Stratégies vélo : retour sur la Journée Vélo & Territoires 2020
Une première pour Vélo & Territoires. Près de 450 acteurs du vélo de la France entière se sont connectés au premier des quatre séminaires en ligne de la Journée Vélo & Territoires* le 18 juin. Au programme ? États des lieux et témoignages pour porter une politique cyclable 360°, du national au local. A dix jours du deuxième tour des élections municipales, la participation à cette journée technique, labellisée France Mobilités et organisée en partenariat avec l’Ademe, le Cerema et la Ciduv, affirme la mobilisation cyclable des territoires. Sur fond de fréquentation cyclable en nette progression, comment entretenir l’élan et tenir le cap stratégique de la France à vélo 2030 ? Morceaux choisis.
Le vélo fédère et accélère
« Rares sont les sujets qui fédèrent autant et qui se développent avec autant de bienveillance et d’intérêt mutuel entendu », souligne Chrystelle Beurrier, présidente de Vélo & Territoires, en ouverture de la journée. « La crise du Covid-19 nous fédère encore davantage. La préparation du déconfinement a soudé les acteurs du vélo en France qui ont intensément collaboré en transversalité et en confiance. » Pierre Serne, président du Club des villes et territoires cyclables, confirme l’alignement exceptionnel des planètes : « Nous sommes en train de vivre une période impressionnante. Rien ne permettait d’anticiper une telle ampleur et une telle vitesse. Des tout petits territoires ont exprimé leur envie de mettre en place des aménagements cyclables de transition dès le lancement de notre sondage ». Même écho du côté de la FUB : « Les cyclistes vivent un rêve éveillé en cette période », témoigne son président Olivier Schneider. La fédération décrypte cet engouement historique, ce « Un mois qui a fait gagner cinq ans aux politiques cyclables » selon elle. La Fédération européenne des cyclistes (ECF) fait aussi un premier bilan des mesures cyclables post-confinement en Europe. Résultat ? La France obtient la meilleure note des pays ayant soutenu le vélo en période de déconfinement. Elle est le seul pays à décrocher cinq étoiles.
Réduire la fracture cyclable
La crise sanitaire est une opportunité pour libérer l’immense potentiel de vélo partout en France. « Le vélo est très médiatisé en ce moment. Mais l’arbre des villes cache la forêt du périurbain et du rural » explique Elodie Barbier-Trauchessec, animatrice mobilités émergentes à l’Ademe. La hausse de la pratique du vélo concerne avant tout le centre des grandes villes. Dans les banlieues, les communes de deuxième couronne des grandes agglomérations et l’espace rural, elle est en baisse comme en témoigne l’étude sur l’impact économique et le potentiel des usages du vélo en France publiée en mai. « Si nous mettons en place un environnement qui lui est favorable, le vélo sera un outil pertinent dans tous les territoires » précise Elodie Barbier-Trauchessec en appelant à la mobilisation à tous les niveaux. Synthétisée en infographies et douze capsules vidéo, ladite étude de 375 pages pointe également la forte baisse de la pratique cyclable des jeunes. « Nous avons absolument besoin de sensibiliser les enfants à la mobilité active, ils sont notre génération future ».
Exemple emblématique ? La communauté de communes du Mont des Avaloirs en Mayenne : 26 communes, 16 500 habitants. L’EPCI finalisera l’élaboration de son schéma directeur cyclable cette année, avec le soutien de France Mobilités dans le cadre de son projet « Tous à Bicyclette ». Élaboré en lien étroit avec les habitants, les associations vélo et sociales, le département de la Mayenne et les services de l’État, ce schéma directeur entend améliorer l’accessibilité à vélo des quatre pôles centralisant les services, emplois et loisirs, dans un rayon de 5 km, par l’aménagement d’un réseau cyclable sécurisé, jalonné et efficace. Alors que la part modale vélo dans les déplacements domicile-travail est de 1 % aujourd’hui sur la communauté de communes, ce réseau cyclable planifié couvrira les deux tiers des déplacements potentiellement transférables au vélo et vise les 10 % de part modale à horizon 2030. Le déclic ? « Il y a une vraie volonté politique de développer le vélo sur notre territoire. La stratégie vélo s’inscrit dans notre projet d’attractivité et de développement et dans l’objectif de tendre vers une autonomie énergétique d’ici 2050 », témoigne Cyril Couroussé, chargé de mission mobilités et environnement à la communauté de communes du Mont des Avaloirs.
Mobiliser à tous les étages
La mobilisation locale entraine le national et réciproquement ? « L’État permet de faire du vélo un mode de déplacement à part entière » résume Thierry du Crest, coordinateur interministériel pour le développement de l’usage du vélo. « La stratégie vélo, c’est avant tout une politique locale. Mais pour que cela fonctionne, il faut un écosystème. Le rôle de l’État, c’est aussi de réunir cet écosystème vélo et de le mettre en synergie ». La contribution du gouvernement s’est traduite par l’annonce du Plan vélo en 2018 doté d’un Fonds mobilités actives de 350 millions d’euros sur sept ans. Elle s’est confirmée en décembre 2019 par la promulgation de la Loi d’orientation des mobilités qui, pour la première fois, intègre le vélo comme mode de déplacement. Elle s’est amplifiée avec le Plan vélo d’urgence de 20 puis 60 millions d’euros annoncé fin avril 2020 pour favoriser la pratique du vélo en période de déconfinement. « Le programme savoir rouler à vélo, l’appel à projets Continuités cyclables qui couvre 112 territoires pour sa première édition en 2019, la Dotation de soutien à l’investissement local augmenté d’un milliard d’euros, le Forfait mobilités durables et France Mobilités sont des outils nationaux qui soutiennent l’action vélo des collectivités territoriales » indique Thierry du Crest. Pour encourager la prise en compte du vélo dans les documents cadres et inciter les collectivités à utiliser les crédits disponibles, Vélo & Territoires mène une campagne sur les financements vélo en 2020. A l’heure des plans de relance, les investissements doivent converger vers des outils performants de politique publique à forte valeur ajoutée quel que soit l’échelon territorial. L’investissement vélo en fait indéniablement partie.
Initialement souvent ralliés au vélo par sa dimension touristique, les départements et les régions s’intéressent de plus en plus à son potentiel pour la mobilité quotidienne et construisent une politique transversale. « Né à la direction des infrastructures, le vélo implique désormais celle de l’attractivité et du rayonnement, ainsi que celle de la transition écologique » souligne Ségolène Chignard de la région Sud-Provence-Alpes-Côtes d’Azur. Le plan vélo 2020 du département des Pyrénées-Atlantiques témoigne également de ce nouveau souffle donné aux politiques cyclables. « Le Département mise sur le travail inter-directions pour penser et construire une politique cyclable 360° et faire entrer le vélo dans toutes les composantes de la collectivité, qu’il s’agisse d’actions ou de l’implication du personnel » explique Laurence Pauly, responsable de l’équipe nouvelles pratiques de mobilité du département des Pyrénées-Atlantiques.
Passer à la vitesse supérieure
L’appel lancé par la présidente de Vélo & Territoires est clair : « Il faut quadrupler l’investissement vélo pour atteindre une part modale vélo de 12 % en 2030 et pour porter la France au plus haut niveau des politiques cyclables à tous les étages ». L’Enquête Territoires 2019 a beau démontrer une augmentation de 40 % en dix ans du budget d’investissement des collectivités sur les politiques cyclables, la marche est encore haute. Pour généraliser la pratique du vélo dans tous les territoires, réduire la fracture cyclable et tenir le cap stratégique de la France à vélo 2030, il sera en effet nécessaire de passer d’un budget de 8 à 10 €/an/habitant, tout type d’investissement public confondu, à un investissement supérieur à 30 €/an/habitant pour le vélo. La République d’Irlande, de son côté, vient d’annoncer un budget de 360 millions d’euros par an pour le vélo et la marche pour ses 5 millions d’habitants, soit 72 €/an/habitant. « Européennes, nationales ou régionales, toutes les politiques cyclables rencontrent un intérêt qui dépasse les espoirs de leurs promoteurs », constate Camille Thomé, directrice de Vélo & Territoires. « Après les élections municipales qui ont donné une place inédite aux modes actifs, le calendrier institutionnel doit entretenir l’élan. Les EPCI sont invités à se saisir de la compétence d’autorité organisatrice de la mobilité d’ici mars 2021. S’ils ne le font pas, les régions prendront le relais. Les cartes seront ainsi redistribuées. Vélo & Territoires, pour sa part, accompagne les collectivités pour inscrire le vélo dans les plans de relance et programmations financières 2021-2027 en cours d’écriture ». Quadrupler la part modale vélo en dix ans ? L’objectif est ambitieux mais atteignable si tous les moyens sont réunis et si les efforts convergent vers la construction d’un écosystème vertueux en faveur du vélo. Cela passe indéniablement par des stratégies vélo de tous les territoires.
Dorothée Appercel
Pour aller plus loin :
- Les replays des quatre séminaires en ligne de la Journée Vélo & Territoires 2020
- Les supports de présentation des quatre séminaires
*Ces supports sont accessibles à tous jusqu’au 24 juillet 2020. Ils seront ensuite réservés aux adhérents de Vélo & Territoires.