Push&Pull – La gestion du stationnement au service de la mobilité durable
Extrait de Vélo & Territoires 47
En France, la réforme du stationnement payant n’est désormais plus qu’une question de temps. Ailleurs en Europe, l’expérience PUSH&PULL démontre d’ailleurs déjà tout ce que les collectivités ont à gagner en s’engageant sur ce sujet. Explications.
Les chiffres ont depuis longtemps de quoi interpeller. En Europe, 95 % du temps, une voiture particulière est… garée. Mieux : selon une étude de l’ITDP (Institut pour les politiques de transport et de développement), en 2011, environ 50 % de la circulation était imputable à des automobilistes à la recherche… d’une place de stationnement. Coûts supplémentaires pour les conducteurs, en temps comme en carburant, augmentation de la pollution de l’air, de la nuisance sonore et des accidents… La somme des externalités négatives pour l’ensemble de la société n’est plus à démontrer. Du fait de sa rareté, l’espace public urbain est devenu une source de conflits. Par quel bout faut-il donc prendre cette épineuse question du stationnement ?
Enjeu
« Il s’agit d’un sujet délicat mais crucial, autant pour récupérer de l’espace public que pour changer les comportements » souligne Robert Pressl, coordinateur de PUSH&PULL. PUSH&PULL ? Conduit de mars 2014 à février 2017 par huit villes ou institutions européennes, ce projet financé à 75 % par le programme Intelligent Energy Europe « vise à jouer à la fois sur la contrainte et sur l’incitation, en combinant des actions “ PUSH “ de gestion du stationnement avec des mesures “ PULL “ issues du management de la mobilité ». En clair, les mesures « PUSH » – « pousser », en anglais – diminuent les privilèges accordés à la voiture. Comment ? En étendant une zone de stationnement payant ou en l’introduisant pour les résidents, en augmentant les tarifs, en réduisant le nombre de places, etc. À côté, les mesures « PULL » – « tirer », en anglais –, se traduisent quant à elles par l’amélioration des transports publics et du maillage cyclable, le développement du stationnement vélo, ou encore la sensibilisation aux modes de déplacements alternatifs à la voiture particulière pour provoquer un changement de comportement des automobilistes. « L’enjeu ne se limite pas au seul produit financier, rappelle Robert Pressl. Une bonne gestion du stationnement se révèle être un atout-clé dans les villes. Cela libère de l’espace public, soutient l’économie locale, réduit les consommations d’énergie grâce au report modal de la voiture vers des modes doux tout en rendant les villes plus attractives ».
Atouts
Développer des alternatives à l’utilisation des voitures, contribuer à lever des fonds pour les communes ou les intercommunalités sans augmenter la pression fiscale sur les résidents : la liste des atouts de l’approche PUSH&PULL apparaît conséquente. « Sa mise en place est peu coûteuse et les recettes sont collectées là où le comportement devrait être changé » renchérit Robert Pressl. Les recettes liées au stationnement ? Elles sont utilisées pour financer non seulement sa gestion (en personnel, en infrastructure ou en technologie), mais aussi les mesures incitatives ainsi que le budget général de la collectivité. Une fois ce cercle vertueux mis en oeuvre, un mécanisme de financement pérenne s’installe. Dégager un budget chaque année n’est dès lors plus une nécessité, et l’important potentiel d’accroissement des revenus des collectivités profite de fait aux politiques de mobilité.
Arguments
Restreindre le stationnement est souvent impopulaire, surtout auprès de ceux qui perdent ainsi un accès privilégié à un parking gratuit ou à une place réservée. D’où l’importance de com-muniquer non seulement sur les changements en termes de stationnement – ayant plutôt un effet dissuasif sur les automobilistes -, mais aussi sur les engagements en faveur de la mobilité durable, de la sécurité, de la qualité de vie et de l’attractivité de la ville. « Bien évidem-ment les arguments les plus convaincants varient selon la ville » explique Robert Pressl. Ainsi, la survie des commerces locaux et, par là même, le maintien d’une qualité de vie et d’un cadre social local, demeurent l’un des enjeux de l’époque. De nombreuses études européennes montrent en effet que les commerces de centre-ville vivent surtout grâce aux piétons et aux cyclistes, une clientèle régulière et fidèle avec un panier d’achat hebdomadaire au montant plus élevé que celui des automobilistes. La mise en oeuvre des mesures PUSH&PULL, véritable levier pour redynamiser le centre-ville, s’accompagne donc de campagnes d’information sur les bénéfices attendus, ainsi que par une sensibilisation aux alternatives à la voiture.
France
En France, le projet PUSH&PULL attend encore son heure, en raison notamment de « la barrière linguistique » (dixit Robert Pressl) mais aussi de carences tant en interlocuteurs qu’en villes pilotes. Ceci posé, une véritable révolution guette à terme sur l’Hexagone les 840 collectivités pratiquant aujourd’hui le stationnement payant sur voirie. En instaurant la dépénalisation et la décentralisation de ce stationnement, la Loi Maptam (Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) du 27 janvier 2014 confie, à compter du 1er janvier 2018, aux maires ou présidents d’EPCI la maîtrise complète de cette politique. « L’idée initiale était de rapprocher les politiques de mobilité et celles de stationnement, qui manquent encore de lien aujourd’hui » se remémore Romain Cipolla, responsable du Pôle mobilité durable du Gart (Groupement des autorités respon-sables des transports), l’un des porteurs de la réforme. Ce nouveau dispositif donne davantage de compétences aux collectivités locales pour mettre en oeuvre un vrai service public du station-nement, en lieu et place d’une organisation pénale identique sur l’ensemble du territoire. L’usager s’acquittera désormais d’une redevance d’utilisation de l’espace public. De leur côté, les collec-tivités peuvent dorénavant décider à quel échelon sera exercé le pouvoir de police en matière de circulation et de stationnement, choisir l’organisation (surveillance par la collectivité ou exter-nalisée), mais aussi déterminer le barème tarifaire et le montant du FPS (Forfait de post-stationnement). « Ce dernier doit être compatible avec le PDU et ses recettes seront dédiées au développement de la mobilité durable » poursuit Romain Cipolla. Les effets attendus ? « Les deux premières années seront consacrées à la mise en place du nouveau dispositif pour assurer le fonctionnement du mécanisme. À terme, ce dispositif permettra aux communes et aux intercom-munalités de faire du stationnement un outil efficace au service à la fois d’un meilleur partage de l’espace public, mais aussi des politiques de mobilité durable et d’amélioration de la qualité de l’air ».
Un exemple belge
À Gand (Belgique), l’entreprise compétente pour l’organisation du stationnement a par exemple fusionné en 2012 avec le service mobilité de la ville pour former une société de mobilité.
Détenue à 100 % par la ville, l’entreprise est responsable vis-à-vis d’elle, mais autonome quant à son budget, celui-ci étant principalement alimenté par des recettes liées au stationnement. Cette coopération permet d’investir de manière stratégique et pérenne dans la mobilité durable au-delà des échéances électorales. Un plan de mobilité urbaine durable, un nouveau schéma de station-nement et de circulation intégré au plan de mobilité, un programme de “rues vivantes” ouvert aux suggestions des citoyens et un stationnement vélo à moins de 100 m de chaque logement sont les premiers fruits de la politique PUSH&PULL à Gand. Un investissement coûteux ? Au contraire. En 2014, les recettes s’élevaient à 26 millions d’euros, 42 % de ce montant étant attribués à la mobilité durable.
Pour en savoir plus : http://push-pull-parking.eu et www.gart.org
Anthony Diao et Dorothée Franke