Quels enjeux environnementaux pour les revêtements des aménagements cyclables ?
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°57
Les aménagements sont déterminants pour développer l’usage du vélo et des autres modes actifs. Pour les cyclistes, le revêtement est un marqueur de l’attention portée à la qualité des infrastructures par les aménageurs. Un revêtement peu roulant, non entretenu voire absent génère de l’inconfort ou de l’insécurité et impacte directement l’usage. Le maître d’ouvrage, quant à lui, en plus d’être confronté à un choix pléthorique de solutions de revêtements, doit tenir compte des contraintes naturelles pour assurer le caractère écologique et pérenne de celui-ci. Quels sont les enjeux et les retours d’expériences à ce sujet ? À la faveur d’une fiche-action et d’un atelier sur la résilience des aménagements lors de ses 23es Rencontres en Anjou, Vélo & Territoires propose son éclairage.
Choisir un revêtement moins impactant sur l’environnement
Matériaux utilisés, transport, impact sur le milieu naturel… Les aménagements cyclables ne sont pas sans conséquences sur l’environnement. Des outils et solutions innovants apparaissent sur le marché et permettent au maître d’ouvrage d’amoindrir l’impact de son aménagement.
Enrobé : le faux procès
En raison de son aspect routier et de la présence de bitume dans sa composition, le béton bitumineux, appelé enrobé, se voit souvent préférer le sable stabilisé. Pourtant son caractère roulant favorise le développement de l’usage du vélo et son impact sur l’environnement n’est
pas aussi négatif que couramment imaginé. « L’étanchéité générée par les aménagements cyclables en enrobé est moindre que celle générée par des chaussées routières. Une piste
cyclable bidirectionnelle fait une largeur de quatre mètres maximum et l’eau s’infiltre sur les abords, ne créant pas une grande zone étanche » relativise Pierre Toulouse, consultant en mobilité. « Les sables stabilisés sont fortement comprimés, confirme également une étude allemande menée par le land Mecklembourg-Poméranie. Cela contraint l’écoulement de l’eau
de pluie, qui s’écoule ainsi sur le côté de la chaussée. À cet égard, elles ne diffèrent pas des chaussées en enrobé bitumineux, car les pistes cyclables ne sont généralement pas reliées au
système d’écoulement des eaux. L’eau de pluie s’écoule et est ainsi disponible
pour la recharge des eaux souterraines ». Côté usagers, le président de l’AF3V, Julien Dubois, insiste sur le fait que les véloroutes empruntent essentiellement du foncier existant (petites routes, chemins de halage, anciennes voies ferrées). Le réseau des véloroutes contribue donc peu à
l’artificialisation des terres agricoles ou des espaces naturels. « Ce sont avant tout les abords de la voie verte qui présentent un vrai potentiel pour la préservation de la biodiversité » selon Julien Dubois. Par ailleurs, le bilan carbone de la production et de la mise en oeuvre de l’enrobé est en moyenne inférieur à celui d’autres types de revêtements.
Ces calculs sont obtenus d’après une approche environnementale de la construction. Par ailleurs, ces résultats sont à analyser séparément car une chaussée se compose de plusieurs couches de matériaux et la durée de vie de l’aménagement, non intégrée dans ces calculs, doit également être prise en compte. Ces hypothèses peuvent être ajustées en fonction des enjeux locaux (proximité des carrières, des cimenteries ou raffineries, optimisation en vue d’être plus performant sur GES (gaz à effet de serre), énergie, acidification, ressources, …). Le choix du liant hydraulique pour le sable stabilisé impacte fortement l’empreinte environnementale. Les résultats ont été obtenus via l’éco-comparateur Ecorce2 qui inventorie les données des cycles de vie et des indicateurs environnementaux pour la réalisation de travaux routiers.
Des revêtements innovants et plus écologiques ?
Dès la fabrication et la mise en oeuvre, le maître d’ouvrage peut se tourner vers des matériaux plus durables. Pour l’utilisation d’enrobés à froid, certaines entreprises du BTP annoncent 20 % de
réduction de consommation d’énergie et d’émissions des gaz à effet de serre lors de la production et de l’application des revêtements. « Les enrobés à froid présentent une bonne durabilité dans
le temps » constate Joël Lesage du département de la Vendée. Il signale cependant « l’importance primordiale des bonnes conditions climatiques pour la mise en oeuvre de ce type de revêtement ». Sur le marché, des liants organo-minéraux et non-bitumineux, à haute qualité environnementale, émergent. L’Aqualiant© de Colas, présent dans les revêtements Urbalith© et Minéralith© en est un exemple. Ce liant, adapté aux chaussées à faible trafic (inférieur à 1 500 véhicules par jour), s’est vu décerner le label « innocuité environnementale » par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), le désignant comme une solution adaptée aux sites classés et aux zones Natura 2000.
70 % – C’est le taux de plastique recyclé intégré dans une piste cyclable de 30 m aux Pays-Bas. Cela correspond à 218 000 gobelets en plastique ou un demi-million de bouchons de bouteille. Formé à partir de modules préfabriqués, cet aménagement innovant se transporte facilement et s’installe rapidement. Il s’agit d’une technologie complète qui permet de drainer l’eau et dispose également de capteurs pour différents paramètres : température, compteur vélo et usure de la route.
Comment faire face aux contraintes naturelles ?
Une fois mis en oeuvre, le revêtement est soumis aux évolutions de son environnement proche : inondations, racines, sécheresse, usage… Retours d’expériences et conseils d’aménagement apportent des solutions concrètes pour assurer la pérennité de ces revêtements.
L’eau, contrainte principale pour le revêtement
« Les enrobés, enduits ou bétons sont plus résilients face aux inondations, souligne Valérie Bréhier-Jaunâtre du département de Loire-Atlantique. De manière générale, il faut éviter le sable
stabilisé qui peut facilement s’arracher selon la manière dont la crue se retire. Le stabilisé renforcé avec liant hyper pouzzolanique semble être assez résistant comme le montre l’exemple le long
de La Loire à Vélo. » Un autre conseil ? « Les pistes cyclables ont été réalisées avec une pente unilatérale de 3 % afin que l’eau s’écoule sur les côtés et ne stagne pas sur le revêtement. Il est
également conseillé de surélever légèrement la chaussée par rapport aux abords et d’y mettre de la végétation afin que l’eau y pénètre directement » partage Christophe Jarraud du Grand
Parc Miribel Jonage dans la métropole de Lyon. Les itinéraires cyclables se situent souvent en bord de berges et l’érosion de ces dernières affecte directement la structure de la chaussée. Ainsi dans le Doubs, « une portion de l’EuroVelo 6 a dû être réaménagée directement à la suite d’effondrements » explique Stéphane Chrétien du Département. Comment éviter ces mésaventures ? Voies navigables de France conseille de restaurer les berges avec une technique de génie végétal, utilisant des hélophytes, dont les racines sont dans l’eau et les parties foliaires sont aériennes. Hormis les deux premières années lors de la reprise du développement des végétaux, les berges restaurées en technique végétale ne nécessitent pas plus qu’un entretien simple et annuel. Elles présentent alors un attrait paysager et écologique indéniable pour la voie d’eau et les itinéraires cyclables qui les bordent.
Le choix du revêtement, avant tout une histoire de compromis
Le maître d’ouvrage doit prendre en compte de nombreux critères lors du choix du revêtement, dont voici les quatre principaux.
Critères environnementaux
- Impact sur le milieu naturel et le réseau hydrographique pendant le chantier
- Comportement du revêtement avec l’eau
- Intégration paysagère de l’aménagement
- Durée de vie de l’aménagement et évolution
Critères économiques
- Coût maximum du mètre linéaire
- Coût de l’entretien
- Pérennité
- Balance entre dépenses d’investissement et de fonctionnement
Critères d’usages
- Adaptation aux usages
- Niveau de service, confort et sécurité
- Cohabitation possible
- Capacité du revêtement à orienter ou favoriser un type de fréquentation
Critères géographiques
- Mise en oeuvre du revêtement
- Portance du sol
- Accessibilité des véhicules de chantier
- Approvisionnement et acheminement des matériaux
- Présence de forte pente
Racines et sécheresses : comment limiter la création de fissures ?
Il n’existe pas de solution miracle contre les racines qui génèrent l’insécurité et l’inconfort pour les
usagers. Quelques préconisations sont cependant de mise. Agir sur la structure de chaussée en
décaissant la chaussée d’au moins 60 cm, ajouter du géotextile, choisir des essences d’arbres aux racines pivotantes ou rendre la structure « drainante » avec un empierrement de grosse granulométrie limiteraient l’apparition de racines dans la couche de surface. La sécheresse a également des effets sur le revêtement : des fissures profondes et longues peuvent apparaître. Face à cet enjeu, le département de la Vendée a expérimenté des solutions : « Dans une zone de marais, très sensible à la sécheresse, un essai a été réalisé fin 2016 : des géogrilles ont
été installées sous l’empierrement pour favoriser le maintien de la fissure sous la fondation. Le coût de la géogrille (5,50 €/m²) est important mais la solution assure a priori la pérennité du revêtement » témoigne Joël Lesage.
Assurer la résilience du réseau dans son ensemble
Penser la résilience de l’aménagement sur une portion stratégique est primordial et doit s’accompagner d’une réflexion sur l’ensemble de l’itinéraire. L’objectif est d’assurer la continuité cyclable malgré les aléas du quotidien ou à la suite d’évènements climatiques importants. Voies enherbées, inondées ou embûchées… de nombreux itinéraires subissent des aléas qui limitent leur praticabilité et leur usage. L’entretien de l’aménagement impacte directement l’usage et sélectionne le profil des usagers. « La connectivité d’un réseau fait partie intégrante de sa stratégie de résilience » explique Julien Dubois, vantant le mérite des variantes ou de la connexion
avec le réseau de trains en cas de coupure d’un itinéraire pour assurer la continuité cyclable. Être
davantage réactif face aux dégâts, c’est l’objectif visé par la Loire-Atlantique, qui fait partie de l’expérimentation d’un système d’alertes mené le long de l’EV1 – La Vélodyssée dans le cadre du projet AtlanticOnBike. Réalisé par Vélo & Territoires, l’outil permet aux usagers de signaler des anomalies ou incidents sur le parcours qui remontent directement au maître d’ouvrage. « Nous essayons également de développer des onglets d’informations ou bandeaux qui s’affichent en cas d’évènements majeurs sur le site Internet du Département ou de l’itinéraire concerné » poursuit Valérie Bréhier-Jaunâtre. Malgré le déploiement d’outils et de différentes solutions, Julien Dubois partage un constat : « Le niveau de maintenance et d’entretien est souvent plus élevé sur les voies partagées ». Assurer maintenance et entretien de ces infrastructures dès le départ facilite les déplacements à vélo pour tous, quel que soit leur usage. Pour des aménagements inclusifs, le revêtement doit également convenir à un usage pour des personnes à mobilité réduite où l’avantage revient à des revêtements roulants comme l’enrobé. « Les réseaux de voies vertes sont souvent une des seules infrastructures de transport à la portée des personnes en situation de précarité sociale » complète le président de l’AF3V.
Qu’est-ce que la résilience ?
Un territoire résilient a la capacité d’anticiper, de réagir et de s’adapter pour se développer durablement, quelles que soient les perturbations auxquelles il doit faire face. Les nouvelles trajectoires sont idéalement définies et mises en oeuvre collectivement. La Banque mondiale estime qu’un euro investi dans la prévention des risques naturels permet d’économiser sept euros après crise.
Propos recueillis par Aurélia Hild
En savoir plus :
Fiche-action n°9 : Revêtements des aménagements cyclables à télécharger sur le site Internet de Vélo & Territoires (réservée aux adhérents)