Points de vue étrangers sur le tourisme à vélo en France
Un Hollandais et un Italien étaient invités à la tribune du Club itinéraires le 4 octobre à La Rochelle pour livrer leur regard sur l’offre vélo en France. Échanges avec Pierpaolo Romio, PDG de Girolibero et Thijs Hartog, directeur d’Aktiva Tours, deux tours-opérateurs étrangers spécialisés dans le tourisme à vélo.
- Quels types de séjours vélo proposez-vous en France ?
Thijs Hartog : Sur les 4000 clients que nous accompagnons chaque année, 500 voyagent en France, notre 3e destination après l’Allemagne et l’Autriche. Notre offre se divise en trois formules : le circuit en séjour avec hébergement fixe qui permet des excursions à la journée ; le circuit en boucle avec retour au point de départ à la fin du séjour, et le circuit « one way » le long d’un itinéraire. Notre clientèle est composée à 70 % d’individuels et à 30 % de groupes.
Pierpaolo Romio : À l’inverse de mon collègue néerlandais, nous nous positionnons plutôt sur les séjours en groupe. Nous accompagnons chaque année 15 000 clients et disposons d’une flotte de 2000 vélos. En 2017, 2600 voyageurs sont partis en France, ce qui la place dans le top 5 de nos destinations proposées (sur environ 35 destinations). Depuis deux ans, la France a fait de nombreux efforts sur l’aménagement de ses itinéraires cyclables ce qui a surement eu un effet positif sur nos ventes en France. Sur place, nous disposons de trois bases opérationnelles : une à Paris, une dans la région des Châteaux de la Loire et une en Provence. Chacune dotée de nos propres vélos et minibus. En Provence, nous proposons une autre façon de découvrir le territoire qui plait beaucoup : la combinaison bateau-vélo. Nous louons pour ce faire des péniches de 20/25 personnes avec équipage à des opérateurs sur place pour offrir à nos clients des produits combinés.
- Quels services proposez-vous à vos clients ?
TH : Notre objectif est d’assurer des services de qualité aux cyclistes. Nous organisons donc l’acheminement des cyclistes vers l’itinéraire, les transferts pendant le séjour, l’hébergement, le transport des bagages et le retour. Nous nous sommes équipés de remorques d’une vingtaine de mètres qui peuvent transporter jusqu’à 40 vélos. Nos clients ont la possibilité de louer des vélos ou d’amener les leurs. Sur les circuits « one way », nous avons également mis un place une hotline SOS en cas de problème, sur laquelle les voyageurs peuvent nous joindre 24h/24.
PR : Grâce à nos propres bases opérationnelles sur le terrain, nous accompagnons directement nos voyageurs tout au long de leur séjour. À l’instar de mon collègue hollandais, nous mettons tout en œuvre pour assurer un confort optimal aux voyageurs, via le transport de bagages, l’organisation des transferts et la réservation des hébergements. Nous assurons également la maintenance de nos vélos si besoin.
- Selon vous, quelles sont les forces et faiblesses de la destination France ?
TH : La France, de par sa culture et la diversité de ses territoires, jouit d’une très bonne image auprès de nos clientèles. L’aura internationale du Tour de France conforte cette attractivité et résonne beaucoup dans l’imaginaire des cyclistes. Malheureusement, le manque d’infrastructures dédiées et sécurisées et la faiblesse des transports publics représentent un frein. Il est compliqué d’acheminer les cyclistes sur les itinéraires en TGV faute de places dédiées aux vélos. La sur-fréquentation de certains itinéraires pose également problème et ralentit nos perspectives de développement.
PR : La principale force de la destination France réside évidemment dans la richesse et la variété de ses patrimoines. Le développement et la structuration du réseau cyclable nous permettent d’organiser des circuits autour de la découverte de ces patrimoines en capitalisant sur l’attractivité de destinations comme la Provence ou la Loire. Cependant, au-delà du manque d’infrastructures mentionné par Thijs, nous déplorons des carences en termes d’accueil : une mauvaise maîtrise des langues étrangères par les opérateurs touristiques et des établissements touristiques autour des principaux sites d’intérêt souvent fermés en pleine saison estivale. À cela s’ajoute des prix assez élevés par rapport au même niveau de services en Italie.
- Comment améliorer la qualité de la destination France ?
TH : Comme je l’évoquais, l’État et les collectivités doivent investir dans l’aménagement d’itinéraires cyclables en site propre. Il est très important pour nos clients de se sentir en sécurité, donc sur des aménagements cyclables dédiés. Des efforts sont à mener en termes de signalisation, car parfois, elle est difficilement compréhensible par les touristes étrangers. Pourquoi ne pas par exemple utiliser un système de points nœuds comme aux Pays-Bas ? Les carrefours et intersections y sont numérotés et référencés sur des panneaux d’informations aux points de jonction. Ainsi, même sans connaissance de la langue française, il est facile de se repérer et d’organiser son parcours. Enfin, en termes de services, nous sommes demandeurs de stationnements vélo sécurisés dans les hébergements et sites d’intérêt touristique, équipés de recharges pour les batteries des vélos à assistance électrique. Si tous ces critères étaient réunis, vous pourriez vous attendre à des arrivées massives de touristes étrangers à vélo !
PR : Mon homologue en a déjà beaucoup dit ! Je rajouterai le travail à effectuer sur l’amélioration de l’accueil, même si cet aspect ne concerne pas uniquement le tourisme à vélo mais toutes les filières touristiques. Car si c’est une chose de faire venir les touristes en France, c’en est une autre de les faire revenir !
Propos recueillis par Théo Vintaer