La Charente-Maritime, territoire cyclable
Extrait de Vélo & Territoires 40
La Charente-Maritime est le deuxième département le plus visité par la clientèle touristique française (étude SOFRES, 2011) et le premier département français en terme d’offre labellisée “Tourisme & Handicap”. Elle est présidée depuis 2008 par Dominique Bussereau, un homme qui fut notamment secrétaire d’État aux Transports de 2002 à 2004 puis de 2007 à 2010. Trois bonnes raisons d’en faire le territoire cyclable de ce n°40 de Vélo & Territoires.
Olivier Amblard
Directeur de Charente-Maritime Tourisme
À quand remonte le déclic vélo sur le territoire départemental ?
Le vélo est apparu dans nos discussions dès la fin des années 80. C’est à cette époque qu’ont été développées les pre-mières pistes de l’île de Ré, que le Département a accom-pagnées financièrement. Aujourd’hui la Charente-Maritime dispose d’un réseau très développé de 4 300 km d’offre cy-clable. 750 km de ces itinéraires sont réalisés par le Départe-ment, dont les itinéraires d’intérêts national et européen que sont La Vélodyssée / EuroVelo 1, La Vélo Francette, La Scandi-bérique / EuroVelo 3 et le Canal des 2 Mers à Vélo. Nous avons également des itinéraires d’intérêt départemental ainsi qu’un maillage dense de circuits VTT-VTC .
Quels sont les atouts favorables au développement du vélo sur votre territoire ?
Nous avons un fort potentiel d’utilisateurs. Celui-ci est lié d’une part à l’attractivité touristique et au relief du territoire, et d’autre part à notre position stratégique par rapport aux itinéraires nationaux et européens évoqués précédemment. Leur bonne répartition sur le territoire fait de la Charente-Maritime un carrefour de l’itinérance à vélo. Par ailleurs la Charente-Maritime est, avec la Vendée, l’un des deux premiers départements français pour la pratique du vélo durant les séjours touristiques.
Qu’est-ce qui explique cet engouement ?
La qualité du réseau, globalement en bon état et sans cesse amélioré, est un avantage indéniable. Elle permet une fréquentation en rapport avec l’offre, ainsi que l’a montré un suivi récent à l’aide d’éco-compteurs. À ceci s’ajoute la spécificité de la politique cyclable, qui balaie un large champ d’actions puisqu’elle va de l’aménagement à l’entretien, en passant par la communication et le suivi à l’aide de SIG ou de compteurs. Cette caractéristique a permis de nouer un partenariat fort avec les collectivités locales et le monde associatif, qui se sont bien mobilisés. Enfin et sur-tout, nous proposons des pratiques variées, avec un fort attrait du littoral en période touristique.
Quels sont au contraire les freins que vous pouvez rencontrer ?
D’abord, nos itinéraires doux ne sont pas exempts de rencontrer des points durs, lesquels créent des interruptions. Ensuite chacun des acteurs doit composer avec les contraintes financières du moment. D’autres contraintes, foncières celles-ci, doivent également être prises en compte pour la finalisation de certains axes structurants. Idem pour tout ce qui relève de la gestion de l’entretien, qui reste à finir d’organiser et à uniformiser sur l’ensemble du territoire. Enfin notre communication est encore trop éclatée entre les divers acteurs, ce qui crée un manque de cohérence globale à l’échelle du département.
Quelles ont été les étapes de la mise en place de la politique vélo ?
Un des premiers leviers a été la constitution des intercommunalités et le poids des collectivités précurseurs en la matière, telles que les îles de Ré et d’Oléron ainsi que l’agglomération rochelaise. De la fin des années 90 jusqu’à nos jours, le Département a réalisé sous maîtrise d’ouvrage les grands itinéraires d’intérêts européen, national et départemental. Le tout représente 750 km opérationnels en site propre et en voirie partagée.
Vous vous appuyez également sur la marque Accueil Vélo…
Depuis 2012, Charente-Maritime Tourisme assure en effet le déploiement de la marque nationale Accueil Vélo sur La Vélodyssée et ce en parte-nariat étroit avec les offices de tourisme. À ce jour, 115 établissements de type hébergements, sites de visite et loisirs, loueurs de vélo et offices de tourisme sont ainsi labellisés en Charente-Maritime. La marque est par ailleurs en cours de déploiement sur le Canal des 2 Mers à Vélo et La Vélo Francette. Elle le sera également à terme sur l’ensemble des grands itinéraires départementaux.
Il y a également eu d’autres moments marquants ces dernières années…
Tout à fait. Charente-Maritime Tourisme porte depuis 2014 la coordination nationale de La Vélodyssée pour le compte de quatre Régions et de neuf Départements. Par ailleurs, toujours en 2014, le Département a reçu le 2e prix au “Trophée destination vélo 2014” organisé par la Fédé-ration française de cyclotourisme. Ce trophée récompense les efforts d’aménagements et de structuration de l’offre en faveur du tourisme à vélo des Départements.
Est-ce qu’un schéma départemental cyclable est prévu, à court ou moyen terme ?
Le Département travaille effectivement sur le sujet, oui.
Quelles seraient les priorités de ce schéma ?
La première des choses consistera à définir un schéma de gouvernance, de maîtrise d’ouvrage et de financement pour l’ensemble des actions liées à l’itinérance. Il nous faut également connaître les besoins de développement de la pratique cycliste et pédestre, définir une politique d’investis-sement et d’entretien des axes structurants cohérente pour le Département, réfléchir sur les actions complémentaires comme la connexion aux réseaux et transports collectifs, la question des parkings de stationnement, du rabattement… Ce schéma devra en outre définir les modalités de financement et de coordination d’un réseau de boucles cyclables et pédestres, en s’appuyant sur les initiatives locales, mais aussi définir une politique cohérente d’information et de commu-nication, programmer les moyens et actions à mettre en oeuvre…
En attendant sa mise en place effective, quels sont les grands axes de travail de la politique cyclable en cours ?
Ces axes sont au nombre de cinq. Le premier axe concerne l’aménagement sous maîtrise d’ouvrage directe des grands itinéraires structurants. Le deuxième axe est relatif à l’aide aux collectivités locales pour la création d’aménagements cyclables et de circuits de VTT et de VTC. Le troisième axe, lui, vise à sauvegarder des itinéraires et des circuits par l’inscription au PDIPR (Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée). Nous cherchons également à mieux connaître quantitativement et qualitativement les clientèles des principaux itinéraires, comme cela a été fait par exemple en 2014 lors de l’enquête conduite par les Landes et la Charente-Maritime sur La Vélodyssée – une enquête étendue cette année à d’autres partenaires, la Vendée et la Loire-Atlantique – afin d’adapter nos produits vélo, notre plan marketing et nos supports… Cinquième et dernier axe, enfin : la poursuite de la mutualisation et des plans marketing à l’échelle d’itinéraires pour intéresser la clientèle itinérante. Parallèlement, nous cherchons également à bâtir un plan d’action plus ambitieux pour la destination Charente-Maritime, afin de valoriser notre offre vélo loisirs cette fois vis-à-vis des clientèles à la recherche d’une destination de séjours.
Quel budget tout ceci représente-t-il ?
Le budget varie très fortement en fonction des linéaires à aménager. En effet, les dépenses sont passées de 523 000 € en 2010 à 323 000 € en 2014, avec pourtant deux années, 2011 et 2012, à plus de 1 million d’euros. Ces deux années correspondent aux années d’investissements massifs sur La Vélodyssée. En moyenne, 72 % des sommes allouées à cette politique correspondent à des opérations en maîtrise d’ouvrage directe, 20 % à des subventions d’investissement et 8 % à des subventions de fonctionnement.
Et pour Charente-Maritime Tourisme ?
Le budget 2015 de la filière vélo pour Charente-Maritime Tourisme approche les 100 000 €. En dehors de la valorisation sur les supports génériques print et numérique, l’essentiel des dépenses actuelles est mutualisé dans le cadre des comités d’itinéraires (La Vélodyssée, La Vélo Francette, le Canal des 2 Mers à Vélo, La Scandibérique / EuroVelo 3) soit un budget total de dépenses de
45 000 € en partenariat avec les collectivités territoriales concernées par le Canal des 2 Mers à Vélo (communauté de communes de Haute-Saintonge et communauté d’agglomération Royan Atlantique) et l’EV3 (CC Haute-Saintonge). A cela s’ajoute le temps passé par notre chargée de mission vélo (1 ETP ), soit environ 35 000 €.
Comment se déroule le travail partenarial avec les intercommunalités ?
Certains itinéraires tels que La Vélo Francette, le cheminement littoral du pertuis breton ou le cheminement des rives de Boutonne, ont été réalisés entièrement sous maîtrise d’ouvrage départementale. Pour La Vélodyssée, le Dépar-tement a été maître d’ouvrage de 50 des 150 km de voies vertes, le reste des tracés ayant été identifié par les collectivités locales en fonction de leur offre. Pour assurer la cohérence et la lisi-bilité des itinéraires, le Département prend en charge systématiquement l’intégralité de la signa-lisation directionnelle.
Quid de la question de l’entretien ?
L’entretien des linéaires est assuré soit directement par le Département, soit par les intercom-munalités dans le cadre de contrats d’objectifs. Il peut également l’être par les communes, selon des conventions d’entretien pour les voiries rurales et communales servant de support aux itinéraires.
Qu’en est-il des réalisations déjà effectuées ?
Trois catégories d’itinéraires sous maîtrise d’ouvrage départementale sont aujourd’hui opéra-tionnels. Il y a un itinéraire d’intérêt européen (La Vélodyssée), deux itinéraires d’intérêt national (La Vélo Francette et le Canal des 2 Mers à Vélo) et les trois itinéraires d’intérêt départemental que sont les Chemins de la Seudre, le cheminement littoral Falaises du pertuis breton et le chemi-nement des rives de Boutonne.
Quelles sont les prochaines échéances ?
Si je reprends la même nomenclature, les itinéraires en cours d’étude ou en travaux peuvent être classés en trois catégories. Au niveau des itinéraires d’intérêt européen, La Scandibérique / Euro-Velo 3 est en attente des dispositions nationales. Au niveau des itinéraires d’intérêt national, la V92 le long de la Charente et certains tronçons du Canal des 2 Mers à Vélo sont en cours d’étude. Enfin, s’agissant des itinéraires d’intérêt départemental, la poursuite des Chemins de la Seudre et celle du cheminement littoral Falaises du pertuis breton sont elles aussi en cours d’étude.
Trois questions à Stéphane Villain
Vice-président du département de la Charente-Maritime – Président de Charente-Maritime Tourisme
Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux de la politique vélo du conseil départemental ?
Le principal objectif aujourd’hui est de parvenir à se connecter sur le territoire du département. Relayer les itinéraires entre eux et permettre l’offre de service qui va avec. Pour ce faire, nous espérons pour la saison 2016 pouvoir nous appuyer sur des outils comme les cartes détaillées, la géolocalisation, un site web mobile, la démulti-plication des points Accueil Vélo et tout ce qui a trait à l’hôtellerie, la restauration, la prise en charge des bagages dès le début du trajet… En termes de moyens de locomotion en circulation, le ratio voitures/vélo penche aujourd’hui largement en faveur de ce dernier. À nous de bâtir autour de ça. Et l’une de nos grandes satis-factions au fil des années est que, au plan national, la plupart des conseils départe-mentaux ont aujourd’hui pris totalement conscience de cette évolution et agissent en conséquence.
Comment se déroule le travail partenarial avec les intercom-munalités ?
C’est l’une de nos grandes satisfactions et, quelque part, l’un des apports les moins visibles du vélo alors qu’il est en soi essentiel : il crée du dialogue et oblige à regarder au-delà des frontières de son département. Si je prends l’exemple de La Vélo Francette, sa simple existence nous oblige à prendre attache avec les dépar-tements voisins, qu’il s’agisse de la Vendée, des Deux-Sèvres ou du Calvados Pour qu’un itinéraire de cette ampleur soit cohérent et surtout se concrétise, nous n’avons pas d’autre choix que de nous passer le relais et de mutualiser nos ressources… Pour en revenir précisément à la question de l’intercommunalité, j’en parle d’autant plus en connaissance de cause que je suis fréquemment amené à faire mon balluchon et à aller m’entretenir directement auprès de chacune d’entre elles. Et je ne peux que constater la belle synergie qui préside à ces réunions. Certes, chaque tracé génère son lot de crispations, mais il faut croire que c’est la thématique qui apaise puisque les débats sont quasiment toujours d’excellente tenue.
Qu’apporte un réseau comme celui des DRC à l’avancée d’une politique vélo telle que celle de la Charente-Maritime ?
C’est un espace précieux, qui favorise l’échange, le partage de savoir-faire, la promotion et la communication. L’expertise de l’équipe DRC et son engagement pour la « cause » sont remarquables. Cela nourrit notre réflexion et nous confirme, si besoin était, que nous ne sommes pas seuls à travailler sur ces thématiques. Il y a toujours à apprendre des expériences des uns et des autres – et j’ose espérer que nous apportons également notre modeste part aux débats !
Propos recueillis par Anthony Diao