La stratégie nationale du tourisme à vélo se dessine à Angoulême
La capitale du 9e art a accueilli les 7 et 8 juin derniers la 4e édition de la Conférence nationale du tourisme à vélo. Près de 200 participants, issus du secteur public et privé, ont dessiné les contours de la stratégie nationale visant à faire de la France la première destination mondiale du tourisme à vélo à l’horizon 2030. Au programme ? Une présentation de la feuille de route vers cette stratégie nationale et des séquences de travail sur les grands axes qui la composent.
Un projet collaboratif
Il y a tout juste un an, les réflexions engagées à Orléans posaient les premiers jalons d’une démarche d’intelligence collective portée par Vélo & Territoires, avec le soutien de l’ADEME. Au menu, huit séquences de travail avec une cinquantaine d’acteurs multi-sectoriels afin de s’entendre sur une ambition commune, de définir les enjeux et de les décliner en objectifs et en mesures. Le cap partagé ? Atteindre la première place des destinations mondiales du tourisme à vélo à horizon 2030. Une ambition qui trouve également son écho du côté du gouvernement, à travers le plan de reconquête du tourisme fin 2021 et le nouveau Plan vélo & marche présenté en septembre 2022. Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, n’a pas manqué de confirmer l’engagement de l’État lors de son intervention à Angoulême : « De plus en plus de Français souhaitent voyager différemment, en prenant mieux en compte les impératifs écologiques. Le tourisme à vélo c’est à la fois une opportunité plus durable pour se déplacer, mais aussi une nouvelle manière de découvrir ou de redécouvrir nos destinations françaises. […] Pour faire de la France la première destination touristique durable d’ici 2030, j’entends poursuivre la construction d’une stratégie et un programme au plus proche du terrain pour développer la filière et cette nouvelle manière de voyager en lien notamment avec Vélo & Territoires, France Vélo Tourisme et ADN Tourisme. » Un travail multi-partenarial et une vision globale du tourisme à vélo, qui fait des envieux de l’autre côté de l’Atlantique, comme en témoigne Jean-François Rheault, directeur de Vélo Québec : « Toutes les briques sont là avec le Plan vélo : mobilité, économie, tourisme, la démarche semble structurée vue du Québec, c’est inspirant ! »
Des premières réflexions sur des enjeux majeurs
Sur les questions d’ordre environnemental et climatique, divers temps d’échange ont permis d’appréhender la place du vélo dans la transition vers un tourisme plus durable, ainsi que l’impact des bouleversements climatiques, de plus en plus fréquents, sur la pratique du tourisme à vélo. Comment anticiper au mieux les aléas climatiques auxquels les itinéraires et destinations vélo font face ? Se faire connaître des services impliqués dans la gestion d’une crise, prévoir un protocole de communication et des parcours alternatifs, telles sont les pistes d’actions exposées dans un atelier dédié à Angoulême. Les itinéraires et destinations s’y préparent, parmi lesquels La Vélodyssée, lourdement touchée par les incendies en 2022 et confrontée au recul du trait de côte : « Nous sommes en train de créer une cellule de gestion de crise pour travailler ensemble et identifier les dispositifs qui existent », informe Sabine Andrieu, coordinatrice de La Vélodyssée.
Face au défi majeur de l’intermodalité, jugé comme le maillon faible du tourisme à vélo en France, quelques avancées peuvent être esquissées et des expérimentations se multiplient pour trouver des alternatives crédibles. Exemple à l’appui, l’initiative de réseau vélo augmenté conduite par Fifteen : à partir du 29 juin, l’opérateur déploiera une offre de vélos à assistance électrique en libre-service dans les huit gares de la ligne TER Royan-Angoulême.
Toujours en Nouvelle-Aquitaine, le Comité régional du tourisme a conçu des séjours packagés bas carbone visant à limiter l’usage de la voiture durant le séjour. Des services prometteurs à condition d’offrir une visibilité suffisante. Une stratégie dont s’est emparé Gare & Connexions en mettant les enjeux d’information, de stationnement et de services au cœur de sa stratégie en faveur du tourisme à vélo.
Le changement de braquet est également initié du côté de France Vélo Tourisme afin de devenir la marque de référence pour la promotion des offres touristiques et amplifier le déploiement de la marque Accueil Vélo. L’interlocuteur privilégié de la destination France à vélo lance un plan d’actions ambitieux à 360° visant notamment à toucher une diversité de cibles et à multiplier par trois le nombre d’établissements labellisés Accueil Vélo à l’horizon 2030. Pour parvenir à cet objectif, l’organisme entend renforcer l’animation et la communication autour de la marque, vraie gage d’assurance pour les touristes à vélo. Autre nouveauté ? Une adaptation du référentiel est prévue pour étendre la labellisation géographiquement et l’ouvrir à d’autres services. « Pour mettre ces projets en musique, nous devons agir collégialement », souligne Karine Dupuy, directrice de France Vélo Tourisme.
Des actions qui prennent tout leur sens à l’aube des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, une vraie opportunité pour faire rayonner la destination France à vélo autour du patrimoine, des jeux et de « l’art de vivre » à la française.
Les clientèles au cœur de la démarche
« Nous devons viser la satisfaction client car ce sont nos meilleurs ambassadeurs », indique Olivier Amblard, président de France Vélo Tourisme. Cette approche se doit d’être plurielle afin de prendre en compte une diversité de profils et de pratiques du tourisme à vélo, avec une complémentarité à créer entre les itinéraires et les destinations. Comme le rappelle Thomas Perrocheau, administrateur de Vélo & Territoires, « la porosité des pratiques est de plus en plus prégnante. Il faut faire en sorte que cette culture vélo dans laquelle nous baignons soit accessible à tous. »
Des dispositifs d’aide et d’appui pour des expérimentations accompagnent les territoires dans cette démarche. Du côté de l’Ademe, deux outils sont actuellement à disposition : le programme « Développer le vélotourisme » et l’appel à projets « Formes émergentes du tourisme ». Le premier permet de co-financer plusieurs actions en faveur du tourisme à vélo, là où le deuxième soutient, via des aides à l’investissement et à l’ingénierie, le développement d’offres touristiques durables émergentes. Côté expérimentations, l’initiative Vacances à vélo portée par la Véloscénie, propose des vélos équipés en gare, une application géolocalisée et surtout une solution one way avec la possibilité de rendre son vélo à la gare d’arrivée pour améliorer l’expérience en itinérance. Une quête d’innovation expérimentée également par Solutions & Co en Pays de la Loire « Nous recherchons des solutions pour rapporter les vélos à des prix abordables », indique Stéphanie Chabot, chargée de développement tourisme.
Dernier symbole et non des moindres : Atout France renforce ses actions à travers des appels à manifestation d’intérêt, mais aussi la promotion pour faire rayonner le tourisme à vélo en France et à l’étranger.
Le tourisme à vélo évolue dans un contexte favorable avec plusieurs voyants au vert représentés dans les chiffres clés du tourisme à vélo 2022. Des outils comme les nouveaux tableaux de bord sur la fréquentation des itinéraires cyclables sont mis à disposition des territoires pour réaliser cette ambition commune de la France à vélo 2030. Prochaine étape ? La poursuite du travail engagé afin d’affiner la feuille de route et de disposer d’une stratégie nationale aboutie d’ici fin 2023.
Elodie Sauze