La V30, véloroute de la Somme à la Marne – Un maillon structurant en cours d’aménagement
Extrait de Vélo & Territoires 45
De la baie à la vallée de la Somme, de la cathédrale d’Amiens à celle de Reims en passant par l’abbaye de Vauclair, le chemin des Dames et les coteaux et caves de Champagne… la V30, de Saint-Valéry-sur-Somme à Condé-sur-Marne, relie un patrimoine naturel et culturel d’exception sur 343 km. Quels sont les enjeux pour cette véloroute nationale qui traverse deux régions et trois départements ? Quelles sont ses perspectives de développement ? Portrait.
V30 : carte d’identité
Sur 343 km, de la baie de Somme à la Marne, la V30 parcourt les Hauts-de-France et une partie de la région Grand Est. Elle traverse deux villes, Amiens et Reims et des territoires ruraux le long de la vallée de la Somme, à proximité du chemin des Dames, le long du canal de l’Aisne à la Marne et dans les coteaux champenois. La V30 est un itinéraire de connexion : elle relie l’EuroVelo 4 dans la baie de Somme, à l’EuroVelo 3 dans l’Aisne et la V52/Paris-Prague à Condé-sur-Marne. Cet itinéraire national, réalisé à 38 %, présente un avancement hétérogène d’un territoire à un autre.
Un développement à plusieurs vitesses
Alors que la V30 est avancée dans le départe-ment de la Somme (58 % de réalisé), elle enregistre 18 % et 28 % de sections réalisées res-pectivement dans l’Aisne et la Marne. Comment expliquer ces écarts ? La V30 dans le départe-ment de la Somme a bénéficié du coup d’accélé-rateur du Grand Projet Vallée de Somme de 2008 à 2015 et du statut structurant de cet axe à l’échelle du Département et de la Région. Les départements de l’Aisne et de la Marne ont, eux, priorisé d’autres itinéraires que la V30 au cours des dernières années : l’EuroVelo 3 dans l’Aisne et la V52 dans la Marne. Le projet de V30 n’y est pour autant pas mis de côté, bien au contraire, en témoignent les aménagements réalisés et projets en cours. L’aménagement de la V30 dans ces 3 départe-ments est avant tout question d’enjeux locaux. La V30 peine à convaincre de sa dimension nationale.
Enjeux départementaux
La grande majorité des territoires concernés par la V30 sont mobilisés à son sujet. Mais cette mobilisation est avant tout poussée par des enjeux locaux, voire départementaux. Difficile alors de dégager une vision globale pour cet itinéraire. Relier les points d’intérêt du territoire : c’est un premier fil rouge pour la V30. Qu’il s’agisse de diffuser l’attractivité de la baie de Somme et d’Amiens vers l’est du territoire pour la Somme, ou bien de relier des pôles touristiques majeurs pour l’Aisne (Center Parcs, abbaye de Vauclair, Coucy-le-Château, …) et la Marne (Reims, La Champagne à vélo, la vallée de la Marne, …), la V30 structure, diffuse et valorise les territoires qu’elle traverse. Maillage et connexion : voilà le deuxième atout de la V30. La véloroute de la Somme à la Marne connecte en effet les territoires entre eux. Au croisement d’itinéraires cyclables majeurs tels que l’EuroVelo 4 / Tours de Manche ou l’EuroVelo 3 / La Scandibérique, la V30 se connecte aussi à leurs clientèles, notamment en provenance du Benelux, de l’Angleterre ou de Paris par le sud. A l’est, la connexion avec la V52 / Paris-Prague intéresse aussi, d’autant plus qu’elle constitue une autre connexion vers Paris et l’EuroVelo 3. Ainsi, la V30 relie les territoires entre eux en même temps que leurs atouts. Une fois sa continuité garantie, elle représentera alors une nouvelle offre complémentaire des itinéraires déjà existants. D’autant plus qu’elle se connecte à la V32, de Lille à Paris, dont une partie est déjà développée en tant que Véloroute de la mémoire, opérationnelle d’Amiens à Arras.
Dans la Somme : une véloroute aménagée
Dans le département de la Somme, la V30 se nomme Véloroute de la Vallée de la Somme. Aménagés à 58 %, les 162 km de V30 ont fait l’objet d’importants investissements portés en parité par le Département et la Région, soutenus par l’Europe. La partie située sur le canal de la Somme de Saint-Valéry-sur-Somme à Péronne, dont le Département est gestionnaire, comporte les portions d’aménagement les plus importantes (73% de réalisé). Les emprises sont conti-nues dans leur totalité mais pas encore aménagées entièrement. Les sections réalisées présentent une largeur moyenne de 2,5 m revêtues en stabilisé renforcé, en dehors des zones à forte circu-lation et en agglomération qui sont enrobées au liant végétal. Les aménagements restant seront réalisés par tranches entre 2017 et 2020 sous maîtrise d’ouvrage départementale. Entre Péronne et Ham, la continuité pourrait être assurée par une section de 23 km le long du canal du Nord. Des négociations sont en cours entre le Département et Voies Navigables de France pour mettre en place une convention de superposition de gestion. Une autre section de 11 km sera nécessaire sur des voies à faible trafic pour atteindre Ham et la frontière avec l’Aisne.
La Véloroute fait également l’objet d’une signalisation directionnelle et touristique continue et homogène. Elle est valorisée sur le site Internet du Département, celui de Somme Tourisme et à travers un topoguide sorti en février 2016 aux éditions Ouest-France, La Somme en roue libre, de la source à la baie. La marque nationale Accueil Vélo est déployée dans 15 établissements label-lisés le long de l’itinéraire en octobre 2016, démarche qui va se poursuivre pendant l’hiver. Des maisons éclusières ont égale-ment été réhabilitées le long du parcours au service de la véloroute. L’objectif du Département ? Connecter la Véloroute de la Vallée de la Somme à l’Aisne avec à la fois le raccordement de l’itinéraire à l’EuroVelo 3 / La Scandibérique, et le rapprochement de la source de la Somme à Fonsomme, à proximité de Saint-Quentin. La Véloroute de la Vallée de la Somme est donc un projet particuliè-rement structurant dans la Somme, conduit avec une logique de valorisation du patrimoine naturel et paysager de la vallée. Le Département est à titre d’exemple nominé aux Victoires du Paysage pour la médiation paysagère, culturelle et historique mise en place tout au long de la vallée à travers des belvédères.
Dans l’Aisne : des projets en cours
La V30 dans l’Aisne représente 118 km dont 55% sont prévus en site propre et 45 % en site partagé. A ce jour, deux sections sont réalisées avec un concours financier de 50 % de la Région : l’une en superposition avec l’EuroVelo 3/La Scandibérique de Tergnier à Abbécourt (13 km) ; l’autre sur la Voie verte de l’Ailette entre Mo-nampteuil et l’abbaye de Vauclair (18 km). Ces deux sections sont promues sur le site départe-mental dédié à la randonnée. Les 87 km restant font l’objet d’une déclaration de projet en cours d’instruction auprès de la Direction départementale territoriale (DDT ), puisque leur impact envi-ronnemental appellera des mesures compensatoires. Sous réserve d’un avis favorable de la DDT , le Département pourra lancer une déclaration d’utilité publique avant d’engager les aména-gements, dont il est entièrement maître d’ouvrage sur des emprises départementales ou commu-nales. La priorité est actuellement mise sur la finalisation des aménagements relatifs à l’EuroVelo 3 par le Département. Par ailleurs, une autre déclaration d’utilité publique est en cours dans le sud du département sur la V52. Des arbitrages, notamment d’ordre budgétaire, devront ensuite être rendus, afin de planifier les futurs aménagements. La V30 suscite une attente locale forte, parce qu’elle connecte de nombreux points d’intérêt du territoire. Autre atout : l’itinéraire connecte l’Aisne au bassin de vie de Reims vers l’est et à l’attractivité de la côte picarde à l’ouest.
Dans la Marne : des priorités à redéfinir
De Cormicy à Condé-sur-Marne, la V30 dans la Marne s’étend sur 63 km dont 75% sont inscrits en site propre et 25% en site partagé. 17 km de V30 sont réalisés dans la Marne, soit l’intégralité de l’emprise sous maîtrise d’ouvrage de Reims Métropole, avec des cofinancements de la Région, de l’Etat et de l’Europe. L’itinéraire, dit “Coulée Verte”, fait l’objet d’une appellation et d’une signa-lisation directionnelle strictement locale et de Relais d’information service. Une étude de faisabilité a été produite sur les sections non-réalisées, sous maîtrise d’ouvrage départementale, qui sont par ailleurs inscrites dans le schéma départemental. Pour le moment, les itinéraires prioritaires à l’échelle départementales jusqu’en 2017 sont le tronçon de V52 de Dormans à Condésur-Marne et la section de V16 au sud du département. La Marne ne s’est pas engagée à ce jour sur les 2 sections de V30 à aménager que sont Cormicy<>Reims et Sillery<>Condé-sur-Marne. De plus, une section de l’itinéraire connaît un gros point dur. Au niveau de Billy-le-Grand, le canal y longe un tunnel souterrain sur 2 km où se croisent à proximité une autoroute, une voie ferrée et une voie rapide. Les itinéraires alternatifs se situent sur la montagne de Reims et présentent de forts dénivelés. A l’heure actuelle, les aménagements de la V30 dans la Marne se limitent donc aux frontières de l’agglomération de Reims qui va elle-même voir ses limites évoluer au 1er janvier 2017 en devenant communauté urbaine et en intégrant 144 communes. La V30 traverse les coteaux de Champagne, une destination déjà promue à l’échelle régionale : La Champagne à vélo. En l’absence de continuité, l’offre locale sur Reims Métropole fait l’objet d’une valorisation par le CRT Champagne-Ardenne, reprise par ailleurs dans le cadre d’une offre d’itinérance à vélo reliant les itinéraires en site propre entre eux par des voies à faible trafic. À titre d’illustration, l’itinéraire “De l’Ardenne à la Champagne par la Montagne de Reims” ne suit le tracé de la V30 qu’à Reims. Une fois continue, la V30 permettra de connecter la destination La Champagne à vélo aux principaux marchés émetteurs de touristes à vélo : l’Angleterre par la côte picarde, la Belgique, les Pays-Bas et Paris par l’EuroVelo 3. Ces liaisons seraient alors complémentaires de celles déjà envisagées vers le nord (Belgique et Pays-Bas) par la V34 puis La Meuse à Vélo, et vers Paris via la V52.
Des Régions mobilisées mais en reposition-nement
Les régions Hauts-de-France et Grand Est sont en recomposition, ce qui appelle à une conver-gence des dispositifs préexistants et une redé-finition des priorités régionales. Jusqu’ici, les deux Régions ont participé au financement des aménagements déjà réalisés sur la V30, à hauteur de 7 millions d’euros pour les Hauts-de-France et au titre du CPER pour la région Grand Est. Elles accompagnent aussi la promotion de leurs itinéraires cyclables. La région Hauts-de-France a lancé un appel à projet “Développer le vélotourisme en Picardie” en soutien au développement des services vélo dont la location. La région Grand Est anime la promotion de la destination La Champagne à vélo et la labellisation des services. Picardie et Champagne-Ardenne, fondues dans Hauts-de-France et Grand Est, avaient toutes deux des objectifs de réalisation de schémas régionaux véloroutes et voies vertes, dans lesquels les itinéraires européens et nationaux étaient prioritaires. A noter que l’intégration des nouveaux schémas régionaux des véloroutes et voies vertes dans les schémas prescriptifs des Régions, d’ici 2017 pour celui sur l’économie et l’innovation (SRDEII), et 2019 pour celui sur l’amé-nagement et le développement durable (SRADDET), confirmerait l’engagement des Régions sur ce sujet.
Objet de nombreuses initiatives locales, la V30 pourrait voir son avancement augmenter très rapidement au gré des projets d’amé-nagements des départements de la Somme et de l’Aisne principalement. Quelle sera alors la portée donnée à cet itinéraire de connexion et de liaison ? La nécessité d’une promotion et d’une identité propre à la V30 se fera-t-elle sentir ? L’avancement des aménagements en Hauts-de-France encouragera-t-il une réalisation plus rapide en Grand Est ? Quoi qu’il arrive, la réussite de la V30 dépendra de la vision partagée des parties prenantes autour du projet.
Agathe Daudibon