Entre Saône et Moselle, la V50 cherche sa voie
Extrait de Vélo & Territoires 44
700 km de la frontière luxembourgeoise jusqu’à Lyon, 75 % de réalisés et une bonne partie de continuité : la V50 ne part pas de rien. Pourtant, la réalisation de cet itinéraire national d’Apach à Lyon, le long de la Moselle et de la Saône, a quelques défis à relever. Entre définition du périmètre géographique, multiplicité d’identités et absence de gouvernance d’ensemble, la véloroute cherche ses marques. Et il en faudrait peu pour qu’elle les trouve…
Un nouvel axe nord-sud
La V50 achèvera de mailler la partie orientale de la France du nord au sud, de la Moselle au Rhône, et même jusqu’à la Méditerranée, si l’on poursuit après Lyon sur la ViaRhôna. Cette véloroute relie directement les pays émetteurs de cyclotouristes (Allemagne, Benelux…) à la Bourgogne et au Rhône, en passant par les Vosges et la Haute-Saône. Pour ces derniers, la V50 constitue le seul itinéraire cyclable national. Au-delà de son intérêt pour le réseau cyclable français, l’itinéraire présente de nombreux attraits. Vallée de la Moselle, liaison Metz – Nancy, canal des Vosges puis vallée de la Saône via Chalon-sur-Saône, Mâcon et enfin Lyon… différentes portes d’entrées donc et l’eau pour fil conducteur. Le caractère fluvial marque fortement cet itinéraire, même si d’autres lui préfèrent une identité historique “Charles le Téméraire”. Ce manque de consensus sur l’identité de la V50 impacte directement son tracé et génère des confusions.
Itinéraire fluvial ou historique ?
L’idée d’un itinéraire de la frontière luxembourgeoise à Lyon émerge avec le CIADT du 15 décembre 1998 et l’adoption du premier Schéma national des véloroutes et voies vertes. Le numéro 50 sera attribué en 2010 avec l’actualisation de ce schéma. Cet itinéraire national se pare de caractéristiques européennes… selon deux versions. On peut prendre l’itinéraire V50 sous son prisme fluvial : la Saône relie la Moselle qui s’écoule vers le Luxembourg puis l’Allemagne pour se jeter dans le Rhin à Koblenz (au croisement avec l’EuroVelo 15) avec des parties luxembour-geoises et allemandes de la Vallée de la Moselle (Mosel Radweg) entièrement réalisées. On peut aussi appréhender la V50 comme un itinéraire historique lié à Charles le Téméraire. La véloroute quitte alors la France pour la Belgique via le Luxembourg afin de rejoindre Bruges, lieu de sépulture de la figure historique. Cette thématique n’est pas structurée comme telle en Belgique ou au Luxembourg. Côté français, l’identité “Charles le Téméraire” arrêterait l’itinéraire à Dijon ou Charolles, lieux de naissance présumés du dernier duc de Bourgogne, alors que l’identité fluviale ferait aboutir l’itinéraire à Lyon, à la confluence de la Saône et du Rhône.
Un nom, des noms…
La V50 se cherche, et cherche surtout son identité. Certaines appellations locales sont le fruit du pragmatisme. Ainsi la Saône-et-Loire et la Côte-d’Or se réfèrent à “Voie Bleue” pour la distinguer de la première voie verte de France Givry – Cluny. L’appellation “Véloroute Charles le Téméraire“, d’abord défendue par les milieux associatifs, a quant à elle été reprise par certaines collectivités, du département de la Moselle à celui de la Haute-Saône. Enfin, certaines autres appellations jouent l’analogie, à l’instar de “ViaSaôna” utilisée en clin d’oeil à la ViaRhôna par des intercommunalités de l’Ain et du Rhône. Conclusion : la V50 a besoin d’un nom. Et ce nom devra s’appuyer sur des valeurs partagées, un positionnement et une ambition commune pour la véloroute.
Grand Est
La V50 dans la région Grand Est représente 270 km dont 75 % sont déjà réalisés. Alors que l’itinéraire est entièrement aménagé en Moselle et dans les Vosges, deux tiers de la véloroute en Meurthe-et-Moselle ne sont pas ouverts. Dans ce département, les maîtrises d’ouvrage sont intercommunales. Au nord de Nancy, le tronçon qui se connecte au département de la Moselle, est en projet. Des travaux devraient y être menés fin 2016/début 2017 entre Arnaville et Custines. Pour la partie au sud de Nancy, jonction avec le département des Vosges, il n’existe pas de projets sur les 30 km concernés. La recomposition de la carte intercommunale pourrait changer la donne sur ce territoire qui a manifesté peu d’intérêt vis-à-vis de l’itinéraire pour le moment. Les aména-gements déjà réalisés ont bénéficié de cofinancements des Départements lors de maîtri-ses d’ouvrages intercommunales (Moselle et Meurthe-et-Moselle), de la Région, de l’État et de l’Europe via le Feader. Côté promotion et mise en tourisme, les projets sont menés à l’échelle départementale uniquement. Là encore, la fusion régionale (Alsace-Champagne Ardenne-Lorraine) pourrait faire évoluer la situation. Mais il faudra avant cela harmoniser les dispositifs d’intervention et arrêter les politiques régionales en matière de tourisme et de vélo. Dans le Grand Est, la V50 est assimilée spontanément à Charles le Téméraire sans qu’un débat sur cette identité ait réellement eu lieu.
Bourgogne-Franche Comté
Sur le territoire de Bourgogne-Franche Comté, 3 départements sont traversés par la V50. La Haute-Saône a réalisé environ 70 % de l’itinéraire et garantit sa continuité par du jalonnement tout
en travaillant à finaliser des aménagements, à 85 % en site propre d’ici 2020. La Côte-d’Or a finalisé la réalisation des 91 km de l’itinéraire sur son territoire, qui se superpose sur 38 km avec l’EuroVelo 6, et travaille maintenant à la mise en tourisme de l’itinéraire. En Saône-et-Loire, l’itinéraire est aménagé à 72 % avec un tronçon non aménagé de Chalon-sur-Saône à Tournus, qui fait l’objet d’études pour une réalisation à horizon 2019. L’ensemble de ces aménagements bénéficient de cofinancements de la Région, de l’État à travers le CPIER Rhône notamment, et parfois de financements européens interrégionaux Rhône-Saône (POP ). Alors que les Départe-ments attendent la mise en place d’une dynamique autour de l’itinéraire et aimeraient plus d’échanges interdépartementaux à son sujet, la Région semble privilégier une réflexion d’ensemble autour du Val de Saône afin de structurer une destination fluvestre globale dont la V50 serait une composante. La Région souhaite endosser un rôle de facilitateur afin d’encourager l’émer-gence d’une gouvernance concertée par les territoires eux-mêmes. Son objectif est d’organiser un séminaire à la fin de l’année 2016 pour rassembler l’ensemble des acteurs de la Saône en lien avec Auvergne-Rhône Alpes.
Auvergne-Rhône-Alpes
La Saône poursuit son cheminement au sud de Mâcon vers Lyon à la jonction entre les départements de l’Ain et du Rhône jusqu’à la Métropole de Lyon. La V50 suit ce tracé avec un avancement moindre que dans les autres régions (environ 10 %). Les collectivités concer-nées semblent toutefois se mobiliser progressivement sur le sujet. Ainsi, les intercommunalités de l’Ain et du Rhône se sont réunies à 3 reprises en 1 an pour définir : la rive retenue pour la véloroute (rive gauche) ; les points de franchissements et les liaisons intéressantes pour le projet entre Ain et Rhône dans une logique fluvestre ; et les démarches de cofinancements à mener dans le cadre du CPIER et des financements européens Rhône-Saône. Sur le territoire de la Métropole lyonnaise, la continuité de l’itinéraire est déjà en grande partie garantie. Dans le cadre du nouveau Plan d’actions pour les mobilités actives du Grand Lyon, délibéré en mai 2016, la Métropole prévoit de revoir son réseau structurant en lien avec les mairies concernées avec notamment la volonté d’aménager les deux rives de Saône. Le cas échéant, des aménagements qualitatifs en bords de Saône pourraient voir le jour mais pas avant 2025, compte tenu des fortes contraintes foncières, environnementales et de flux. La région Auvergne-Rhône-Alpes cofinance les aménagements cyclables sur la base de sa délibération de 2006 et à travers les outils de programmation inter-régionale mentionnés plus haut. Suite au changement d’exécutif et à la fusion, la Région doit redéfinir ses positionnements tant en termes de stratégie touristique que de politique vélo. De ce processus découleront des réponses concernant l’itinérance à vélo, la V50 et, en ligne de fond, la stratégie régionale sur les véloroutes et voies vertes.
Gouvernance et perspectives
Le besoin d’une gouvernance interrégionale pour la V50 est déjà identifiée dans le CPIER (2015-2020) et le POP Rhône-Saône (2014-2020). C’est donc autour de la Saône que la dynamique semble la plus mûre et susceptible de s’enclencher prochainement, en partie grâce à des financements disponibles pour accompagner ces travaux. Avant cela, les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche Comté doivent définir une gouvernance d’axe Saône, suite aux fusions et changements d’exécutif. Cela permettra d’arrêter un positionnement partagé et une méthodologie conjointe pour développer la destination Val de Saône et sa déclinaison fluvestre. Quid de la poursuite de l’itinéraire le long du Canal des Vosges et de la Moselle ? Sans être la priorité des travaux en cours, cette continuité serait une plus-value pour l’itinéraire d’une part et le maillage vélo national et européen d’autre part. Et pourquoi pas permettre à terme de porter une candidature auprès du réseau EuroVelo ? Avant cela, les enjeux sur l’identité et la gouvernance devront être levés. Pour que la dynamique avance, il faudra surtout coordonner la V50 dans son ensemble.
Agathe Daudibon