Le COI ne mise pas sur le vélo, au Plan vélo de le sauver
Longtemps attendu, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) a été remis à la Première ministre Elisabeth Borne ce vendredi 24 février. Ses préconisations éclairent la trajectoire d’investissement du Gouvernement dans les infrastructures de transport pour les cinq prochaines années et au-delà. Parmi trois possibilités, c’est le scénario médian dit de “planification écologique” qui est retenu. Ce dernier esquisse un début de planification écologique et désigne le ferroviaire comme la « colonne vertébrale » des mobilités de demain. Ce rapport manque en revanche de placer le vélo au centre des orientations stratégiques de l’État. Le Gouvernement devrait s’affranchir de ces préconisations sur le cyclable, en cohérence avec ses annones sur le Plan vélo. Mais dans quelle mesure ? Il ne le dit (toujours) pas. Décryptage.
Un Plan d’avenir des transports déconnecté du terrain sur le vélo
Une semaine après le vote favorable d’une résolution pour le développement d’une stratégie européenne vélo au Parlement européen, les regards étaient tournés vers Matignon ce 24 février. L’attente était longue pour les acteurs de la mobilité et de l’écosystème vélo. Si le scénario de « planification écologique » et l’annonce d’un plan de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire d’ici 2040 actent une vraie prise de conscience des besoins d’investissement dans l’entretien, la régénération, la modernisation du réseau ferroviaire et le renforcement de l’offre de trains, le vélo sort perdant de ce scénario médian. Suivre les préconisations du COI reviendrait en effet à acter un ralentissement des investissements dans les infrastructures cyclables alors même qu’une politique de développement équilibré du patrimoine national cyclable dans tous les territoires nécessite, au contraire, un renforcement des investissements.
Le signal est d’autant moins bon à l’heure où 65 % des collectivités indiquent que la mise en place d’un maillage cyclable continu, sécurisé et signalé sera le principal enjeu de leur politique vélo dans les années à venir.[1] Les freins rencontrés par les territoires sont multiples pour faire aboutir les projets vélo. La résorption de coupures ou de point noirs causés par les infrastructures relevant du domaine public de l’État fait partie de ces freins importants et implique des investissements conséquents, dont une grande partie doit être portée par les territoires. Sans financements nationaux, les collectivités seules ne pourront pas engager les énormes investissements nécessaires pour sécuriser la pratique du vélo, l’amplifier et atteindre l’objectif national affiché de 12 % de part modale vélo en 2030.
Le vélo a une place centrale dans la chaîne des déplacements
Dans son discours ce 24 février, la Première ministre désigne le ferroviaire comme la « colonne vertébrale » des mobilités de demain. « Les infrastructures doivent être conçues pour permettre l’intermodalité », indique-t-elle, en alternative prometteuse à l’autosolisme qui participe à réduire les gaz à effet de serre dans le domaine des transports, en accord avec la Stratégie nationale bas-carbone dont l’objectif est une baisse des émissions de 28 % d’ici 2030. Or, nous dit la Première ministre, pour « investir en priorité dans les infrastructures qui nous permettent d’entamer la transition écologique et d’améliorer la vie quotidienne des citoyens », miser sur l’intermodalité en facilitant les connexions entre les différents modes de déplacement est indispensable. Dans cette équation, la place du vélo est évidente. Elle reste encore sous-utilisée et sous-envisagée, malgré les efforts des collectivités qui se heurtent à d’innombrables obstacles. Le rapport du COI en loue l’intérêt sans en préconiser le financement massif par l’État.
Seul le Plan vélo 2.0 qui se fait attendre peut redonner confiance
Les mobilités de demain ne se construiront pas qu’avec des infrastructures lourdes et coûteuses. Pour réussir la transition écologique de ses mobilités, seul secteur dont les émissions augmentent, la France a besoin d’une vision globale ambitieuse. « Nous devons faciliter et promouvoir les modes de déplacement doux comme le vélo », invite Elisabeth Borne. « C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Un comité interministériel se réunira le mois prochain pour assurer le suivi du Plan vélo présenté en septembre dernier et nous maintenons l’ambition de ce Plan sur les prochaines années. » Le Gouvernement ne suivra donc manifestement pas les préconisations du COI en la matière ce qui est une bonne nouvelle. Mais concrètement, les choses restent floues. La concrétisation des 250 millions d’euros annoncés en septembre dernier pour les infrastructures et le stationnement vélo se fait attendre. A ce jour, seul le sixième appel à projets du Fonds mobilités actives avec ses 100 millions d’euros est lancé.
A plusieurs reprises, l’Alliance pour le vélo a pourtant alerté le Gouvernement sur le besoin des collectivités d’être soutenues rapidement et durablement par l’État. Un premier comité interministériel vélo en mars ? Annoncé depuis septembre et ajourné en décembre, ce rendez-vous tarde à marquer la première étape attendue pour mettre concrètement en œuvre le Plan vélo. Pour l’Alliance pour le vélo, 2023 doit constituer une année-plancher d’un Plan vélo qui, à partir du premier comité interministériel à 250 millions d’euros en « année 1 » monte progressivement en charge pour atteindre les 2,5 milliards d’euros sur le quinquennat pour accélérer le développement du vélo sur tout le territoire, accompagner les ambitions cyclables des collectivités et rendre les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone concrets et réels.
Les CPER, en guise de premier gage ?
Une autre étape, et non des moindres pour l’Alliance, consistera à faire des futurs Contrats de Plan État Régions (CPER) 2021-2027 les premiers CPER cyclables. Liaisons intercommunales par la sécurisation des voiries hors-agglomération, liaisons favorisant l’intermodalité avec les modes de transports collectifs et partagés, réseaux cyclables à haut niveau de service, … les enjeux sont de taille pour ces CPER, dont les mandats de négociation seront envoyés aux préfets dès le mois de mars, ainsi que n’a pas manqué de le souligner Elisabeth Borne. Pourquoi est-ce si important ? Parce que l’inscription de crédits dédiés aux investissements cyclables est indispensable pour soutenir et faciliter le financement pluriannuel et, ce faisant, « travailler main dans la main avec les collectivités » porteuses de projets vélo comme le demande la Première ministre. Figurant en 21e position en Europe pour ses investissements cyclables nationaux par habitant, la France ne peut pas se permettre de creuser encore plus l’écart avec ses voisins et doit (ré)agir vite.
Dorothée Appercel
[1] Enquête nationale sur les politiques modes actifs, Vélo & Territoires et Club des villes et territoires cyclables et marchables, 2022. Données récoltées auprès de 1 200 collectivités.