La région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur, territoire cyclable
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°58
La région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur a pris le guidon plus tardivement que d’autres territoires. Elle a désormais saisi les enjeux de son époque, s’appuyant sur les deux grands itinéraires cyclables que sont la ViaRhôna et La Méditerranée à vélo comme bases d’un cercle vertueux pour atteindre l’objectif de 2 020 km d’itinéraires d’ici 2025.
Entretien avec Louis Biscarrat
Maire de Jonquières (Vaucluse), membre des commissions Tourisme et Transports et Ports du conseil régional Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur
Quel regard portez-vous sur l’évolution du vélo sur votre territoire ?
Je dois avouer qu’au début la majorité était peu à l’écoute et que, en l’espace de trois ou quatre années, l’évolution a été impressionnante. C’est une thématique qui me tient à cœur et je suis heureux de constater que la demande est réellement forte à présent au niveau de chacune des collectivités territoriales concernées. J’ai presque envie de dire que, sur ces questions, les choses roulent toutes seules car tout le monde pédale dans le même sens.
Qu’est-ce qui a fini par rendre le vélo si fédérateur ?
De plus en plus de citoyens – et donc aussi d’élus – mesurent à quel point nous sommes en train de changer de monde. L’enjeu immédiat n’est pas de bannir la voiture, mais de bâtir des réseaux cyclables, d’aménager les gares, de développer des pôles d’échanges multimodaux, bref : d’intégrer les déplacements doux. Tout ceci génère un développement touristique important avec des retombées économiques dans les territoires.
Votre territoire est traversé par deux EuroVelo : La Méditerranée à vélo et la ViaRhôna…
Oui, ce sont nos deux colonnes vertébrales régionales. L’EuroVelo 8 – La Méditerranée à vélo et l’EuroVelo 17 – ViaRhôna sont les deux itinéraires pour lesquels la Région participe à un comité d’itinéraire, en tant que chef de file pour le premier et de partenaire pour le second. L’idée est que chacun tende vers les mêmes objectifs en matière de qualité et d’homogénéité de l’infrastructure cyclable, avec un calendrier partagé pour offrir rapidement une continuité. Celle de La Méditerranée à vélo atteint les 80 % après deux ans d’existence du Comité d’itinéraire, grâce au recours à des sections provisoires et à l’implication de l’ensemble des maîtres d’ouvrage. Autres chantiers : la promotion, la mise en tourisme et, surtout, une identité commune au service de la lisibilité et de l’attractivité de l’EuroVelo 8 et de l’EuroVelo 17 en France.
Ces comités d’itinéraire ont donc un rôle stratégique…
Ces instances ont créé de l’émulation et permis d’accélérer la réalisation des véloroutes. Les partenaires s’engagent à aménager ou à sensibiliser les maîtres d’ouvrage de leur territoire. Ces deux instances ont également rendu possible la rencontre entre les acteurs en charge de l’infrastructure et les acteurs du tourisme. Chacun est ainsi à même de saisir les enjeux des autres, le tout pour répondre à des objectifs multiples : offre de produits grands itinéraires cyclables, développement touristique, offre de mobilité, trajets multimodaux…
Vos responsabilités vous laissent-elles du temps pour pédaler ?
J’aime le vélo et mes mandats d’élu sont effectivement prenants, mais c’est toujours avec plaisir que j’enfourche ma bicyclette. Je suis natif du Vaucluse et force est de constater que le vélo ouvre des perspectives paysagères que les automobilistes ne connaissent pas. Cela me conforte dans l’idée qu’il reste la meilleure façon de découvrir un territoire… Je suis d’ailleurs impressionné par la hausse d’intérêt des élus sur le sujet. D’une opposition défavorable nous sommes passés à des budgets votés à l’unanimité. Comme quoi la foule attire la foule et le territoire ne ment pas.
Une prise de conscience récente, mais une volonté forte
Le vélo a vraiment commencé à « prendre » sur le territoire au milieu des années 2000, lorsque des aides financières régionales ont permis de sécuriser les déplacements des usagers de la route, y compris des cyclistes. Elles ont été accompagnées en 2007 par un premier Schéma régional d’orientation suivi, en octobre 2015, par le Schéma régional des véloroutes et d’itinérance à vélo. Ces deux outils ont permis de préciser les objectifs de la Région, à savoir « contribuer au développement d’itinéraires cyclables attractifs et sécurisés, de longue distance, destinés à un public et des usages variés (utilitaire, touristique, loisirs). Leur intérêt pour la Région est de permettre le développement économique des territoires traversés dont ils constituent également des axes structurants pour la mobilité quotidienne à vélo ». Le budget pour financer les véloroutes
est passé de 1 M€ en 2007 à 4 M€ en 2020, et le nombre d’agents dédiés est également en augmentation.
Schéma régional des véloroutes et cadre d’intervention
Le Schéma de 2016 comporte neuf itinéraires, dont deux EuroVelo, et son cadre d’intervention a été modifié en décembre 2019. Ce qui change ? Sa version actualisée augmente les taux d’intervention pour les aménagements et les acquisitions foncières utiles à la réalisation des véloroutes du Schéma régional. La Région finance désormais les liaisons entre les véloroutes
et les pôles d’échanges multimodaux, ainsi que les études visant à assurer une cohérence globale des itinéraires du Schéma régional, quel que soit le territoire traversé. À cela s’ajoute le financement d’études d’avant-projet permettant aux porteurs de projets de prétendre aux financements de l’État, dans le cadre de l’appel à projets « Continuités cyclables ». Enfin, la V64 Grenoble – Marseille, le seul itinéraire national transalpin, est réinscrit dans le Schéma régional.
Réalisations
Sur les 2 020 km de linéaire prévus, 791 km de véloroutes sont ouverts à la circulation, 347 km sont en travaux ou en études, et 875 km environ sont à l’état de « tracé de principe », autrement dit, susceptibles de s’allonger avec l’affinement des études.
Échéances
À court terme, le cadre d’intervention régional entend inciter les maîtres d’ouvrage à réaliser les sections de véloroutes du Schéma régional sur leur territoire. Pour ce faire, la Région a relevé son taux d’intervention de 30 % à 50 % pour les travaux de véloroutes. À moyen terme, l’objectif est de finaliser le Schéma en 2025.
Financement
Les interventions subventionnées par la Région sont les études, les acquisitions foncières, les travaux d’infrastructure et de signalisation pour la réalisation des sections de véloroutes, les équipements de services et de stationnement. Les montants subventionnés depuis 2016 représentent 10,88 M€ pour un montant subventionnable de 40,15 M€. Un budget de 10 M€ supplémentaires, dont 6 M€ FEDER, a été voté en décembre 2019 pour aménager les itinéraires du Schéma régional, les sections de rabattement vers les pôles d’échanges multimodaux et le stationnement vélo en gare. Objectif ? Achever le financement de tous les projets prévus au Schéma régional d’ici 2022. Un appel à projets FEDER « Soutenir les aménagements cyclables pour développer les déplacements multimodaux » est également lancé, avec un taux d’aide de 80 %. Enfin, le lancement d’un appel à projets « CRET Vélo » auprès des EPCI, avec des taux d’intervention augmentés pour les aménagements et les acquisitions foncières des itinéraires intra-urbains, est à l’étude.
Difficultés
Certains maîtres d’ouvrage n’ont pas la capacité budgétaire de consacrer leur quote-part pour aménager des sections en site propre d’une certaine longueur, rénover ou remplacer des ouvrages d’art. Un foncier public rare rallonge les délais de réalisation en raison des négociations avec les propriétaires. Les procédures réglementaires, les études et travaux nécessitent également beaucoup de temps, en raison du manque d’ingénierie dévolue à ces projets dans les collectivités.
Fréquentation
Les études montrent une fréquentation en progression constante depuis 2014, malgré des itinéraires non achevés. 1,266 million de trajets ont été dénombrés sur les véloroutes régionales en 2017. La part des trajets utilitaires est encore marginale (entre 3 % et 7 %) alors que celle des trajets loisirs s’établit entre 53,2 % pour La Méditerranée à vélo et 64,9 % sur la V65 (itinéraire littoral Nice – Toulon – Marseille – Saintes-Maries-de-la-Mer).
Mobilité du quotidien
À l’origine, les véloroutes régionales s’entendaient dans leur vocation touristique. Or, dans une région si peuplée, urbanisée et congestionnée, à l’offre de transports publics plus réduite dans les territoires peu denses, il n’y a pas de raison que ces itinéraires cyclables ne constituent pas une offre de mobilité pour tous les usages, combinée ou pas à d’autres modes collectifs ou individuels. La V65 est de fait « la » véloroute de la mobilité du quotidien, puisqu’elle traverse les trois métropoles niçoise, toulonnaise et marseillaise.
Stationnement sécurisé et intermodalité
La Région a financé 398 abris sécurisés dans 16 gares pour un investissement de près de 800 000 € entre 2010 et 2019. L’emport de vélo est souvent possible sur réservation dans les lignes express régionales, où les vélos peuvent être placés en soute dans les autocars. Trois leviers d’actions existent pour la Région pour pallier le nombre limité d’emplacements vélo dans les trains régionaux : augmenter les capacités d’embarquement des vélos en période estivale et durant les jours de pointe ; encourager les cyclistes à prendre des trains particuliers, en diffusant un calendrier périodique pour les informer des horaires de trains saturés ou interdits à l’embarquement des vélos, ou proposer une tarification spécifique pour l’emport des vélos ; et enfin mettre en place un système de réservation pour les TER, afin d’évaluer la demande et mieux anticiper le matériel roulant nécessaire sur les lignes du réseau.
SRADDET et mobilité active
La stratégie régionale des transports est intégrée au Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) adopté le 26 juin 2019. Elle s’articule autour d’une trentaine d’objectifs et de neuf règles pour les atteindre. Ces objectifs concernent le développement des mobilités actives et le report modal de la voiture individuelle vers les autres modes. Concrètement ? « Diminuer la consommation totale d’énergie primaire de 27 % en 2030 et de 50 % en 2050 par rapport à 2012 » (objectif 12) ; « Faciliter tous les types de reports de la voiture individuelle vers d’autres modes plus collectifs et durables » (objectif 23) avec un objectif de 15 % de report modal d’ici 2030 ; « Fluidifier l’intermodalité par l’optimisation des pôles d’échanges multimodaux » (objectif 39). La mobilité active occupe une place importante, avec notamment la règle spécifique LD1-OBJ22A « Contribuer à la mise en oeuvre au niveau local du Schéma régional des véloroutes et voies vertes et connecter les itinéraires à un maillage local », dont la carte est annexée au SRADDET.
Contrat de filière régionale vélo
Le contrat de filière « Vélotourisme & VTT » définit et contractualise l’ambition et les engagements réciproques entre, d’une part, la région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur et Vaucluse Provence Attractivité puis, d’autre part, les principaux acteurs économiques et institutionnels impliqués et contributifs de la filière vélo (CRT, de nombreuses agences départementales de développement touristique, Vélo Loisir Provence, communauté d’agglomération Arles-Crau-Camargue Montagnette, Offices de Tourisme de France…). L’année 2018/2019 était la première année de mise en application du plan d’actions triennal de ce contrat de filière piloté par Vaucluse Provence Attractivité. L’ensemble des acteurs publics et privés se fédère autour de quatre axes de travail : développer une offre structurée et qualifiée, lancer un plan marketing BtoB et BtoC, renforcer la synergie entre les acteurs, évaluer les actions de ce contrat de filière. L’objectif pour la Région ? Étaler la fréquentation touristique sur les neuf itinéraires cyclables structurants tout au long de l’année et générer des retombées économiques sur l’ensemble du territoire régional. L’année 2020 sera marquée par le lancement d’une étude sur l’intermodalité. Son objet sera de faire un état des lieux et un diagnostic pour proposer des préconisations et définir des priorités en matière d’intervention, le tout en prenant en compte les zones, les périodes et horaires clefs ainsi que les modes de transport.
Communication
En complément de la communication via son site Internet, la Région participe à des événements nationaux organisés par le Cerema ou des opérations de promotion du vélo : Fête de la ViaRhôna en 2019, conférence des maires organisée par la Région en 2018, participation des conseillers régionaux et des techniciens à la randonnée « Plus Belle la Voie » organisée par l’AF3V sur La Méditerranée à vélo. Le premier topoguide de La Méditerranée à vélo aux éditions Ouest-France vient d’ailleurs de paraître (voir page 18). Enfin, l’itinéraire définitif de la ViaRhôna en région Sud est quasiment achevé. Il est désormais nécessaire d’associer le niveau local afin de réussir une mise en tourisme à la hauteur des enjeux. Une meilleure coopération et une meilleure coordination avec des actions concertées et une animation locale autour d’un plan d’actions sont indispensables afin de mieux communiquer sur la destination Provence de la ViaRhôna.
Trois questions à Dorothée Genin
Animatrice du réseau Luberon à vélo et développeuse de projets au sein de Vélo Loisir Provence
- À quel niveau intervient Vélo Loisir Provence dans l’écosystème régional vélo ?
À deux niveaux : d’abord par l’animation d’un réseau de prestataires marqués Accueil Vélo qui passe par l’accompagnement au développement des services adaptés. Nous leur proposons du conseil, des animations, des ateliers, des éduc’tours, en bref tout ce qui constitue une plus-value pour eux. Nos actions s’adressent également aux collectivités. Nous sommes forces de proposition quant au développement de l’infrastructure cyclable et leur apportons notre expertise dans ce domaine.
- Quel est l’impact de la politique cyclable de la Région sur vos actions ?
L’action régionale bénéficie aux collectivités que nous accompagnons ainsi qu’aux prestataires touristiques qui – grâce au développement des itinéraires – peuvent compter sur une fréquentation en progression. La Région accompagne également la qualification de l’offre et l’amélioration des hébergements adaptés aux cyclistes. Depuis 2018, elle s’est positionnée comme pilote de la marque Accueil Vélo et travaille en partenariat avec les évaluateurs dont nous faisons partie. Ces politiques régionales concourent à faire de nos territoires des « terres de vélo » toujours plus appréciées. Nous constatons une réelle hausse de la fréquentation vélo notamment depuis une dizaine d’années, avec de plus en plus d’itinérants mais aussi de néo-itinérants. Tout ceci impacte positivement la fréquentation touristique globale.
- Quels retours vous font les usagers sur les points à améliorer ?
Les retours portent essentiellement sur la sécurité et les services. Nous enregistrons de nombreuses attentes de la part des usagers, particulièrement en termes d’intermodalité, développement du transport des vélos dans les bus, avec des étapes à proximité des accès aux itinéraires structurants, ainsi qu’au niveau de la signalétique des équipements publics (points d’eau…). Nous menons un travail régulier de sensibilisation quant à ces besoins auprès de notre réseau de prestataires et des collectivités partenaires.
En savoir plus : www.veloloisirprovence.com
Trois questions à Benjamin Bachelas
Gérant de l’entreprise Bachelas Magasin vélo
- En quoi consiste exactement votre activité ?
Nous sommes une entreprise familiale spécialisée dans le vélo depuis 1983. Nous avons commencé à développer la location de vélos il y a une vingtaine d’années. Les choses se sont accélérées avec une offre de vélos pour touristes dans trois lieux : Manosque, Forcalquier et Gréoux-les-Bains. Nous sommes huit personnes et avons appris à nous débrouiller pour pouvoir toujours répondre favorablement aux attentes du client.
- Comment se manifeste la politique cyclable de la Région, à votre niveau ?
Je dirais que c’est surtout indirectement, à travers l’action de Vélo Loisir Provence, une association incontournable pour nous, qui est financée notamment par la Région. Ce soutien se manifeste au niveau des infrastructures, des propositions d’itinéraires et de parcours, ainsi que de la mise en réseau avec l’ensemble des prestataires touristiques.
- Sur quels aspects la Région devrait-elle accentuer ses efforts selon vous dans un proche avenir ?
Il faudrait davantage de voies cyclables. C’est quelque chose qui manque chez nous, a fortiori lorsque l’on regarde les territoires où le développement est plus avancé. Néanmoins, il ne faut pas
oublier d’où nous venons. La prise de conscience est relativement récente chez nos politiques. J’espère que ce mouvement se poursuivra.
En savoir plus : www.bachelasbikeshop.com
Propos recueillis par Anthony Diao