Système vélo, du local au global : 20e congrès de la FUB

Palmarès des villes cyclables, outil d’aide à la décision

Les très attendus résultats du second Baromètre, initié par la FUB à l’automne 2019, ont été dévoilés en ouverture de ce 20^e congrès. Avec ses 185 000 réponses il est la plus grande enquête citoyenne sur l’usage du vélo dans le monde, alors qu’il n’en est qu’à sa deuxième édition. « Plus 63 % de réponses qu’en 2017. Cette progression est impressionnante. C’est un outil extrêmement utile pour instaurer un dialogue ouvert dans les villes. C’est aussi un moyen d’encourager les élus à poursuivre dans cette direction » témoigne Christophe Najdovski, président de l’European Cyclists’ Federation (ECF). Cet outil participatif mesure le ressenti des politiques cyclables locales par les cyclistes. Le Baromètre fournit des données précises et précieuses, disponibles en Open data, sur la cyclabilité des 768 communes classées pour cette édition 2019. La quantité de l’information est impressionnante. Au-delà des cœurs des métropoles, le Baromètre est un bon indicateur de la dynamique globale ressentie, il souligne les freins majeurs à la mobilité à vélo, les points noirs, les axes prioritaires à aménager… bref, il donne les priorités des citoyens pour une France à vélo. Le Baromètre évalue-t-il jusqu’à la qualité de vie des territoires ? « Lorsque nous sommes à vélo, nous voyons tout : la ville, les piétons, les bouchons. D’autres villes dans le monde montrent que cela fonctionne mieux avec moins de voiture » selon le journaliste Olivier Razemon. La baisse de certaines communes au classement dans ce second Baromètre par rapport à l’édition 2017 a deux raisons. Premièrement, elle reflète une exigence de qualité plus forte. Deuxièmement, elle montre que les efforts de nombreuses villes paient.

Démocratie participative et expertise d’usage

Nouer une relation de travail entre élus, techniciens et associations en bonne intelligence et sur le long terme est incontournable pour construire des aménagements cyclables utiles aux usagers, tenir compte de leurs besoins au plus tôt dans les projets, saisir au mieux les contraintes et identifier des solutions. La FUB, fédération montante, invite ses associations locales à muscler et professionnaliser leur expertise d’usage aux côtés des collectivités. Des exemples ? À l’initiative de la communauté d’agglomération du Sicoval une trentaine d’acteurs économiques, institutionnels, associatifs se sont regroupés au sein de la communauté des modes actifs et de la glisse urbaine en 2017. Les membres de la communauté se réunissent chaque mois pour partager leurs retours d’usage, prioriser les besoins des cyclistes, établir collégialement un diagnostic et porter les propositions auprès des élus. En unissant les forces des 34 associations vélo franciliennes pour être plus audible et crédible le collectif vélo Île-de-France, quant à lui, est devenu en un an seulement un interlocuteur de choix pour la région Île-de-France. Sa recette pour faire d’Île-de-France une grande région cyclable ? Un projet emblématique. « Le RER V (réseau express régional vélo, ndrl) fédère les membres du collectif, suscite l’engouement public et médiatique et définit l’agenda politique. Ce projet phare rend le collectif crédible et a une force » explique Louis Belenfant, directeur du collectif. Selon les dernières informations, la Région semble disposée à co-financer le projet à 50 %, à condition toutefois que les autres collectivités s’engagent, elles aussi.

Le système vélo passe aussi par les entreprises et les commerçants

Une bataille de 2020 ? Convaincre, accompagner les employeurs et valoriser l’usage du vélo au sein des entreprises. « Aujourd’hui, les employeurs paient des voitures de fonction, des voitures de services. Demain, ils investiront dans des vélos de fonction » pronostique Patrick Seguin, président de la CCI Bordeaux Gironde. « Le rôle des CCI est d’accompagner les collectivités et les entreprises, de les éduquer. Le sens dans l’entreprise tient de plus en plus à cœur des salariés et la mobilité active en fait partie. » Plus qu’une prophétie, une réalité. Nantes Métropole a créé un poste à temps plein, financé par la Métropole et l’Ademe, dédié à l’animation de la transition énergétique pour les commerçants du centre-ville de Nantes. Une première en France. Comment mettre les commerçants de Nantes au vélo ? « La sensibilisation prend beaucoup de temps. Pour de nombreux commerçants, ce n’est pas un manque de volonté, mais un manque d’information. Ils connaissent mal les modes de déplacement de leurs clients et surestiment complètement la part de la voiture » répond Jérôme Decoster qui occupe ce poste d’animateur des commerçants à Nantes. « La prise de conscience qu’il faut agir sur la mobilité est réelle aujourd’hui. Mais il faut accompagner, rencontrer les commerçants et leur montrer les chiffres. Ils ont besoin de changer de braquet pour prendre leur destin en main. » Autre levier d’action : l’aide à l’achat d’un vélo-cargo proposée par la collectivité aux professionnels pour favoriser le développement de la cyclo-logistique. Via son message vidéo présenté lors de ce 20^e congrès la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, a d’ailleurs annoncé deux nouveaux programmes CEE (Certificats d’Économie d’Énergie) portés par la FUB, dont le projet ColisActiv dédié à la cyclo-logistique.

Du Plan national « cadre » à son déploiement en 1001 plans vélo locaux 

Le Plan vélo national entend tripler la part modale du vélo dans les déplacements quotidiens pour atteindre 9 % en 2024. « Ce n’est pas l’État seul dans son coin qui y arrivera. Nous devons collectivement nous retrousser les manches, État, collectivités, associations » souligne Thierry du Crest, coordinateur interministériel pour le développement de l’usage du vélo. Comment déployer le Plan vélo national à l’échelle locale ? Selon Camille Thomé, directrice de Vélo & Territoires « la cohérence et la coordination des politiques cyclables des différents niveaux de collectivités sont la clé du succès. Pour mettre en place le système vélo, il est essentiel de mettre l’humain au sein du processus. » Elodie Trauchessec, animatrice mobilité de l’Ademe, pour sa part, affirme l’appétence cyclable des territoires au-delà des grandes villes françaises : « Parmi les 227 territoires lauréats des deux relevés de l’appel à projets Vélo et territoires de l’Ademe il y a des collectivités complètement novices avec un manque d’expertise vélo dans leurs services. » Ce constat est confirmé par les résultats de l’Enquête Territoires 2019 conduite par Vélo & Territoires en partenariat avec l’Ademe, le Cerema et l’AdCF. Si les EPCI les plus peuplés disposent d’équipes vélo fournies, ceux de moins de 50 000 habitants y consacrent rarement un poste complet et moins de la moitié sont dotés d’une stratégie de planification vélo. La cartographie des points noirs et des axes prioritaires à aménager de ce second Baromètre des villes cyclables constitue une matière précieuse pour atteindre l’ambition du Plan vélo et réaliser les 1001 plans vélo locaux. Des pistes de travail « clé en main » pour les candidats aux élections municipales cette année, mais aussi pour les élections départementales et régionales l’année prochaine.

Dorothée Appercel