Le Cher, territoire cyclable
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°64
Hôte à venir des 26es Rencontres Vélo & Territoires en 2022, le conseil départemental du Cher est, La Loire à Vélo oblige, sensibilisé de longue date à la cause cyclable. Une tendance confirmée par la redécouverte récente du potentiel du Canal de Berry.
Entretien avec Véronique Fenoll
Conseillère départementale du Cher et présidente du Syndicat du Canal de Berry, itinéraire Cœur de France à vélo
Quel est l’objectif de cette véloroute qui relie le Cher à l’Allier et pourquoi cette structuration en syndicat ?
Le Canal de Berry à vélo s’inscrit dans une démarche alliant loisirs et découvertes, voies douces, mobilité et sécurité. Cette voie navigable a été déclassée en 1955 et les différentes communes riveraines en sont devenues propriétaires. Un syndicat unifié a vu le jour au 1er janvier 2015 pour coordonner l’ensemble. Je le préside depuis avril 2015.
Où en est l’aménagement de cet itinéraire ?
Le Canal de Berry à vélo représente un total de 190 km en forme de « Y » inversé, avec des axes
est-ouest et nord-sud, et 3,5 km de large au maximum. Plus de 90 km ont été réalisés entre 2015 et juillet 2021, le reste devrait être finalisé d’ici 2026. En fil rouge, nous avons la volonté d’une homogénéité de traitement et d’entretien tant sur les écluses que sur les berges. La crise sanitaire a eu pour l’heure un impact limité sur l’avancement des travaux. Les entreprises locales nous ont bien suivis et notre première tranche a pu être livrée en temps et en heure.
Quelles sont les particularités de ce parcours ?
C’est un canal déclassé. À ce titre il conserve quelques passages à sec, d’autres en eau, des endroits ont été comblés… Surtout, il traverse à trente-cinq reprises des communes, ce qui est un atout indéniable pour la découverte du patrimoine.
Quels types de cyclistes le fréquentent ?
Il est bien sûr très prisé des touristes locaux, mais également des Belges et des Néerlandais qui empruntent la V46. La fréquentation a progressé dès le premier déconfinement, en particulier les
week-ends et pendant les vacances. Pour ce qui est des cyclistes du quotidien, la tendance est, elle aussi, à la hausse du côté notamment des communes de Vierzon, Bourges ou Saint-Armand Montrond.
Votre département sera l’hôte en 2022 des 26es Rencontres Vélo & Territoires. Qu’attendez-vous de cet évènement ?
Nous en attendons évidemment beaucoup, d’autant que justement le canal de Berry sera à l’honneur de la traditionnelle visite à vélo cette semaine-là. Avant cela, j’ai bien l’intention de me rendre à l’édition ardéchoise cet automne. Ce sera l’occasion de prendre des notes. Nous nous instruisons toujours des autres, n’est-ce pas ?
Entretien avec Emmanuel Rochais
Directeur des dynamiques territoriales touristiques et départementales au conseil départemental du Cher
Que représente pour vous la réception en 2022 des 26es Rencontres Vélo & Territoires ?
Déjà nous sommes très heureux que notre candidature ait été acceptée. C’est une belle reconnaissance pour notre département, mais aussi pour la région Centre-Val de Loire, notamment par rapport à tout ce qui a été mis en œuvre autour de La Loire à Vélo. C’est une histoire qui s’inscrit dans la durée. Nous étions là dès la conception et avons été les premiers à démarrer les travaux de cet itinéraire emblématique. Cette volonté perdure : le Département a plusieurs fois changé de majorité politique depuis et cet axe-là demeure. Tout ceci montre que même une petite collectivité avec peu de moyens peut faire de la qualité. Et qu’il y a de beaux aspects à la ruralité. Du Printemps de Bourges à Sancerre en passant par toute l’histoire méconnue du Berry, les retours montrent que notre territoire est apprécié.
Quelles sont ses caractéristiques ?
Même s’il n’y a ni mer, ni montagne, notre territoire est d’abord affaire de nature et de paysages. Il
est plutôt plat, mais ce n’est pas la Beauce non plus. Nous sommes aussi aux confins du Massif central, avec un patrimoine de qualité, quatre vins en AOC… Et puis, même si cela n’a pas été quantifié officiellement, force est de constater que la pandémie de Covid a attiré chez nous nombre de nouveaux habitants. Nos agences immobilières sont assaillies de demandes d’achat, nos entreprises qui peinaient à recruter des cadres en trouvent soudain beaucoup plus rapidement. Avec le déconfinement, cette ruralité qui était parfois perçue comme un handicap semble être devenue un atout. Ajoutez à cela la renaissance du canal de Berry grâce justement à la pratique du vélo et vous avez une vision assez complète je pense de l’endroit dont nous parlons.
Quel rôle a eu La Loire à Vélo dans le développement du vélo sur le territoire du Cher ?
Cet itinéraire est évidemment fondateur pour nous. Le Département s’est saisi du projet en 2002. Je suis pour ma part arrivé en 2004. À l’époque nous devions presque « évangéliser » nos interlocuteurs pour les convaincre de l’utilité du projet et de l’opportunité qui s’offrait à nous d’attirer de nouveaux touristes. En 2021, cet argumentaire est presque devenu une évidence !
Vous employez le terme « touristes ». Quelle place votre approche du vélo accorde-t-elle aux déplacements pendulaires ?
Notre logique de déplacement à vélo est effectivement avant tout touristique, avec la création d’axes structurants pour connecter les principaux pôles d’attractivité, ainsi que les départements limitrophes. En revanche, et même si elle n’a pas encore fait l’objet de statistiques détaillées, nous constatons le développement important de la pratique pendulaire, c’est indéniable.
Comment évolue le budget consacré à ces dépenses ?
Nous bénéficions d’une programmation pluriannuelle vélo qui permet de lisser ce budget dans le
temps. Le Département programme en moyenne 500 000 euros de subventions par an, étalées sur dix ans. En tant que patrimoine local incontournable, le projet Canal de Berry à vélo représente, pour sa part, 21 millions d’euros soit, depuis 2015, deux millions d’investissement par an pour le syndicat dédié et le Département. C’est également peu ou prou la somme annuelle que nous avons investie de 2006 à 2013 pour l’aménagement de La Loire à Vélo.
Quels sont les enjeux dans les prochains mois ?
Le premier enjeu est la poursuite de la V46 Cœur de France à vélo sur les berges du canal de Berry, puis l’aménagement de la V48 ou Méridienne verte qui relie Bourges à Sully-sur-Loire. Nous espérons pouvoir procéder aux appels d’offres début 2022. Ce nouvel itinéraire a notamment de fortes potentialités au niveau culturel, puisque nous avons par exemple l’idée de créer une synergie avec l’École nationale supérieure d’arts de Bourges. L’autre grand chantier concernera la liaison entre Bourges et Sancerre, puisque ces communes sont les deux « tours Eiffel du département ». Sur une autre échelle, un projet de liaison entre La Rochelle et Bourges, à cheval sur cinq départements, est également à l’étude. Les Francofolies de La Rochelle et le Printemps
de Bourges, deux des festivals culturels les plus renommés de France, sont gérés par la même société. Cela constitue une belle porte d’entrée.
Comment gérez-vous les points difficiles auxquels vos services peuvent être confrontés lors de l’élaboration d’un itinéraire ?
De la même manière que nous parlons de modes doux, nous avons toujours privilégié un traitement en douceur des éventuelles difficultés qui peuvent se poser. Si c’est compliqué, soit nous contournons l’obstacle, soit nous négocions jusqu’à parvenir à un accord à l’amiable, et cela nous a plutôt bien réussi jusqu’ici… En réalité, la principale vraie difficulté à laquelle nous sommes confrontés est de boucler les plans de financement. Les délais sont souvent importants, notamment concernant le déblocage effectif des fonds européens lorsqu’ils nous sont alloués. Cela ajoute de la complexité.
Quelle incidence a la crise sanitaire sur la pratique du vélo et sur l’avancement de vos aménagements ?
Concernant les aménagements, les retards se sont limités au maximum à deux mois, ce qui n’est pas excessif compte tenu du climat d’incertitude ambiante. Concernant la pratique du vélo à proprement parler, je pense que c’est le même constat partout, à savoir que le confinement a suscité une envie générale de s’aérer et que, au déconfinement, le vélo s’est avéré l’outil le plus adapté pour concrétiser cela. Tous les compteurs ont explosé, tant au niveau des ventes que de la fréquentation, a fortiori avec une météo aussi favorable. Et, là encore, le canal de Berry a confirmé tout son potentiel d’attractivité.
Trois questions à Emmanuel Riotte
Maire de la commune de Saint-Amand Montrond et conseiller départemental du Cher
- 1. Quel rapport votre commune entretient-elle avec le vélo ?
Si nous parlons du vélo sportif, il s’agit d’une véritable histoire d’amour entre le vélo et nous. Nous avons accueilli trois fois le Tour de France cycliste, six fois Paris-Nice, quatre fois le Tour de l’Avenir, dix-neuf fois le Trophée d’Or… Et, depuis trois décennies, nous disposons d’un vélodrome et d’un pôle d’entraînement municipal pour le cyclisme coordonné par des agents de la Ville.
- 2. Et concernant le vélo en tant qu’outil de mobilité ?
Nous avons une vraie volonté de développer cet aspect. Outre le niveau 2 du label Ville à vélo du Tour de France, nous avons le label Territoire à vélo avec le canal de Berry, qui vient dans la continuité des 25 km de bandes et pistes cyclables aménagées ces dernières années. La Ville a en outre installé des stationnements vélo sur une dizaine de sites du centre-ville et une première borne de recharge pour les VAE – d’autres devraient suivre puisque nous allons prochainement doubler nos kilomètres cyclables. Elle a enfin investi un montant total de 15 000 euros pour six VAE à destination des seniors accompagnés par le centre communal d’action sociale, mais aussi 4830 euros pour deux vélos destinés aux jeunes suivis par la Mission locale pour aller travailler.
- 3. Le canal de Berry joue aussi un rôle structurant important…
Complètement. Son développement décuple l’intérêt touristique du Département. Le nombre de passages de vélos n’a jamais été aussi important, et la liaison avec La Loire à Vélo draine une nouvelle clientèle. C’est indéniablement un atout de développement d’avenir, au même titre que l’itinéraire reliant Meillant à Tronçais ou la piste d’éducation routière des Buissonnets – un circuit routier doté d’une signalétique adaptée pour apprendre aux enfants à se déplacer à vélo en sécurité.
Trois questions à Eliot Calaise
Co-fondateur de Calaise Bicycle, magasin de vente et location de cycles à Bourges
1. Comment fonctionne votre entreprise ?
Théo et moi, nous sommes frères jumeaux et associés. Nous nous sommes lancés en 2016 avant
d’évoluer en SARL à l’été 2019. Nous sommes issus du BMX et avons commencé par la revente de vélos d’occasion pour une clientèle parisienne sur rendez-vous avant de revenir à Bourges. Nous avons aujourd’hui deux locaux l’un en face de l’autre, l’un pour la location de vélos, l’autre pour la vente et la réparation. Nous sommes deux permanents et un troisième qui vient plus ponctuellement.
2. Quel type de clientèle vous sollicite ?
C’est très varié. Il y a des gens de Bourges, de Nantes, de Tours, d’Orléans… Une clientèle sportive,
une autre plus familiale à vélo cargo, des vélotaffeurs… Nous livrons dans la France entière, du vélo d’occasion au VAE neuf. En moyenne, nous tournons sur une centaine de vélos.
3. Quels sont les retours d’usagers concernant les aménagements cyclables aux alentours ?
Nous avions repéré de longue date le potentiel du canal de Berry et sommes heureux de le voir prendre son essor puisque de plus en plus de personnes font un crochet par Bourges pour le rejoindre. Concernant les points d’amélioration, l’hypercentre de la ville gagnerait à être mieux aménagé. La demande de sécurisation va de pair avec la hausse du nombre de cyclistes.
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Propos recueillis par Anthony Diao