Jean-Marie Lorentz
« C’est chic de rouler à vélo“
En hommage à Jean-Marie LORENTZ, voici l’édito qu’il écrivit en avril 1994.
Nul n’ignore que nous sommes confrontés à un défi “environnement“. Dans une société technologique un nombre croissant d’engins motorisés crachent de la pollution, croquent de l’énergie et émettent du bruit. Combattre ces nuisances coûte cher pour des résultats partiels, sans parler de la précarité des ressources naturelles révélée par les chocs pétroliers. A tout cela, le vélo apporte une réponse : il est propre, silencieux, autonome et il l’est totalement. A quoi s’ajoute l’atout minceur : dans les encombrements de la ville, le vélo se faufile.
Nul n’ignore que nous sommes également confrontés à un défi “social“. Le chômage, la concurrence des pays à bas coût du travail, l’effondrement de la natalité et l’allongement de l’espérance de vie réduisent le pouvoir d’achat et menacent la protection sociale après trois décennies de prospérité. À tout cela, le vélo apporte une réponse économe : son prix est modeste, sa consommation est nulle, son entretien bon marché. À quoi s’ajoute l’atout minceur : contrairement aux voies rapides dévoreuses d’espace et de crédits, la piste cyclable est sobre.
Nul n’ignore que nous sommes aussi confrontés à un défi “moral“. Des siècles vécus sous la férule de la rareté avaient forgé des règles rudes mais efficaces et observées, procurant un sentiment de sécurité. Le demi-siècle qui s’achève les a déréglées : d’abord trente années de société de consommation où tout semblait envisageable, ensuite vingt années de retour à une certaine pénurie avec des réflexes égoïstes sur fond d’agressivité. A tout cela, le vélo apporte une réponse conviviale : contrairement à la voiture il implique un effort personnel et ne menace pas la vie d’autrui.
Mais les atouts déterminants sont d’ordre individuel. Pour les courtes distances et en milieu dense, le vélo permet de gagner du temps et d’être exact aux rendez-vous car il se joue des bouchons et s’affranchit du stationnement. C’est l’outil performant de l’actif pressé et l’arme anti-stress idéale puisqu’il réalise le doublé permanent du déplacement et du sport. La santé y trouve son compte et aussi le plaisir de se mouvoir. Enfin l’image de marque du pratiquant pour affaires
commence à en bénéficier.
C’est sur ce terrain psychologique que la partie décisive se joue. La voiture a symbolisé depuis un siècle réussite, liberté et modernité. Maints cyclistes craignent encore les sourires moqueurs. Lorsque cette conversion sera acquise, les avantages fonctionnels l’emporteront sur les freins permanents qui sont un effort réel, des risques effectifs quoique montés en épingle et un inconfort par mauvais temps grandement atténué par des survêtements imperméables qui vous permettent aujourd’hui d’arriver impeccable aux rendez-vous. Le vélo est un véhicule d’avenir très apprécié de ceux qui le pratiquent. Pourquoi pas vous ?
