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Gravel, vous n’avez pas les bases

« Le gravel c’est une mode, c’est réservé aux sportifs… ». Combien de fois avez-vous entendu cette affirmation classant davantage le gravel dans le rang des tendances réservées à une niche de cyclistes aguerris plutôt que dans celle de réelle pratique installée ? Le discours s’inverse pourtant et le gravel trouve peu à peu sa place au sein de l’offre touristique de territoires engagés dans une diversification de leurs publics. La Conférence nationale du tourisme à vélo à Grenoble y a consacré un atelier le 13 juin dernier. On vous embarque ?

Une pratique hybride

Difficile de définir le gravel, cette pratique hybride « à la croisée entre le tourisme et le sport », explique Aurélien Lantoine, co-fondateur de l’agence de voyages spécialisée Gravel Up. Renouveau du vélo découverte, « c’est davantage l’itinéraire que le vélo en lui-même qui définit l’activité », complète Jérôme Krier, responsable des Équipements sportifs et des sites de pratique à la Fédération Française de Cyclisme (FFC). La fédération déploie d’ailleurs depuis 2021 un label spécifique, Espaces Gravel-FFC®, aux quatre coins de la France. Mais au-delà des parcours, le gravel s’affiche comme « un état d’esprit, avec des valeurs de partage et de liberté », complète Aurélien Lantoine. L’amour des grands espaces et du terroir, un profil épicurien et un fort pouvoir d’achat sont souvent avancés comme les marqueurs d’un pratiquant de gravel. Chez Gravel up, la composante tourisme est importante. Les séjours sont encadrés par un guide local, avec un souci de respect du parcours et des zones protégées, de découverte des savoir-faire locaux. « Les à-côtés et les marqueurs touristiques sont essentiels dans le choix des destinations, un client sur deux n’a jamais fait de gravel ! »

©Alexandre Leroy

Des publics variés

Sur un marché en tension, l’Observatoire du cycle affiche des compteurs au beau fixe avec, entre 2022 et 2023, une augmentation des ventes de vélos gravel de 33 %. Le rapport des tendances de l’année sportive 2023 de Strava[1] note également une explosion de la pratique de l’ordre de +55 % au niveau mondial et +71 % en France. Quel est donc le profil de ces pratiquants ? Celui-ci semble difficile à appréhender puisque peu d’études sont consacrées à cette activité émergente. Le magazine Gravel Passion s’est prêté à l’exercice à travers une enquête réalisée auprès de 1 726 lecteurs. Il en ressort que huit pratiquants sur dix ont plus de 35 ans ; sur 100 pratiquants, huit sont des femmes ; 73 % viennent du vélo de route ou du VTT, mais 22 % découvrent le vélo via le gravel ; 56 % déclarent pratiquer le gravel pour le plaisir de passer des bons moments. « Le gravel est en train de se structurer et de se démocratiser, il y a un esprit communautaire, la recherche d’une expérience et un côté populaire, un peu comme dans le trail », relève Alison Lacroix, responsable du pôle Outdoor service développement (On Piste) du groupe Rossignol. Le gravel revêtirait une « dimension sociétale », évoquait récemment le média Weelz.

Une multiplicité de terrains de jeu

La FFC et On Piste accompagnent les territoires dans le positionnement de leur destination et dans l’identification de sentiers avec toujours la même méthodologie : sonder et associer une diversité d’acteurs du territoire (filière sportive, institutionnels, associations, etc.) pour définir les meilleurs parcours (avec ou sans coloration sportive) et faire vivre cette offre localement.

Dans le Doubs, l’idée de travailler sur le gravel est venue d’une refonte de la stratégie globale du Département autour d’un vélo « way of life », explique Léonard Schauss, développeur activités de pleine nature. Pour cela, une condition : disposer d’une offre répartie sur l’ensemble du territoire, accessible à tous les niveaux, articulée aux points d’intérêt touristique et idéalement au réseau de transports en commun. Trente et un itinéraires gravel ont ainsi été conçus comme véritable levier d’attractivité touristique.

©FFC

Esprit libertaire ou encadrement des pratiques ?

Baliser ou pas, telle est la question ! Sur ce sujet, les points de vue varient. Sur une terre de VTT comme le Doubs (3 000 km d’itinéraires), le territoire a fait le choix de ne pas baliser les chemins, pour des questions d’entretien et de gestion notamment. La trace est donc 100 % numérique. À Laval (53), l’office de tourisme s’appuie sur les associations locales et les clubs pour rester en veille sur la qualité du balisage. Autres territoires, autre proposition : la Route des Grandes Alpes et la Grande Traversée du Massif Central (GTMC) à VTT proposent désormais une déclinaison gravel de leurs itinéraires. « Pour la FFC, le balisage est une garantie de sécurité », précise Jérôme Krier. Cela « valorise le travail réalisé avec le territoire », ajoute Alison Lacroix. S’il n’est sans doute pas indispensable pour les parcours adaptés aux spécialistes (difficulté noire et rouge), il semble nécessaire pour des tracés plus accessibles, de façon à démocratiser la pratique (difficulté verte ou bleue).

Gravel attitude

La variété des terrains étant présentée comme un atout, chaque territoire peut ainsi tirer son épingle du jeu. Comment dès lors se démarquer ? La communication reste un axe majeur à ne pas négliger, via notamment le partage d’itinéraires sur des applications de guidage comme Komoot et Strava ou l’importance de proposer une offre plurielle et accessible. Pour vulgariser la pratique au-delà des puristes, l’imagerie populaire du gravel, réservée à une poignée de pratiquants affûtés, devra évoluer. « Pour proposer une stratégie gravel optimisée au département du Doubs, nous avons réalisé un benchmark des démarches de promotion existantes sur d’autres destinations, via notamment les influenceurs et les magazines spécialisés », indique Margaux Thierrée, chargée de partenariats à la Mad Jacques. En matière de communication gravel, l’événementiel n’est pas en reste : Nature is Bike (Anjou), Gravel Fever (Châtellerault) et bientôt une Mad Jacques Gravel, les manifestations se multiplient et font le plein. Leur ADN ? La découverte… qui n’empêche pas le dépassement de soi. Quand on vous dit que le gravel est un hybride !

Karine Lassus

[1] Part des athlètes ayant téléchargé des activités sportives hors route entre 2022 et 2023

Pour aller plus loin :

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