Lancement de l’appel à territoires cyclables
Après six appels à projets du Fonds mobilités actives – Aménagements cyclables (entre 2019 et 2023) et en guise de clap de fin pour Mai à vélo 2023, le gouvernement s’engage dans un accompagnement financier pluriannuel innovant de quelques collectivités démonstratrices. Annoncé pour la première fois lors de la présentation du Plan vélo 2.0 en septembre dernier, puis à l’occasion du premier Comité interministériel du vélo du 5 mai, le cahier des charges de l’appel à territoires cyclables est enfin dévoilé. Une enveloppe de 100 millions d’euros est disponible pour accélérer la mise en œuvre de schémas directeurs cyclables dans quelques territoires pilotes démonstrateurs. Décryptage.
Coup d’accélérateur pour les infrastructures cyclables dans des territoires de moindre densité
En ouvrant ce dispositif uniquement aux communautés de communes et d’agglomérations*, le gouvernement entend accélérer la mise en œuvre des infrastructures cyclables dans des territoires peu ou moyennement denses. Alors que 85 % des aménagements cyclables prévus dans les mandats actuels restent à déployer, dont près du tiers sera réalisé par des intercommunalités**, ce coup de pouce annoncé pour les infrastructures semble le bienvenu.
Afin de garantir des effets visibles rapidement, le dispositif est réservé aux collectivités ayant adopté un schéma directeur des infrastructures cyclables avant la fin de l’instruction des candidatures, soit le 15 octobre 2023. Du côté des compétences, les collectivités AOM sont priorisées. À défaut, les modalités de coopération envisagées avec le ou les maîtres d’ouvrage doivent être exposées.
Le véritable changement vis-à-vis des précédents appels à projets aménagements cyclables du Fond mobilités actives réside dans l’accompagnement pluriannuel des collectivités qui répond au besoin de simplicité des financements pour les collectivités. Une vraie innovation dont Vélo & Territoires se félicite. Le dispositif accompagne financièrement les lauréats sur l’ensemble des aménagements cyclables fléchés dans le « programme » présenté, sur une période pouvant aller jusqu’à six ans. Ces nouvelles modalités sont une réponse au caractère contraignant des précédents appels à projets pour les collectivités. Alors que pour le 6e appel à projets du Fond mobilités actives, seuls les projets d’un montant supérieur à 200 000 euros étaient éligibles à un financement pour les territoires peu denses***, avec ce dispositif, l’ensemble des aménagements identifiés dans le programme pourront faire l’objet de financement (sous réserve de respect des normes du Cerema). Les aménagements relatifs à l’apaisement des circulations (zone 30, zones de rencontres) sont également centraux dans cet appel à territoires.
100 millions pour accompagner 15 à 25 collectivités lauréates
L’enveloppe allouée à ce premier appel à territoires doit permettre d’accompagner au minimum un lauréat par région. Selon les fonds restants, un second pourra être sélectionné. L’ensemble des lauréats seront annoncés en décembre.
Ce dispositif finance à hauteur de 50 % les investissements des collectivités liés la mise en œuvre de leurs schémas directeurs (60 % pour les collectivités d’outre-mer). Frais de maîtrise d’ouvrage, de maîtrise d’œuvre, études préalables ou encore acquisitions foncières entrent ainsi dans l’assiette subventionnable. Les collectivités lauréates des précédents appels à projets du Fond mobilités actives sont éligibles à ce dispositif qui est par ailleurs cumulable avec les différents fonds de dotations (DSIL, DSID), fonds européens (comme le FEDER) et le fonds vert. De belles perspectives de financements pour les lauréats.
Si le signal est positif, 100 millions d’euros pour accompagner les lauréats jusqu’à six ans, rend une seconde sélection de lauréats difficile à imaginer. À défaut d’une enveloppe plus conséquente, Vélo & Territoires ne peut que souhaiter voir ce dispositif répliqué (et adapté) dès l’année prochaine pour de nouveaux territoires.
La dissémination, clé du succès pour ce nouveau dispositif
Au regard du faible nombre de lauréats, le succès de cet appel à territoires cyclables résidera dans la capacité à faire émerger des territoires démonstrateurs dans chaque région. L’accélération de la mise en œuvre des schéma directeurs dans ces territoires entend en effet révéler des aménagements et des bonnes pratiques réplicables par les autres collectivités. C’est la raison pour laquelle Vélo & Territoires et les partenaires consultés dans l’établissement du cahier des charges ont veillé à ce que les dépenses liées aux actions de communication (capsules vidéo, reportages photos, etc.) soient intégrées dans l’assiette subventionnable. Les territoires lauréats devront donc s’attendre à accueillir des éductours pour partager leurs réalisations, à présenter ces dernières (lors de congrès, webinaires, etc.). Un paramètre que les élus et agents des collectivités lauréates ne devront surtout pas sous-estimer. Dans le même temps, une belle visibilité est offerte aux territoires démonstrateurs lauréats.
Le soutien à l’ingénierie, à l’expérimentation et aux mesures d’accompagnement : quelques absents
Alors que le manque de moyens humains et d’ingénierie est le principal frein au développement des politiques cyclables dans les territoires****, on regrette que ce nouveau dispositif n’y remédie pas. Pour l’Institut de l’Economie pour le Climat, il faut 6 ETP pour 100 000 habitants pour suivre les projets d’infrastructures cyclables. L’Enquête nationale sur les politiques modes actifs en dénombre presque trois fois moins avec en moyenne 2,5 ETP pour 100 000 habitants*****. Espérons que les lauréats se saisiront toutefois de cet accompagnement financier prolongé pour engager de nouveaux moyens humains et tirer pleinement les bénéfices de ce dispositif.
Autre bémol concernant l’appel : le peu de place laissé à l’expérimentation. Si le conditionnement des subventions au respect des normes du Cerema est indispensable pour garantir un maillage cyclable de qualité, cet accompagnement prolongé aurait pourtant été l’occasion d’expérimenter et d’innover dans la mise en œuvre d’aménagements cyclables adaptés à des contextes territoriaux de moindre densité.
Enfin, si l’objet de ce dispositif est d’accélérer la mise en œuvre des schéma directeurs cyclables, ces derniers ne trouvent en général de véritable succès qu’assortis de mesures d’accompagnement au changement, d’animation, de services et de sensibilisation à destination des acteurs des territoires concernés. L’ensemble de l’écosystème vélo ne doit pas être négligé.
Lucille Morio
*Enquête nationale sur les politiques modes actifs 2022
**Moyenne des EPCI répondants à l’Enquête nationale sur les politiques modes actifs 2022. Ce chiffre comprend l’ensemble des ETP travaillant au développement du vélo dans ces collectivités (et non uniquement sur le suivi des projets d’infrastructures cyclables).
***Et par exception des syndicats couvrant une communauté de communes ou d’agglomération
****Chiffres tirés de L’Enquête nationale sur les politiques modes actifs 2022
*****Dans le cahier des charges du 6e appel à projets du Fond mobilités actives, l’aide demandée par les collectivités ne pouvait être inférieure à 100 000 € par projet, avec un taux d’aide de 50 % maximum de financement pour les projets situés en secteur moins dense, définis comme étant situés dans une unité urbaine de moins de 100 000 habitants.
Pour aller plus loin :
Cahier des charges et plateforme de dépôt des dossiers de candidature