Journée Une Voirie pour Tous : Développer la pratique du vélo en périurbain et interurbain
Les échanges denses des 130 participants à la journée Une Voirie pour Tous du 3 juillet dernier apportaient un éclairage sur le développement du vélo en périurbain et interurbain. Loi d’orientation sur les mobilités, aménagement, compétences territoriales, évaluation, formation et perspectives pour l’avenir, tels étaient les grands sujets abordés. Pas de solution miracle pour le péri- et interurbain, espace le moins bien traité pour les cyclistes, à l’issue de cette journée technique organisée par le Cerema en partenariat avec Vélo & Territoires et le département de Côte d’Or, mais quelques pistes. Morceaux choisis.
Au cœur des discussions actuellement, la Loi d’orientation sur les mobilités et le Plan national vélo qui doit l’accompagner. Que contiennent ces dispositifs et quand verront-ils le jour ? Pierre Toulouse de la Coordination interministérielle pour le développement de l’usage de la marche et du vélo présente les grands axes et rappelle que les tractations sont toujours en cours. Les quatre axes principaux du Plan vélo demeurent le développement d’aménagements cyclables sécurisés et l’amélioration de la sécurité routière, la lutte contre le vol, la mise en place d’un cadre incitatif plaçant le vélo comme un mode de transport vertueux et le développement d’une culture vélo. Dans le contexte de ce Plan, un appel à projets de l’Ademe doit voir le jour rapidement et concernera les territoires ruraux (pays, PNR, communautés de communes, communes rurales). Il apporte un soutien à la stratégie de développement, aux services innovants, aux vélo-écoles et ateliers de réparation et au recrutement de chargés de missions. Si le montant alloué à cette opération de financement d’ingénierie de projets fait encore l’objet d’arbitrages, le lancement est prévu en 2018. Rendez-vous à la rentrée pour en savoir plus.
Partage de bonnes pratiques
Au-delà des grandes considérations nationales, cette journée a donné la parole aux régions, départements et communautés de communes pour témoigner de leurs expériences : choix stratégiques ; inscription du vélo dans les stratégies touristiques, SRADDET, SCOT et PLU ; financement des projets ; gouvernance ; répartition des compétences territoriales. Quelques idées à retenir concernant plus précisément le champ des aménagements périurbains et interurbains ? La zone périurbaine est par définition une zone hybride où se croisent des résidents en transit pendulaire et des touristes à vélo au long court en quête de continuité d’aménagement. Elle est également à la croisée des chemins administratifs et nécessite l’intervention volontariste d’acteurs multiples (département, intercommunalités, communes…). La réussite des projets portant sur ces zones est conditionnée à la prise en compte de toutes les pratiques (loisirs, touristiques et utilitaires) pour éviter de démultiplier les investissements. Annemasse-Les Voirons Agglomération a tenté de relever ce défi par l’aménagement de deux voies vertes multi-usages. Le Pays voironnais, de son côté, a créé une chaussée en voie centrale banalisée.
Zone de dilution des compétences
Si les considérations techniques mettent en avant les difficultés rencontrées pour réaliser des politiques cyclables en périurbain ou interurbain, les acteurs inventent les solutions pour avancer. Albert Cessieux de l’Association française des véloroutes et voies vertes (AF3V), porteur de la voix des usagers, est plutôt optimiste : « Depuis vingt ans beaucoup de choses ont changé dans les esprits et depuis dix ans en pratique. Le vélo se déplace bien dans les villes, mais en sortie de ville et en péri-agglomération, il a beaucoup de mal à se frayer un chemin. À contrario, les véloroutes et voies vertes marchent bien. » Le facteur clés de succès pour mener à bien les projets ? Le transfert de compétences, estime Albert Cessieux. « Souvent les communes sont confrontées à des problèmes de compétences voiries qui ne leur sont pas nécessairement dévolues ». Un vœu pour l’avenir : obtenir le transfert du financement des routes à celui de la mobilité, ce qui permettrait d’intégrer le vélo (et les modes actifs) à part entière dans les budgets des départements et « ne pas rester dans une seule logique d’itinéraires touristiques ». Marie-Claire Bonnet-Vallet, vice-présidente du département de Côte d’Or et de Vélo & Territoires, confirme que « le périurbain est une zone de dilution des compétences car elles se tamponnent les unes aux autres ». Les politiques urbaines doivent traiter l’habitat, et la mobilité ensemble. Non pas l’un puis l’autre. Le périurbain doit répondre au « trois en un » : mobilité, loisirs et tourisme. « Les aménagements vélos ne peuvent pas être réalisés partout et sur toutes les distances. Pour être proactif dans le domaine de développement du vélo il faut également prendre en compte les questions de multimodalité, et là ce sont les régions qui entrent en jeu », rappelle Marie-Claire Bonnet-Vallet. Les pôles multimodaux figurent dans les éléments à inscrire dans les SRADDET qui doivent être finalisés d’ici le 1er janvier 2019.
Pour passer outre les compétences qui se télescopent, Catherine Hervieu, vice-présidente de Dijon Métropole et du Club des villes et territoires cyclables, propose de travailler dans une logique de projet. À l’instar de l’inscription des aménagements cyclables dans les SRADDET pour les régions, elle témoigne de l’importance de leur intégration dans les PLUi et schémas de cohérence territoriale. Elle souligne les efforts réalisés localement pour développer l’usage du vélo et attend un signe fort du niveau national avec un vrai Plan vélo. « Il est hors de question que le vélo soit la variable d’ajustement car le vélo est bon pour lutter contre le changement climatique, bon pour la santé, nettement moins cher que la route et il contribue à l’économie locale. »
Former pour développer le vélo
De différents ordres, la formation est un autre élément clé pour sensibiliser et inciter au développement du vélo en périurbain, voire en général. Côté aménageurs, la formation leur permet d’apprendre à concilier les pratiques ou connaître les clés du développement du vélo en général, et spécifique à ce milieu. Côté utilisateurs, Sylvie Banoun, coordinatrice interministérielle pour le développement de l’usage de la marche et du vélo, souligne l’importance du savoir-rouler qui doit s’adresser à la fois aux utilisateurs et aux conducteurs, notamment aux livreurs en petits utilitaires, « de loin ceux qui ont le comportement le plus à risque ». Enfin, la connaissance des chiffres et des faits : « Depuis 40 ans, le nombre de déplacements moyens et la durée de déplacement enregistrés sont stables, selon l’Insee (respectivement 3,7 et 57 minutes par jour, ndlr). Nous avons juste rallongé les distances et nourri l’étalement urbain ». Et de conclure : « Retournons à l’urbanisme des courtes distances ».
Stéphanie Mangin
En synthèse, pour développer le vélo en périurbain et en interurbain il faut :
- Considérer le périurbain et interurbain comme zones prioritaires, notamment en termes de réflexion et de planification de l’action publique,
- Proposer des aménagements « trois en un » conciliant l’usage quotidien, de loisirs et de tourisme,
- Clarifier les compétences et les modalités de gouvernance,
- Privilégier une politique des mobilités à une approche purement routière,
- Miser sur la continuité, notamment dans le cadre des aménagements à vocation touristique,
- Renforcer la compétence et l’expérience sur le sujet.
Retrouvez toutes les présentations de cette journée vélo en périurbain et en interurbain ici :
– La politique vélo du conseil départemental de la Côte d’Or
– Développement d’une politique cyclable dans les territoires périurbains et interurbains
– Les démarches régionales pour encourager le vélo :
- Exemple de la région Bourgogne-Franche-Comté
- Exemple de la région Auvergne-Rhône-Alpes
– Intérêts et enjeux de l’observation
– Les aménagements cyclables – planification et réalisation :
- Exemple de politique cyclable départementale : cas de la Haute-Saône
- Exemple de la politique cyclable intercommunale : cas de Beaune, Côte et Sud
- L’aménagement de voies vertes multi-usages en territoire périurbain : cas d’Annemasse-Les Voirons Agglomération
- L’aménagement d’une chaussée en voie centrale banalisée (CVCB) : cas du Pays voironnais