés à vélo au
quotidien. J’ai travaillé dans l’éducation populaire et notamment dans une association de chantiers
internationaux. Boris Wahl, le fondateur de Cyclable, était lui aussi dans l’entreprenariat associatif. Il
gérait des pépinières d’entreprises. C’est lui qui a émis l’idée de monter un projet autour des mobilités douces. Nous étions en 2003, avant la prise de conscience par le grand public du dérèglement climatique, et déjà nous avions la conviction que le vélo est particulièrement vertueux.
Comment s’est concrétisé ce premier projet ?
Boris a lancé l’association Movimento, qui proposait la location de vélos longue durée aux étudiants, avec un petit parc de vélos autofinancé par une collecte auprès des amis. L’intérêt du vélo en ville a été une vraie découverte pour le public. De notre côté, cette expérience a révélé que la location créait une demande pour l’achat, et que dans les deux cas (location ou vente), il s’agissait de créer de nouveaux cyclistes. C’est ainsi que nous en sommes venus à lancer le premier magasin Cyclable, en octobre 2005.
Quel était votre positionnement ?
Boris a tout de suite décidé de positionner l’enseigne sur le segment du vélo mobilité et pas sur celui du vélo sportif. C’était son intuition et, avec le recul, il semble que c’était une excellente idée. Sur ce même créneau, il n’y avait à l’époque en France que peu de magasins : un entrepreneur à Montpellier « On Avance » et un autre à Lille « Villavélo ». Les deux ont depuis rejoint le giron Cyclable. Venant de l’associatif, notre idée a toujours été celle d’un développement collectif de l’enseigne dans une logique de mutualisation de nos maigres moyens et de notre nouvelle expérience : « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». De la même façon, nous avons commencé à commercialiser des vélos à assistance électrique et des vélos cargos quasiment
dès qu’ils sont apparus sur le marché.
Un cycliste sur deux est une cycliste, et rien ne justifie qu’il n’en soit pas de même dans nos équipes.
À quel moment avez-vous senti que la mayonnaise commençait à prendre ?
En 2007, nous avons eu l’opportunité d’ouvrir un deuxième magasin à Dijon. Notre réseau était
jusque là informel. Il a commencé à réellement se structurer à partir de 2010. C’est à cette époque
que nous avons rencontré notre principal investisseur qui nous a permis de franchir un cap. Le
palier suivant a été atteint par l’entrée d’un fonds d’investissement en juin 2016.
Où en êtes-vous aujourd’hui de votre développement ?
Cyclable aujourd’hui, ce sont 53 magasins répartis dans toute la France et en Suisse. Nous avons
également des projets en Belgique et deux boutiques supplémentaires devraient ouvrir dans les prochains mois à Rochefort et Nyon (Suisse). Le vélo étant un outil de proximité, notre ambition est de poursuivre notre maillage du territoire à mesure que le marché mûrit, et de continuer à l’accompagner d’un développement digital.
Quel type de profils recrutez-vous ?
Nous recrutons des techniciens, des commerciaux, des responsables de magasins, et des compétences plus spécifiques au siège. Notre grande fierté, c’est d’être entourés de personnes particulièrement talentueuses. Dans une relation vertueuse, Cyclable tire ses collaborateurs vers le haut, et réciproquement… À côté ou dans la continuité de cela, nous cherchons autant que possible à féminiser nos équipes. Un cycliste sur deux est une cycliste, et rien ne justifie qu’il n’en soit pas de même dans nos équipes. une intensité dans les relations que nous sommes parvenus à nouer avec nos collaborateurs. C’est plus qu’émouvant. C’est magique.
Nous avons toujours souhaité donner du sens à nos actions et cette crise sanitaire ne nous a pas fait dévier de notre ligne de conduite.
Comment composez-vous avec la période de confinement décrétée le 17 mars par le gouvernement ?
Nous sommes heureux que les commerces et ateliers de cycles aient rapidement été considérés
comme des services « essentiels à la nation ». Certes, la plupart de nos clients restent confinés chez eux, mais nous avons saisi l’occasion de mettre en place des « ateliers vélo de garde » nous permettant d’être présents pour les personnes dans l’impossibilité de télétravailler. Parmi elles, les personnels soignants notamment ont pu bénéficier de cet outil de distanciation physique naturelle qu’est le vélo. Nous avons toujours souhaité donner du sens à nos actions et cette crise sanitaire ne nous a pas fait dévier de notre ligne de conduite.
Comment percevez-vous l’après-confinement ?
Paradoxalement, la pandémie de Coronavirus pourrait être une chance historique pour le vélo,
car les usagers des transports publics pourraient changer leurs habitudes, tandis qu’un recours
massif à l’automobile entraînerait immédiatement la saturation du réseau routier. Le vélo prend une vraie place dans les médias dans ce contexte. Gageons que cette crise pourra accélérer le développement d’un futur écosystème pérenne autour du vélo.
En savoir plus : www.cyclable.com
Un blog qui fait sens
« Apporter du contenu technique, relayer des témoignages, c’est un levier important aujourd’hui pour une activité comme la nôtre », complète Isabelle Guiu. Adeptes de la « symétrie des attentions », son équipe et elle alimentent régulièrement le blog de Cyclable d’articles d’actualité.
En savoir plus : www.cyclable.com/blog
Propos recueillis par Anthony Diao