Une seconde chance grâce au Vélib’ – JCDecaux expérimente…
Extrait de Vélo & Territoires 34
« Au lieu de raturer un passé que rien ne peut abolir, essayez de construire un présent dont vous serez ensuite fier. » Inscrite sur la façade de l’Association d’aide pénale, la citation d’André Maurois colle comme un gant à la démarche initiée depuis un an par les différents acteurs concernés par les vols ou le vandalisme sur les vélos en libre service. Explications avec Pierre Foulon, directeur des Relations contractuelles pour les vélos en libre service chez JCDecaux.
En octobre 2009, un article du New York Times rapportait que 80 % des 20 600 Vélib’ mis en circulation depuis juillet 2007 avaient subi des vols ou du vandalisme, dont 11 800 sur la seule année 2009. La seule parade à l’époque fut une campagne d’affichage dessinée par Cabu : « Casser un Vélib’, c’est facile… Il ne peut pas se défendre ». Après un léger mieux, la statistique remonta à 9 000 en 2012 – dont un Vélib’ mystérieusement retrouvé dans les rues de… Bamako (Mali), à quelque 4 000 kilomètres de son point de départ ! Avec 1 500 réparations par jour mobilisant 10 ateliers et 400 salariés à plein temps, la coupe de JCDecaux, gestionnaire de l’équipement, ne tarda pas à être pleine. « Si les ateliers de réparation de Vélib’ ne travaillaient plus pendant dix jours, il n’y aurait plus de Vélib’ en état de circuler dans Paris », se murmurait-il à l’époque.
Cambouis. Entre la mairie de Paris, JCDecaux et les services de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la convergence d’intérêts apparaît comme une évidence. En décembre 2012, JCDecaux signe une convention avec le parquet de Paris et la PJJ. Pierre Foulon, directeur des Relations contractuelles pour les vélos en libre service chez JCDecaux, en résume l’idée. « Nous sommes confrontés ici à des primodélinquants. Ils ont été interpellés soit au moment où ils volaient un vélo, soit parce qu’ils utilisaient un vélo volé, soit parce qu’ils dégradaient du matériel. Plutôt que de passer en jugement, le procureur leur propose de réparer directement au bénéfice de la victime les conséquences des actes délictueux qu’ils ont commis. » Un principe de pollueur-payeur adapté à la solvabilité des mineurs. En clair : mettre les mains dans le cambouis et constater in situ le surcroît de travail que leur acte peut occasionner. Outre la triple condition de minorité, de flagrant délit de vandalisme et de premier contact avec la justice, un quatrième critère est requis pour que la mesure devienne effective : l’aval des parents de l’intéressé.
Vertus. Ancien avocat au barreau de Paris, Pierre Foulon connaît les vertus pédagogiques des mesures alternatives aux poursuites. Il en connaît aussi le point de bascule. « Il faut à tout prix éviter que le mineur vive l’expérience comme une punition, souligne-t-il. Cette mesure doit au contraire être vécue comme une première prise de contact avec le monde du travail, doublée d’une prise de conscience. » Depuis février 2013, une quarantaine d’adolescents âgés de 13 à 19 ans sont ainsi passés par les deux ateliers de réparation des 12e et 13e arrondissements de Paris. Compte tenu de leur âge, les vacances scolaires sont le moment le plus indiqué pour les accueillir dans ces ateliers. Leur prise en charge se fait par binômes, sur 48 h et du lundi au vendredi, sur la même fourchette horaire – 8 h / 16 h 15 – que leur tuteur, lequel est accompagné d’un membre de l’association AAPé (Association d’aide pénale). « Ils portent la même tenue que les autres techniciens, réparent les vélos avec eux et partagent la pause de midi avec le groupe », détaille Pierre Foulon.
Responsabilité. Un débriefing avec les intéressés clôt l’expérience. Il est l’occasion de constater que les tenants et les aboutissants du geste délictueux sont mieux compris. Le chiffre annoncé de 0 % de récidive incite à penser que le chemin est le bon. « Il y a même une plus-value que je n’imaginais pas, se réjouit Pierre Foulon, c’est que les équipes elles-mêmes se sentent valorisées de se voir confier la respon-sabilité de ces mineurs. » Cette réussite est appelée à faire tâche d’huile puisque des con-ventions similaires ont été signées en décembre avec le parquet et la PJJ de Seine-Saint-Denis et ceux du Rhône et de l’Ain, et que d’autres sont en cours de discussion du côté de Toulouse, Nancy et Nantes. « Ces opérations s’inscrivent dans une démarche plus globale de responsabilité sociétale de notre groupe, conclut Pierre Foulon. Elles concernent également des partenariats avec des collèges situés en zone sensible de Seine-Saint-Denis et du 20e arrondissement de Paris. La prochaine étape à l’étude sera celle des stages de sensibilisation avec ces interlocuteurs-là. »
Pour en savoir plus : pierre.foulon@jcdecaux.fr