Baromètre des villes cyclables : les usagers ont la parole
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°58
Dès sa deuxième édition, cet « outil participatif de mesure du ressenti des politiques cyclables locales » est devenu « l’enquête citoyenne sur l’usage du vélo la plus massive dans le monde ». Retour sur une vraie bonne nouvelle.
Les résultats du deuxième Baromètre Parlons vélo des villes cyclables ont été officialisés le 6 février en ouverture du 20e Congrès de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) au Palais de la Bourse de Bordeaux. Un lieu hautement symbolique du fait précisément de la présence sur les murs de l’Atrium de deux imposants baromètres d’époque mais aussi de la proximité du bâtiment avec le célèbre Pont de pierre, un ouvrage napoléonien dont la fermeture aux automobilistes et la restitution aux piétons et aux cyclistes permit, en 2017, « d’entendre pour la première fois la Garonne couler » dixit un élu local.
Lettres de noblesse
Preuve de l’engouement suscité par cette annonce dans une actualité militante comprise entre l’enclume de la Loi d’orientation des mobilités de décembre 2019, le marteau des municipales du printemps 2020 et l’aubaine provoquée par la (re)découverte des modes actifs par les Parisiens lors des grèves de l’hiver : la veille du congrès, Olivier Schneider, président de la FUB, avait déjà répondu à quelques « 76 entretiens » de journalistes avant de « couper [son] téléphone ». Il faut dire que les chiffres de l’enquête menée à l’automne 2019 méritaient quelques retombées. Avec 768 communes à 50 répondants ou plus – le seuil à atteindre pour être comptabilisé -, dont une hausse considérable des communes hors métropoles, le second Baromètre enfonce son aîné de 2017 de 445 unités. Ses 184 483 réponses enregistrées représentant une hausse de 63 % par rapport à l’édition inaugurale il y a seulement deux ans. L’ajout d’un module cartographique a aussi permis aux usagers de contribuer à répertorier quelques 400 000 points noirs sur l’ensemble du territoire – de quoi nourrir les programmes des candidats aux municipales, ainsi que le répéteront nombre de lauréats. Point intéressant : 40 % des répondants de 2019 estiment que les conditions de circulation à vélo ont évolué positivement dans leur ville depuis l’enquête de 2017, ce ressenti variant de 27 % pour les villes de moins de 20 000 habitants à 56 % pour celles de plus de 200 000 habitants. « Quand les petites villes s’y mettent, elles pètent le score » confie Olivier Schneider en faisant allusion à l’entrée spectaculaire au classement de la ville de Saint-Lunaire dans la catégorie des communes de moins de 20 000 habitants. Passée de deux réponses en 2017 à 77 en 2019, voici la commune d’Ille-et-Vilaine aux 2 356 âmes propulsée première de sa catégorie, et seule ville de tout le palmarès labellisée A, avec une note globale de 4,47 points !
Encouragement
Deuxième comme en 2017 dans la catégorie des villes comprises entre 50 000 et 100 000 habitants, la ville de Chambéry, créditée d’un C, faisait sourire l’assistance par l’entremise d’Emmanuel Roche, chargé de la politique cyclable pour le Grand Chambéry. Monté sur l’estrade recevoir le trophée, le technicien avait rappelé la détermination de sa municipalité à « ne pas avoir vocation à demeurer les Poulidor de nos amis rochelais ». Josiane Beaud, première adjointe de Chambéry et vice-présidente de Grand Chambéry en charge de la multimodalité, des transports, des déplacements et du schéma de déplacements, voit ce nouveau podium comme « un encouragement à poursuivre les efforts et les investissements entrepris depuis la cluse de Chambéry jusqu’au piémont ». Même si des difficultés demeurent sur la traversée des carrefours et l’accessibilité des enfants, des « études ont été lancées » et l’élue salue l’incidence des résultats de l’enquête de 2017 sur le PLU, l’intercommunalité et l’augmentation des ventes de VAE durant l’actuel mandat.
Ce deuxième Baromètre nous fait passer d’audible à influent.
Marge de manoeuvre
Deuxième de la catégorie des villes comprises entre 100 000 et 200 000 habitants, la ville d’Angers est néanmoins consciente d’avoir, à l’instar de la ville de Caen qui se classe troisième dans la catégorie, les notes les plus basses des cinq podiums de cette édition (3,38 points, label D). Des chiffres qui la relègue loin derrière le très acclamé leader grenoblois et ses 4,12 points (soit la mention B). Christophe Béchu, maire d’Angers et président d’Angers Loire Métropole, envoie un signal fort en étant le seul premier magistrat d’une ville de plus de 100 000 habitants à s’être déplacé pour cette cérémonie. Attentif à un tissu militant local particulièrement exigeant, son cheminement personnel au fil des années traduit une progressive prise en compte des enjeux de la question. Pour lui, le vrai satisfecit se situe ailleurs. « Plus de 1 600 personnes ont répondu à cette enquête sur notre territoire, c’est considérable. Le tout en pleine période de travaux pour nos lignes de tramway, ce qui laisse augurer d’une marge de progression importante lorsque tout sera terminé. Enfin, nous passons de la troisième à la deuxième place de ce palmarès. Même si nos amis grenoblois ont encore de l’avance, c’est une belle motivation d’autant que les résultats de 2017 occupent une double page au tout début de notre Plan vélo 2019-2025, preuve s’il en est de la prise en compte de cette enquête dans l’élaboration de nos priorités à ce niveau. »
Naissance d’une influence
Quatrième toutes villes confondues en nombre de réponses valides (3 737) derrière Paris (7 241), Lyon (5 562) et Toulouse (4 531), Nantes se classe deuxième dans la catégorie des villes de plus de 200 000 habitants, avec une note globale de 3,55 et un C et derrière l’intouchable Strasbourg (4,02 et la note B). Pour Thomas Quero, conseiller métropolitain, ce résultat « doit nous servir de base pour nourrir nos services et continuer à nous améliorer. Notre ressenti et celui de nos usagers se traduisent dans le questionnaire et c’est rassurant. Nonobstant les municipales, cela nous permet de nous projeter sur 2020-2026 et, par exemple, de démarrer une enquête ménage pour actualiser nos données qui remontent à 2015. » L’obtention par Paris du Prix de la meilleure progression dans cette catégorie permit une belle synthèse en deux temps par la voix de Christophe Najdovski, maire-adjoint de la capitale, en charge des transports, des déplacements, de la voirie et de l’espace public, et président depuis 2018 de la Fédération européenne des cyclistes. « L’avantage de partir de loin c’est que nous ne pouvons que progresser. Continuez de pousser à la roue, il ne faut surtout pas que les élus se sentent trop confortables… Pour rappel, en 2014, lors des dernières municipales, j’étais le seul des candidats déclarés à la Mairie de Paris à accepter de prendre part à un oral sur le vélo. Cette année, cinq des six candidats se sont livrés à l’exercice. » Un constat qui rejoint en creux celui d’Olivier Schneider : « Si le vélo ne permet pas encore de gagner une élection, le négliger peut la faire perdre. En 2017, je m’étais réjoui que le premier Baromètre nous ait fait passer d’interlocuteur crédible à interlocuteur audible. Ce deuxième Baromètre nous fait passer d’audible à influent. »
Méthodologie
Disponible de septembre à novembre 2019 sur le site www.parlons-velo.fr, l’enquête ne classe que les communes ayant recueilli 50 réponses ou plus. Un total de 26 questions étaient proposées, réparties en cinq thèmes. À chaque question correspond une note allant de 1 (négatif) à 6 (positif). La moyenne des cinq thèmes donne une note globale par ville. Le total renvoie à une arborescence colorée « inspirée des stickers figurant sur les appareils d’électroménager » (dixit Olivier Schneider). Sur les 768 villes classées, 43 obtiennent une note supérieure à la moyenne de 3,5 points. Au total, les 337 associations du réseau FUB, relayées par les collectivités et par la presse locale, ont permis de collecter les résultats et quatre personnes de la FUB ont centralisé le tout. Appelé à la tribune, le journaliste Olivier Razemon ne manqua pas de faire également applaudir « l’excellent rendu final » proposé par le graphiste Laurent Nizon, lui qui saluait sur son blog l’entrée de cette enquête dans la cour des grands, en compagnie – et même déjà au delà – du Prix des villes cyclables suisse, du Thermomètre cycliste belge, du Cyklobarometr tchèque, du Baròmetro de la bicicleta espagnol, du Fietsstadverkiezing néerlandais et de l’incontournable Fahrradklimatest allemand mené par l’ADFC depuis 1998.
Propos recueillis par Anthony Diao