Harmonisation des schémas des véloroutes normands : un exemple de coopération interdépartementale
La notion d’un schéma départemental ou régional des véloroutes est sujette à l’interprétation de chaque collectivité : certaines misent sur un schéma des véloroutes actualisé de manière régulière, d’autres intègrent les véloroutes dans des schémas plus généraux comme un schéma directeur cyclable ou un schéma des mobilités. Lorsque des collectivités mitoyennes ont des schémas de formes comparables, leurs critères pour y inscrire une véloroute peuvent varier d’un territoire à l’autre. Pour adresser ces divergences les départements normands sont engagés depuis plusieurs années dans une harmonisation de leurs schémas des véloroutes, critères d’inscription et numérotation. Vélo & Territoires revient sur cette démarche qui vient d’aboutir.
Une impulsion venue du Calvados
Au début des années 2020, le département du Calvados a souhaité réorganiser la numérotation et la hiérarchisation de ses véloroutes afin de mieux les valoriser sur Internet et sur le terrain. Seuls trois itinéraires étaient alors jalonnés avec logotype (l’EuroVelo 4 – La Vélomaritime, la V16 – La Seine à Vélo et la V43 – La Vélo Francette), alors que le réseau de véloroutes y était beaucoup plus étendu. Le Département orientait les cyclistes à l’aide de Dv21c vierges, tout en regrettant que cela invisibilise la richesse du réseau existant.
Devant ce constat, le Département a comparé les différents systèmes de numérotation existants en France. Plutôt qu’inventer un modèle et risquer de se retrouver déconnecté du reste de la France, il a finalement retenu la numérotation utilisée pour les itinéraires départementaux et régionaux proposé dans l’Observatoire national des véloroutes.
Dans ce modèle, détaillé dans le guide technique « Jalonnement des réseaux et itinéraires cyclables » publié par Vélo & Territoires en 2022, une plage de numéros est attribuée à chaque schéma régional, 300 à 359 pour la Normandie par exemple. Le même modèle indique que chaque département dispose d’une plage de 99 numéros, dont les deux premiers chiffres correspondent au code INSEE du département, de 1401 à 1499 pour le Calvados.
D’un manque de balisage à la redéfinition d’un réseau interdépartemental
Le choix du modèle de numérotation constitue une première étape. La suivante consiste dans le fait de mobiliser les autres départements normands – Eure, Orne, Manche et Seine-Maritime – afin d’assurer une cohérence à l’échelle régionale. Tous rejoignent l’initiative, avec des niveaux d’implication différents : certains sont prêts à appliquer dès que possible cette nouvelle numérotation sur leurs panneaux existants, d’autres préfèrent attendre les renouvellements habituels de signalétique pour matérialiser ce travail sur le terrain.
Le besoin initial du Calvados a trouvé réponse dans un travail collectif, soit un bel exemple de coopération interdépartementale. Première tâche commune : le recensement de tous les itinéraires cyclables existants ou en projet des cinq départements. Le travail de mise en continuité et de hiérarchisation du réseau a ensuite donné lieu à l’édition d’une première carte. Sa conception a même fait émerger de nouvelles connexions entre les véloroutes.
Les départements sont alors confrontés à un problème conceptuel : comment concilier le niveau d’inscription d’un itinéraire de son importance touristique réelle ? Par exemple, la Véloroute du Lin, considérée depuis longtemps comme un itinéraire d’importance régionale et entièrement située en Seine-Maritime, se voyait transférée au niveau départemental.
Ces débats ont amené les départements à différencier les infrastructures de déplacement – les véloroutes – des produits touristiques. Dans la même idée qu’un réseau routier départemental ou national, chaque section du réseau cyclable interdépartemental normand se voit attribuer un niveau d’inscription et donc un numéro selon des critères objectifs et communs. Pour être considérée comme régionale, toute véloroute doit répondre aux quatre critères suivants :
Pour une véloroute départementale, les critères sont moins exigeants :
Cette démarche a abouti à l’évolution du réseau cyclable normand vers plus de cohérence, des véloroutes connectées entre elles et un territoire maillé de manière régulière. Le guide de numérotation des itinéraires cyclables normands, édité en 2020 par le département du Calvados en lien avec les quatre autres départements normands, formalise les décisions prises collectivement. Le Calvados et l’Eure, qui avaient mis leurs projets de signalétique en attente, ont engagé ces chantiers à l’issue de la démarche, preuve de leur engagement collégial entier. La décorrélation entre les réseaux d’infrastructure et les produits touristiques offre en outre plus de souplesse pour la définition de ces derniers ; les infrastructures, quant à elles, sont plus pérennes. Ainsi, la VéloWestNormandy, ancien itinéraire régional dit « Des plages du débarquement au Mont-Saint-Michel », n’appartient désormais à plus aucun schéma en tant que tel. Il est devenu un produit touristique qui emprunte consécutivement l’infrastructure cyclable de niveau départemental V1406 et celle de niveau européen EuroVelo 4.
Cette démarche normande, appuyée sur les travaux de Vélo & Territoires, montre toute la pertinence des standards et référentiels nationaux. Les démarches initiées autour du géostandard véloroutes, du guide « Jalonnement des réseaux et itinéraires cyclables » ou encore du référentiel de données sur les équipements vélo prennent tout leur intérêt lorsqu’elles sont investies par les collectivités territoriales. Le département du Calvados a d’ailleurs pris pleinement part à la rédaction du guide en 2022, aux côtés d’autres départements, apportant ainsi son expérience sur ces questions.
Idrissa Djepa Creutz
