La Manche se met à l’hydrogène – Projet Bhyke
Extrait de Vélo & Territoires 45
Première collectivité française à avoir investi dans une station à hydrogène et à acheter des véhicules ad hoc, le conseil départe-mental de la Manche va aujourd’hui plus loin en testant en con-ditions réelles et sur trois ans le vélo à hydrogène. Explications.
Au commencement, il y a la convergence d’un contexte géogra-phique, d’une volonté politique et d’une opportunité techno-logique. Le contexte est celui d’un territoire rural déterminé à ne pas réserver les solutions alternatives à la voiture aux seuls milieux urbains. En cohérence, la volonté est celle de « décarboner la mobilité », ainsi que le formule Valérie Nouvel, vice-présidente du conseil départemental de la Manche en charge de la Transition énergétique, du Développement et de l’Innovation. L’opportunité ? Elle est offerte en 2015 par l’Ademe (Agence de l’environ-nement et de la maîtrise de l’énergie) à l’occasion de l’appel à projets Titec (Transfert industriel et tests en conditions réelles), visant à soutenir des propositions innovantes dans le domaine de l’hydrogène-énergie et des piles à combustible.
Consortium. Déjà “moteur” sur ces thématiques – le conseil départemental de la Manche dispose depuis 2014 d’une flotte de véhicules à hydrogène – et attentive à celle des VAE, la collectivité s’entoure de plusieurs structures partenaires pour répondre à cet appel à projets. Autour de Manche Tourisme, le consortium public-privé réunit la société savoyarde Atawey, fournisseur de solutions d’approvisionnement en hydrogène pour des flottes de véhicules légers, la société biarrote Pragma, développeur d’un modèle de vélo à hydrogène apte à la production en série, le fabricant saint-lois de VAE Easybike et l’association cherbourgeoise Cycloreca, qui facilite l’insertion professionnelle par l’aide à la mobilité. Le 2 février 2016, le projet manchois est adoubé par l’Ademe.
Hydrogène. De quoi s’agit-il exactement ? Pendant un peu plus de trois ans, la Manche va avoir l’opportunité de tester un nouveau modèle de vélo à hydrogène et les stations de recharge qui lui sont associées. Pourquoi l’hydrogène ? Parce que, pourtant fidèle à sa vocation d’outil de transition d’une mobilité motorisée vers une mobilité douce, le vélo électrique traditionnel a aussi montré qu’il demeurait un outil perfectible sur au moins trois plans : le poids, l’autonomie et le temps de recharge des batteries. « Un vélo à hydrogène peut rouler une centaine de kilomètres et met moins de trois minutes à se recharger, contre trois heures pour un VAE classique qui pèse plus lourd et roule moitié moins longtemps », appuie Benjamin Tétart, le directeur de Manche Touris-me, expliquant au passage l’insertion de la syllabe “hy” dans “Bhyke”, le nom qui caractérise ce projet.
Dynamique. Deux types d’usagers sont ciblés pour alimenter en retours d’expérience, sur cette séquence 2016-2018, ce que l’exhaustif dossier de presse consacré au sujet appelle le proces-sus d’“acceptabilité sociale de ces vélos d’un genre nouveau” : les touristes et les personnes en réinsertion. Le premier cas s’impose comme une évidence – ainsi, l’une des deux stations appelées à voir le jour d’ici la fin du premier semestre 2017 sera située à proximité immédiate du port de plaisance de Cherbourg-en-Cotentin, l’autre jouxtera l’office de tourisme de Saint-Lô Agglo, avec vocation à « s’intégrer dans un programme d’animation actuellement en cours d’élaboration », dixit M. Tétart. Le second, quant à lui, procède d’une réflexion profonde, intégrant autant les contraintes de déplacements liées au besoin d’honorer des entretiens d’embauche, des rendez-vous professionnels ou des formations, que des considérations liées à la vulnérabilité, à la cohésion sociale et au sentiment de valorisation que procure le fait de participer à une dynamique collective noble et innovante.
Prototypes. « Si vous disposez de quatre heures pour abattre un arbre, consacrez les trois premières heures à aiguiser votre hache ». Fidèles à cette ancienne maxime d’Abraham Lincoln, les différents partenaires du projet Bhyke consacrent les premiers mois de ces trois années à préparer le terrain. Entre les phases d’homologation et de construction des stations et les multiples questions concrètes que cette mise en place inédite oblige à anticiper (maintenance, modalités de location, implication des intercommunalités…), l’agenda a coché le début de l’été 2017 comme date à partir de laquelle les usagers pourront effectivement enfourcher ces fameuses machines de paix. Dix vélos seront alors mis en service à Saint-Lô et dix autres à Cherbourg, avec à chaque fois une moitié de la flotte destinée aux touristes, l’autre aux personnes en réinsertion. Avant cela, le passage du Tour de France 2016 dans la région et la semaine d’animation qu’il véhicule en amont ont notamment permis de valoriser les premiers prototypes auprès des décideurs présents, Philippe Bas, le président du Conseil départemental, n’hésitant pas à essayer lui-même l’un de ces vélos. « Avranches et les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey ont déjà manifesté leur intérêt si l’expérience vient à être pérennisée », se réjouit Valérie Nouvel, dont l’allocution le 29 juin dernier aux 4es Journées Hydrogènes organisées à Grenoble par l’Afhypac (Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible) a suscité un « vif intérêt auprès des autres régions participantes. ».
Le coût global du projet est de 723 048 € TTC dont :
- Ademe : 337 981 €
- Conseil départemental de la Manche : 75 748 €
- Agglomération de Saint-Lô : 50 000 €
- Cherbourg-en-Cotentin : 50 000 €
- Région Normandie : 50 000 €
- Région Nouvelle-Aquitaine, dans le cadre de l’accompagnement au développement de la Société Pragma : 18 000 €.
(source : conseil départemental de la Manche)
L’hydrogène, kezako ?
L’hydrogène produit à partir de ressources renouvelables peut apporter une contribution importante à la transition vers un modèle énergétique décarboné, notamment dans les secteurs du transport et du stockage d’énergie. Pour le premier cas, l’hydrogène est une solution d’ores et déjà disponible pour accompagner le développement de l’électromobilité. Le processus d’industrialisation déjà engagé doit se poursuivre pour permettre la baisse des coûts de certains composants et le développement d’innovations de produits et de services. Le déploiement de l’hydrogène-énergie doit se faire dans une logique de mise en adéquation entre les besoins en énergie des consommateurs et les ressources renouvelables d’un territoire. (source : Ademe)
Anthony Diao