Les Landes, territoire cyclable
Deuxième plus vaste département de France après la Gironde et véritable eldorado des cyclistes itinérants pendant la saison estivale, les Landes travaillent la question cyclable douze mois sur douze, et de longue date. Le point sur une collectivité incontournable tant au niveau national qu’européen.
Entretiens avec :
- Paul Carrère, vice-président du conseil départemental, chargé de l’Environnement,
- Yves Lahoun, vice-président du conseil départemental, délégué aux Départements & Régions Cyclables,
- Frédérique Lémont, directrice de l’Environnement au conseil départemental,
- Sylvie Saint-Sevin, chargée du cyclable à la direction de l’Environnement du département des Landes,
- Carine Lux, directrice adjointe du CDT des Landes
À quand remonte le déclic vélo sur le territoire du conseil départemental des Landes ?
À l’année 2006, sans aucun doute, même si la politique départementale en faveur du vélo s’est mise en place dès le milieu des années quatre-vingt. Le Département a choisi de lancer son Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (en trente ans, 3 500 km ont été balisés dont 422 km sont dédiés aux circuits VTT ), mais aussi d’accompagner les travaux sur les infrastructures routières par la création d’itinéraires cyclables attenants, notamment sur la façade littorale. L’adoption du premier schéma départemental cyclable en 2006, et son règlement d’aides financières, ont été une étape décisive.
Quel était l’objectif poursuivi ?
L’orientation politique était claire. Il s’agissait de favoriser la pratique du vélo sur les territoires – à la fois pour l’usage touristique, récréatif et quotidien – en structurant les axes selon trois niveaux d’intérêt : d’abord les grands axes itinérants d’intérêt régional, ensuite les liaisons d’intérêt départemental, et enfin les maillages locaux.
Comment s’articulent ces trois niveaux d’intérêt ?
Le Département a activé un levier incitatif, à savoir une aide financière aux travaux. Celle-ci était réservée à une maîtrise d’ouvrage intercommunale et conditionnée par la définition d’un maillage continu et sécurisé d’itinéraires cyclables desservant les pôles structurants des territoires.
Quel effet cela a-t-il eu sur les territoires concernés ?
Cette orientation a incité les territoires intercommunaux à s’emparer de la compétence et à travailler sur la création d’itinéraires, l’idée étant de parvenir à relier les bourgs et les équipements (centre bourg, établissements scolaires, pôles sportifs ou de loisirs, etc.).
Pour quels résultats ?
Couplé à une aide financière complémentaire de la Région et de l’Europe dans le cadre de la programmation 2007-2013, le linéaire cyclable en site propre dans les Landes a presque triplé en dix ans ! À ce jour, les deux agglomérations de Dax et Mont-de-Marsan et huit communautés de communes sur les quinze EPCI que comptent les Landes assurent cette compétence cyclable, couvrant ainsi près de 70 % de la population landaise. Même si le Département continue d’assurer la maîtrise d’ouvrage directe de certaines opérations spécifiques, ce sont maintenant les territoires qui portent, avec l’appui financier et technique du Département, la plupart des études de faisabilité et des travaux de création d’itinéraires.
Quelles sont les caractéristiques géographiques à prendre en compte pour la mise en place de cette politique cyclable ?
La topographie départementale a permis le déploiement d’itinéraires faciles, aux dénivelés accessibles pour tout public, se déroulant au milieu des pins du vaste massif des Landes de Gascogne. Ceci posé, les distances du plateau forestier qui peuvent se traduire parfois par une impression de monotonie (ce n’est qu’une impression !) ou les dénivelés des coteaux de Chalosse, en piémont pyrénéen, dont certaines côtes n’ont rien à envier aux conditions de montagne, offrent aussi de beaux challenges pour les adeptes du vélo sportif. Il est important de rappeler également l’existence dans les Landes d’un maillage ferroviaire historique important (400 km), lié à son activité forestière d’avant-guerre, et souvent resté propriété du Département ou des communes, hormis certaines traversées de bourgs. Le choix a donc été fait dès 2006 de remobiliser ce foncier pour en faire des itinéraires cyclables structurants, reliant les principaux pôles départementaux.
Comment vous y êtes-vous pris ?
Une attention particulière a été portée sur le fait de parvenir à concilier les usages, car développer la pratique cyclable et les itinéraires dédiés au cœur d’un département rural tel que les Landes passe aussi par une bonne concertation, garante de l’acceptabilité des projets et des pratiques. Ainsi, les associations communales de chasseurs, les propriétaires et les gestionnaires forestiers, les associations de défense de la forêt contre les incendies ou les agriculteurs sont des interlocuteurs systématiquement associés et consultés dans les projets cyclables. Ils sont en effet les premiers à pouvoir en bénéficier en termes de retombées touristiques !
Quel revêtement privilégiez-vous ?
L’enrobé est généralement privilégié, pour un confort et un accès facilité à tous les modes doux. Exceptionnellement, en 2015, le Département a aménagé sur environ 8 km une voie verte revêtue en grave émulsion pour une meilleure intégration le long du fleuve Adour. Il faut également noter qu’actuellement deux voies vertes départementales sont empierrées sur environ 50 km. Mais la dynamique de projets autour de La Scandibérique – ainsi que les cofinancements européens et régionaux attendus dans ce cadre ! – permet d’envisager à court terme des travaux pour revêtir une des sections sur environ 25 km.
Qu’en est-il de l’harmonisation de la signalétique ?
En tant que partenaire technique et financier des EPCI , le Département incite les territoires à privilégier l’usage du bois en milieu naturel. Ailleurs, c’est une signalisation de police et d’information en acier galvanisé sur support lui aussi en acier galvanisé ou peint qui est retenue. Actuellement, la signalisation de la continuité des 195 km de La Scandibérique est en cours de pose conformément au guide de signalisation directionnelle décliné au niveau national pour identifier cet itinéraire. La signalisation est donc harmonisée, mais ses supports varient selon les milieux traversés.
Quel budget le Département consacre-t-il à la mise en oeuvre de cette politique cyclable ?
Le Département consacre en moyenne près de 1 million d’euros par an à sa politique cyclable. Ce budget annuel intègre non seulement les subventions départementales attribuées aux EPCI maîtres d’ouvrage – ou à l’Office national des forêts, lorsque le projet est situé en forêt domaniale sur la côte landaise – mais aussi les frais liés, d’une part, à la valorisation des itinéraires par la réalisation en régie des guides cartographiques de découverte des itinéraires vélo et, d’autre part, à l’acquisition, la pose et l’exploitation de compteurs. Un parc de 40 compteurs est déployé depuis 2015.
Comment se sont répartis ces investissements ?
Depuis 2006, année d’adoption du schéma départemental cyclable, le Département a subventionné 52 opérations pour un montant global d’environ 6 millions d’euros, correspondant à un montant total de travaux réalisés de plus de 25 millions d’euros. À cela s’ajoutent les opérations portées en maîtrise d’ouvrage départementale et se traduisant par exemple, comme en 2015, par un budget dédié de 4,7 millions d’euros supplémentaires.
Combien de kilomètres ont été réalisés à ce jour ?
Au 1er janvier 2017, le territoire comptabilise 588 km de pistes cyclables ou voies vertes, dont 135 km de voies vertes départementales, et plus de 2 000 km d’itinéraires balisés sur petites routes, répartis en 25 circuits cyclotouristiques départementaux.
Quels sont les projets à court ou moyen terme ?
Dans les prochains mois, les travaux planifiés et les études en cours portées par deux EPCI , totalisant un linéaire global en projet de plus de 100 km, viendront s’ajouter prochainement au réseau cyclable des Landes. Mais le projet phare de 2017-2018 est sans aucun doute celui de La Scandibérique / EuroVelo 3, qui traverse les Landes sur 195 km.
Quelle incidence a la réforme territoriale sur ces financements ?
Les dispositifs de soutien mis en place en 2006 par le Département incitant les intercommunalités à prendre la compétence vélo permettent aux Landes d’être structurées pour continuer à développer le cyclable. En 2009, le schéma cyclable départemental a été inscrit au PDESI (Plan départemental des espaces sites et itinéraires), légitimant le Département comme partenaire et soutien des projets, qui font donc l’objet d’une présentation pour avis à la commission du Plan (CDESI ), avant attribution d’une subvention départementale.
Quid des itinéraires européens ?
Le Département bénéficie effectivement du passage sur son territoire de deux grands itinéraires européens inscrits au Schéma national des véloroutes et voies vertes ainsi que dans sa déclinaison régionale. L’EuroVelo 1 / La Vélodyssée et l’EuroVelo 3 / La Scandibérique sont des axes structurants, autour desquels il est plus facile de créer une dynamique partenariale de projet et de mise en tourisme. C’est un atout certain, sur lequel s’appuie l’animation territoriale du Département et du comité départemental du Tourisme (CDT ) pour faire adhérer les acteurs des territoires au développement du vélo. Ces derniers vont des élus locaux aux gestionnaires de services pouvant être labellisés Accueil Vélo : hébergements, restauration, sites patrimoniaux, etc.
Comment se passe la concertation avec les collectivités voisines pour la mise en place d’itinéraires européens comme La Vélodyssée ou La Scandibérique ?
Convaincus de l’intérêt d’une démarche mutualisée, le Département et le CDT ont tout de suite adhéré aux deux démarches de coordination nationale menées pour La Vélodyssée et La Scandibérique, d’autant que celles-ci restent pertinentes même une fois l’itinéraire lancé ! Car la mise en tourisme porte ses fruits si elle est de qualité, mais surtout cohérente et coordonnée à l’échelle de l’itinérance : le cycliste itinérant n’a pas à se préoccuper des limites administratives ! Nous participons ainsi activement aux deux comités d’itinéraire et aux
comités techniques thématiques créés dans ce cadre.
De quelle manière ?
L’idée a été de décliner la méthode de coordination nationale à l’échelle départementale par une déclinaison territoriale qui fait sens pour les acteurs locaux. Ainsi, pour la mise en oeuvre de La Scandibérique, sept comités de territoire (un par EPCI traversé) ont été créés, rassemblant des référents élus, techniciens, professionnels de chaque composante du territoire (collectivités, offices de tourisme, associations d’usagers, professionnels de l’accueil touristique…). Ces comités de territoire ont arrêté le tracé de l’itinéraire sur la base d’une grille multicritère. Le comité de pilotage départemental assure la validation de l’ensemble. Va désormais s’engager, sous l’égide du CDT , l’inventaire des services labellisables Accueil Vélo ou utiles à la pratique du vélo. La mise en oeuvre de la signalisation touristique pourra ainsi suivre, le challenge étant d’être prêt pour le lancement officiel mi-2018. La coordination est également organisée avec les départements limitrophes concernés que sont le Lot-et-Garonne (Nouvelle-Aquitaine) pour la connexion au nord-est, les Pyrénées -Atlantiques (Nouvelle-Aquitaine) pour la connexion au sud-ouest, et le Gers (Occitanie), traversé sur 8 km, à l’est.
Disposez-vous de données de comptage sur vos véloroutes ?
À ce jour, les compteurs disposés sur les voies vertes départementales montrent une forte fréquentation à proximité des agglomérations et des villes, de l’ordre de plus de 100 000 usagers/an. Les sections empierrées et donc non revêtues sont moins fréquentées. Par ailleurs
un partenariat avec la région Nouvelle-Aquitaine, les communautés de communes littorales et le Département a été mis en place pour assurer l’acquisition, la gestion et l’exploitation des quinze compteurs déployés sur les itinéraires du littoral.
Quelles tendances ces mesures révèlent-elles ?
Dès 2013, le CDT des Landes a mené sur le tracé landais de La Vélodyssée des enquêtes de fréquentation qualitative. La dernière en date est celle de 2015, conjointement menée par trois autres départements traversés par l’EuroVelo 1 : la Vendée, la Loire-Atlantique et la Charente-Maritime. La dépense globale moyenne par jour et par personne est estimée à 65 euros. Le profil de l’itinérant à vélo est un couple de cadres ou de retraités âgés de 50 à 65 ans, privilégiant pour
se loger dans les Landes l’hôtel, le camping ou les chambres d’hôtes. 72 % sont Français, les autres clientèles venant du Royaume-Uni, d’Espagne ou des Pays-Bas. La présence de services (points d’eau, toilettes, aires de pique-nique) ainsi que les transports pour accéder à l’itinéraire ou en revenir sont des items signalés sur chacune des enquêtes réalisées. Ce sont des pistes d’amélioration à travailler !
Comment communiquez-vous autour de ces thématiques ?
Le mot d’ordre est : les Landes destination Vélo ! La communication se décline pour toutes les pratiques, que ce soit comme mode de déplacement doux sur son lieu de résidence, de vacances ou en itinérance à travers les Landes. Le Département compile la base de données cartographiques des linéaires d’itinéraires, des points de services et de découvertes, et se charge de la création et de l’édition des guides dédiés dont deux nouvelles éditions sont prévues pour mars 2017. Le CDT en assure la gestion des stocks et la diffusion auprès des offices de tourisme du territoire ou dans les points presse et les librairies du département. À raison de 2 € le guide, 50 000 guides ont été écoulés en deux ans.
Que représente pour le Département la participation à un réseau comme celui des DRC ?
La mise en oeuvre de cette politique s’est effectivement accompagnée de l’adhésion du Département aux DRC , de façon à bénéficier de son réseau d’échanges, de retours d’expériences et d’expertises. Celui-ci s’avère particulièrement utile à la mise en oeuvre de projets aussi complets – montage des dossiers règlementaires, choix techniques d’aménagement, intégrations paysagères, mise en tourisme, etc. Les rencontres annuelles et les échanges tout au long de l’année confortent les deux agents du service cyclable du Département et permettent aux élus référents de mesurer la dynamique de projets sur d’autres territoires.
Les Landes en bref
Préfecture : Mont-de-Marsan
Superficie : 9 243 km²
Population : 414 090 habitants
Densité : 43 hab./km²
Président : Henri Emmanuelli
Pour en savoir plus : www.landes.fr et www.tourismelandes.com
www.lavelodyssee.com et eurovelo3.fr/la-scandiberique
Propos recueillis par Anthony Diao