Itinéraires et destinations vélo : comment optimiser les moyens humains et financiers ?
Démultiplication des parcours, évolution des pratiques, contraintes budgétaires et logistiques, enjeux autour du tourisme durable… le secteur du tourisme à vélo est en pleine mutation. Ces transformations appellent à adapter les modèles actuels, notamment ceux de la gouvernance. Alors que la formule du comité d’itinéraire permet d’engager un collectif solide pour porter un projet de véloroute, ces nouveaux enjeux conduisent les collectivités et leurs organes touristiques à optimiser les ressources humaines et financières dédiées au tourisme à vélo. Retour sur les pistes d’évolutions présentées lors d’un atelier à la Conférence nationale du tourisme à vélo en juin dernier à Grenoble.
Faire autant avec moins, faire mieux ou plus avec autant ?
Depuis la création du premier comité d’itinéraire en 2012 de La Vélodyssée – EuroVelo 1, le modèle s’est largement répandu : une trentaine de comités d’itinéraires existent aujourd’hui à l’échelle nationale, fédérant les acteurs et structurant ainsi un projet collectif au-delà des limites administratives. Dans un contexte de contraintes budgétaires et de démultiplication des démarches collectives, le modèle « idéal » est de plus en plus interrogé. Les partenaires des comités d’itinéraires sont régulièrement confrontés à la question de mobilisation des ressources financières et humaines. Pour répondre à ces défis à l’échelle de sa destination, l’association Inter-Parcs du Massif central (IPAMAC) a créé le Laboratoire des itinérances du Massif central. Il regroupe douze itinéraires membres (vélos, VTT, randonnée pédestre) pour partager des bonnes pratiques, structurer la filière des itinérances, innover et expérimenter. En 2023, le laboratoire a élaboré une méthodologie avec sept fiches-actions pour faciliter la gouvernance des offres d’itinérances à l’échelle du massif. La sixième fiche « Mutualiser la gouvernance et la gestion d’itinérances » propose six champs d’actions pour nourrir l’intelligence collective et réaliser des économies d’échelle.
Adapter la gouvernance des itinéraires vélo à l’évolution des projets
Depuis janvier 2024, La Vélodyssée – EuroVelo 1 et La Scandibérique – EuroVelo 3, itinéraires dont le chef de filât est assuré par Charentes Tourisme, expérimentent en mutualisant leur équipe de coordination. Six personnes pluridisciplinaires partagent leur expertise pour coordonner et mettre en œuvre les plans d’actions des deux EuroVelo. L’objectif : gagner du temps et des moyens en mutualisant les actions et les dépenses. « Il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions. Il faut expérimenter pour trouver ses réponses et non attendre les réponses pour expérimenter », déclare Sabine Andrieu, responsable coordination des deux itinéraires.
À l’échelle de la ViaRhôna – EuroVelo 17, une gouvernance à deux échelles est mise en place. L’intention : mieux répondre aux objectifs de mise en tourisme de l’itinéraire sur des territoires hétérogènes en termes d’attractivité touristique et de politique de tourisme à vélo. La coordination générale est assurée par la région Auvergne-Rhône-Alpes. En complément, l’itinéraire est découpé en trois tronçons : Léman-Lyon, Lyon-Avignon, Avignon-Méditerranée. Les trois partenariats géographiques reposent sur des dynamiques propres pour répondre à des enjeux différents : chaque tronçon entreprend des actions spécifiques dans un champ défini par le comité d’itinéraire (ex : développement de boucles locales, animation du réseau de socio-professionnels, organisation d’éduc’tours). Le portage financier des actions et des ressources humaines dédiées est assuré à l’échelle des tronçons par trois structures distinctes : la communauté de communes des Balcons du Dauphiné, Valence Romans Tourisme et Vélo Loisir Provence. Ainsi les crédits européens FEDER du programme interrégional Rhône-Saône et du CPIER Plan Rhône Saône sont pleinement mobilisés à la fois à l’échelle de la coordination générale de l’itinéraire et par l’animation des trois tronçons. « Ce modèle innovant reste à éprouver et à privilégier pour une véloroute mature qui souhaiterait travailler sur sa mise en tourisme », souligne Raphaël Trichard, coordinateur de la ViaRhôna.
Structurer l’offre à l’échelle d’une destination vélo
Et si l’une des nouvelles clés de de l’optimisation était d’élargir son champ d’intervention ? L’Agence des Pyrénées en est une illustration parfaite. Cette structure interrégionale consacrée au développement, à la valorisation et à la préservation de son massif intègre le développement du tourisme à vélo dans une stratégie plus globale. « Nous créons des ponts entre les acteurs du développement touristique et économique pour décupler la visibilité de la destination vers une variété de publics et de pratiques, telle que la Vélosud (V81) dont la coordination a été confiée par les départements à l’agence pour gagner en souplesse », explique Karine Brun, directrice de projets à l’Agence des Pyrénées. L’agence permet ainsi de mutualiser les ressources humaines et de recourir à des financements diversifiés, incluant les contributions des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, du commissariat des massifs (État), des stations de montagne et de ski, des fonds européens, ainsi que des participations ponctuelles d’EDF.
De l’autre côté de la France, le collectif Alsace à vélo s’appuie sur une répartition distincte des compétences entre les partenaires. Composé de neuf collectivités et de leurs organismes touristiques, parmi lesquels la région Grand Est et l’agence régionale du tourisme Grand Est, la Collectivité européenne d’Alsace et Alsace Destination Tourisme, ainsi que les cinq agglomérations alsaciennes de Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Saint-Louis et Haguenau, le collectif définit et priorise tous les trois ans un plan d’actions pour développer une offre commune. Chaque partenaire alloue des moyens financiers et humains propres pour mettre en œuvre les actions décidées collectivement. Les partenaires s’engagent sur les thématiques telles que le marketing, le développement des services ou l’infrastructure, et selon leurs compétences en assurent la coordination. Stéphanie Leibel-Thepot, coordinatrice Alsace à vélo, souligne que « ce mode de gouvernance offre une agilité et de la réactivité dans la réalisation des actions, tout en limitant les lourdeurs administratives ».
Une évolution permanente
L’une des mesures phares de la stratégie nationale du tourisme à vélo, Structurer et piloter les démarches d’itinéraires et destinations vélo, vise à consolider la gouvernance dans l’ambition de positionner la France comme première destination mondiale du tourisme à vélo d’ici 2030. Portée par Vélo & Territoires, cette mesure s’inscrit dans la continuité des efforts déployés depuis 2020 au sein du Club des itinéraires et destinations vélo. L’objectif ? Fournir des outils d’accompagnement efficaces et promouvoir les démarches de mutualisation à l’échelle nationale. Au-delà des enjeux financiers et humains, ces travaux interrogeront également la mobilisation des élus et des structures partenaires, l’intégration de l’échelon intercommunal dans la gouvernance, ainsi que la cohérence entre les stratégies de destinations et celles des itinéraires. Depuis l’atelier de juin 2024 relaté dans cet article, le contexte de rigueur et d’incertitudes budgétaire s’est largement accentué du côté des collectivités. Ce travail de mutualisation et d’optimisation des comités d’itinéraires est, depuis, devenu d’autant plus prégnant.
Noémie Rousset
Pour aller plus loin :
Consulter le support de présentation de l’atelier sur la gouvernance de la Conférence nationale du tourisme à vélo 2024