Le Calvados – département cyclable
Extrait de Vélo & Territoires 34
Alors que se profilent les cérémonies de célébration des 70 ans du débarquement de Normandie, zoom sur la politique cyclable du Calvados, huitième département le plus visité par les Français, réputé pour son lait, ses pommes et bientôt ses itinéraires à vélo !
Interview de Paul Chandelier
Vice-président du Conseil général – Conseiller général du canton de Thury-Harcourt
• Quand s’est produit le déclic vélo dans le département du Calvados ?
La véritable prise de conscience date du 19 juin 2001. C’est ce jour-là qu’a été approuvée la Charte départementale pour l’environnement. Et c’est dans le cadre de cette charte que l’assemblée départementale s’est fixée, entre autres priorités, l’élaboration d’un plan départemental en faveur du vélo. Celui-ci a été voté en 2004, et une augmentation significative des moyens financiers et humains alloués à ce plan a été décidée en 2011.
• Quelles sont les grandes lignes de ce plan vélo ?
Même si dans les faits nous constatons beaucoup de déplacements domicile-travail – avec les problématiques d’éclairage que cela occasionne – notre objectif initial est avant tout de développer la pratique du vélo loisir, le vélo famille. Or qui dit public familial dit impératif de sécurité – et c’est la raison pour laquelle nous travaillons avec des associations d’usagers comme l’association Dérailleurs ou telle association de tandem pour malvoyants. Ces interlocuteurs ont des attentes précises et nous nous efforçons d’y répondre. Nous insistons également sur la dimension pédagogique. Notre patrimoine peut en effet être abordé sous l’angle historique, économique voire géologique. C’est la raison pour laquelle nous misons sur la création d’un vaste réseau de véloroutes et de voies vertes sur l’ensemble du territoire départemental. Ceci posé, notre plan vélo s’articule autour de sept axes qui en constituent le squelette.
• Quels sont ces axes ?
Le premier vise à assurer la continuité sur l’ensemble des 120 km du littoral du Calvados, ainsi qu’un axe nord-sud traversant la Suisse normande. Ces itinéraires sont inscrits au Schéma régional
et ressortent comme une priorité départementale. Le deuxième axe consiste à créer des liaisons structurantes départementales ainsi que des continuités vers le sud, l’idée étant de desservir les principaux sites naturels et touristiques et de se connecter aux départements voisins. Nous cherchons également à développer les liaisons entre la ville et la mer en reliant – et c’est le troisième point – le littoral aux principaux pôles urbains et touristiques. Les quatrième, cinquième et sixième axes concernent la sécurisation des sorties d’agglomération, l’accès et le stationnement des vélos dans les collèges, ainsi que l’accompagnement des collectivités locales pour la création de boucles cyclables de proximité. Le septième et dernier axe, enfin, englobe les aspects communication et promotion de ce plan vélo. Le but reste en effet de faire vivre et valoriser ces itinéraires.
• Quelles sont les réalisations à ce jour sur le territoire du Calvados ?
Les 26 km réalisés en 2013 portent à 335 le nombre de kilomètres aménagés. Rapportés aux 717 km inscrits, le Calvados a donc achevé à ce jour 47 % du linéaire total. Sur ce total, les voies vertes représentent 106 km, les pistes cyclables 36 km, les bandes cyclables 2 km et les voies partagées 191 km.
– S’agissant de la Véloroute littorale du Bessin : l’idée était de rouvrir un cheminement accessible aux circulations douces le long des falaises du Bessin, après la fermeture en 2001 du sentier littoral. Un premier tronçon sur le secteur mythique des plages d’Omaha Beach a été réceptionné à l’été 2013 entre Sainte-Honorine-des-Pertes et Vierville-sur-Mer. Les sections Arromanches–Asnelles, Arromanches–Longues-sur-Mer et Porten-Bessin– Sainte-Honorine-des-Pertes font l’objet d’études de conception. Les travaux sont programmés dans le courant de cette année.
– S’agissant de la portion reliant Caen à la Côte de Nacre : la liaison est effective. Elle permet de relier la cité de Guillaume le Conquérant et son patrimoine historique (l’abbaye aux Hommes, l’abbaye aux Dames, le Mémorial) à Langrune et Luc-sur-Mer en passant par Douvres-la-Délivrande.
– S’agissant de la portion reliant Caen à la baie de l’Orne : il s’agit d’une voie verte en enrobé lisse. Elle longe le canal de l’Orne sur l’ancien chemin de halage en direction soit de Ouistreham, soit de Merville-Franceville en passant par Ranville ou encore Sallenelles et sa Maison de la nature et de l’estuaire.
– S’agissant de la véloroute littorale reliant Pont-l’Evêque à Deauville : la contrainte ici était d’imaginer un itinéraire en retrait dans les terres. Les travaux réalisés en 2012 ont permis de relier Pont-l’Evêque à Saint-Arnoult. La section Saint-Arnoult–Deauville est quant à elle en cours d’étude.
– S’agissant de la véloroute littorale reliant Cabourg à Dives : les travaux d’aménagement de la voie verte de l’estuaire de la Dives ont été achevés en février 2012. Ils permettent de prolonger la véloroute déjà en service entre Caen et Cabourg.
– S’agissant de la voie verte de la Calonne : elle relie Pont-l’Evêque à Saint-André-d’Hébertot et emprunte un parcours à travers le pays d’Auge, célèbre pour sa campagne vallonnée et ses paysages pastoraux.
– S’agissant de la voie verte de la Suisse normande : nous quittons ici l’axe de l’EV4 pour rejoindre celui de la V43. Cette voie a été aménagée le long de la voie ferrée entre Caen et Clécy pour remettre en valeur la vallée de l’Orne et relier l’axe principal nord/sud du département. Une première section de 13 km a été inaugurée en juillet 2013 entre l’agglomération caennaise et Grimbosq. Une deuxième section de 10 km est en cours de réalisation entre Grimbosq et Thury-Harcourt. A terme, cet itinéraire de 37 km constituera un axe structurant de notre plan vélo. Il permettra de relier, via la V43, le littoral à la Suisse normande, à l’Orne mais aussi à La Rochelle.
• Quid de la véloroute reliant les plages du Débarquement au Mont-Saint-Michel ?
Ce projet a été initié par les départements de la Manche et du Calvados, en partenariat avec les collectivités locales. Il est consultable sur le site de France Vélo Tourisme. Il a vocation à servir de produit d’appel à l’échelon national et interna-tional pour le tourisme à vélo. Côté Calvados, l’itinéraire principal permet de relier Arroman-ches et Port-en-Bessin aux itinéraires de la vallée de la Vire en direction du Mont-Saint-Michel. Ces aménagements ont fait l’objet en juin 2013 d’une inauguration commune aux deux départements. Pour ce qui concerne la portion qui relie Bayeux à Port-en-Bessin, la liaison se fera par une voie verte. Un premier tronçon Bayeux–Sully a été réalisé au printemps 2013. La période 2014-2015 sera consacrée à l’établissement du dossier d’enquête publique nécessaire pour la suite de l’itinéraire jusqu’à Port-en-Bessin.
• Le plan vélo évoque enfin la véloroute qui relie la Côte fleurie au pays d’Auge…
Il y a deux sections de voies vertes dans la partie comprise entre la Côte fleurie et le marais de la Dives, royaume des hérons et des cigognes et traversé par le parc et les jardins de Mézidon-Canon. L’itinéraire se poursuit ensuite par de petites routes à travers le pays d’Auge avant de rejoindre une ancienne voie ferrée réaménagée en voie verte. Cette voie longe la vallée de la Vire et ses vallons, ses prairies et ses vaches normandes. Une véritable invitation à s’intéresser au patrimoine local !
• Quelles sont les difficultés auxquelles vous vous trouvez confrontés dans la mise en place de ce plan vélo ?
Nous sommes confrontés à quatre types de difficultés. La première concerne le relief, avec en particulier les territoires vallonnés du pays d’Auge ou du bocage virois. La deuxième difficulté est relative à l’aspect foncier et aux procédures d’expropriation, comme c’est le cas sur la véloroute littorale du Bessin. La troisième difficulté est d’ordre géotechnique, c’est-à-dire qu’elle concerne la gestion et le suivi de l’effondrement des falaises – et c’est à nouveau le cas avec la véloroute littorale du Bessin. La quatrième difficulté, enfin, n’est pas la moindre. Elle concerne la protection des habitats d’espèces protégées. C’est le cas par exemple dans le cadre de la voie verte de la Suisse normande, où des contraintes spécifiques liées à la préservation de la biodiversité s’imposent. Elles nécessitent des investigations et des procédures technico-réglementaires supplémentaires, qui impactent le planning et le budget des opérations, voire jusqu’à la faisabilité même de certains aménagements.
• Quel type de revêtement privilégiez-vous ?
Le choix se fait en fonction du territoire, des usages attendus, des contraintes paysagères et techniques et des problématiques liées à l’entretien. Les voies vertes départementales alternent ainsi entre stabilisé et enrobé. Ce dernier revêtement est privilégié lorsque le vélo cohabite par exemple avec le roller – mieux vaut régler un problème de cohabitation qu’un problème de fréquentation !
• La signalétique est-elle harmonisée sur l’ensemble du territoire ?
Oui. Nous avons un cahier des charges départemental pour la signalisation vélo. Il est largement inspiré des recommandations du Certu et nous le complétons avec une charte graphique spécifique pour la signalisation complémentaire de type totems, RIS ou panneaux pédagogiques.
• Quel budget est alloué à cette politique cyclable ?
Notre budget s’élève à 3 millions d’euros par an.
• Comment cela se passe-t-il avec la région Basse-Normandie ?
La Région participe à hauteur de 15 % aux travaux inscrits sur le Schéma régional – c’est-à-dire l’axe littoral et celui de la V43. Ce partenariat a par exemple été très important pour la concrétisation de la voie verte de la Suisse normande.
• Et avec les départements voisins ?
Nous avons des relations avec le conseil général de la Manche notamment pour la véloroute Plages du Débarquement–Mont-Saint-Michel ainsi que pour le Tour de Manche (projet Cycle West). Nous échangeons également avec le conseil général de l’Orne, s’agissant notamment de la V43.
• Qu’en est-il des communes ?
La majorité des itinéraires du plan vélo départemental empruntent des emprises communales. Ces projets sont donc naturellement établis avec une large concertation locale. Nous parlions tout à l’heure du squelette, il s’agit ici de la chair du projet. Administrativement, les travaux et la gestion ultérieure des aménagements sont régis par des conventions entre les communes et le Conseil général.
• Quid enfin des EPCI ?
Certains itinéraires du plan vélo départemental ont été fléchés comme relevant d’une maîtrise d’ouvrage déléguée. C’est le cas d’une partie de la véloroute Plages du Débarquement–Mont-Saint-Michel, qui a été aménagée par les collectivités locales du Bessin (Bayeux Intercom, Val-de-Seulles, Villers-Bocage Intercom et Trévières), avec l’appui technique et financier du conseil général du Calvados. Dans le même ordre d’idées, les collectivités du sud pays d’Auge viennent de valider un plan vélo qui pourra déboucher sur la concrétisation d’aménagements cyclables éligibles à une subvention du conseil général du Calvados à hauteur de 50 %.
• Existe-t-il des chiffres quant à la fréquentation de ces itinéraires ?
Oui, car nous avons un réseau de compteurs de fréquentation. L’itinéraire de référence aujourd’hui est la voie verte de la Suisse normande. Elle compte 350 000 usagers par an.
• Une dernière question : trouvez-vous vous-même le temps d’enfourcher le vélo ?
Moins qu’à l’époque où j’arrivais à me garder un moment le samedi après-midi. Mais j’ai aujourd’hui trois petits-enfants et la voie verte passe aux portes de chez moi. En matière de déplacements, c’est mieux qu’une Rolls !
Pour en savoir plus :
www.calvados.fr
www.calvados-tourisme.com
Propos recueillis par A. D.