Thierry du Crest
Extrait de Vélo & Territoires, la revue n°58
Polytechnicien, ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, Thierry du Crest occupe depuis septembre 2019 le poste de coordinateur interministériel pour le développement de l’usage du vélo. Il succède dans ces fonctions de « Monsieur vélo » du gouvernement à Hubert Peigné (2006 – 2011), Dominique Lebrun (2011 – 2015) et Sylvie Banoun (2016 – 2019). Rencontre.
Comment avez-vous été amené à devenir coordinateur interministériel pour le développement de l’usage du vélo ?
Mon parcours est à la fois classique et atypique. Je suis haut fonctionnaire et ai fait toute ma carrière dans la mobilité et les transports, tout en navigant entre différents organismes : dans ce qui ne s’appelait pas encore le Cerema, à la RATP, à la Métropole lilloise, puis en administration centrale du ministère des Transports, et donc aujourd’hui dans une fonction interministérielle au ministère de la Transition écologique et solidaire. Les thématiques de la mobilité m’intéressaient et m’intéressent même quotidiennement. Au plan personnel, à Lille j’étais un cycliste du quotidien car la distance entre mon domicile et mon lieu de travail s’y prêtait. À Paris cela s’y prête moins mais les week-ends ou en semaine, pour mes déplacements professionnels, j’utilise le vélo dès que je le peux… C’est sans doute aujourd’hui un lieu commun de le dire mais à mes yeux le vélo c’est l’avenir, parce que c’est bon pour la planète, bon pour la santé et bon pour le porte-monnaie. Le vélo est une réponse à beaucoup d’enjeux de société.
La Loi d’orientation des mobilités a été promulguée le 24 décembre 2019. Sur quoi porteront ses décrets d’application ?
Effectivement, si nous remontons la chronologie, 2018 fut l’année de l’annonce du Plan vélo, 2019 celle de la Loi d’orientation des mobilités et donc 2020 est l’année de son application et des décrets. Je peux en citer quelques-uns en particulier. L’un portera sur le marquage des vélos puisqu’à partir du 1er janvier 2021, tous les vélos neufs doivent avoir un numéro d’identification. D’autres décrets concerneront le forfait mobilité durable, qui remplacera l’indemnité kilométrique vélo. Ce forfait s’adresse autant aux employeurs privés que publics et les décrets devraient intervenir dans le courant de l’année. Les employeurs pourront verser jusqu’à 400 euros par an aux salariés se rendant au travail à vélo ou pratiquant le covoiturage. L’État, pour sa part, généralisera la mise en place de ce forfait pour tous ses agents à hauteur de 200 euros par an. D’autres décrets suivront, notamment sur la définition du nombre minimum de places pour l’embarquement de vélos dans les trains, sur les gares bénéficiant d’un stationnement sécurisé, etc.
Je trouve important qu’il y ait des lieux de rencontres (…). Ces moments de convergence créent des synergies et des dynamiques.
Comment vous appuyez-vous sur les différents ministères pour orchestrer ces démarches ?
C’est précisément ce qui est passionnant dans cette fonction. Il s’agit à la fois de faire de l’interministériel, ainsi que l’intitulé de ma fonction l’indique, tout en dialoguant avec l’écosystème vélo et en assurant la continuité par rapport à ce qui a été engagé avant mon arrivée. Je suis moi-même rattaché à la ministre de la Transition écologique et solidaire et au secrétaire d’État aux Transports, et logé au sein de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. Certaines mesures sont ainsi portées par le ministère des Transports ou par un autre ministère, comme par exemple le programme « Savoir rouler à vélo », qui relève du ministère des Sports et permet aux enfants âgés de six à onze ans de bénéficier des apprentissages nécessaires à une réelle autonomie à vélo pour l’entrée au collège. Mais c’est aussi l’articulation avec les autres ministères de l’Éducation nationale, de l’Intérieur ou de la Santé et, au-delà, avec les communes, les associations et le monde sportif qui permettra de généraliser le programme à tous les enfants.
Le Plan vélo semble aujourd’hui suivi au plus haut niveau de l’État. Sous quelle forme ce suivi se matérialise-t-il ?
Je vous confirme qu’effectivement le gouvernement suit cet outil de près, d’autant que c’est le Premier ministre lui-même qui était venu annoncer le Plan vélo et mobilités actives à Angers en septembre 2018. Le gouvernement, mais également tout l’appareil interne à haut niveau, est sur le pont avec des points d’avancement réguliers. Si vous pouvez être assuré d’une chose, c’est que ce sujet n’est certainement pas orphelin de pilotage politique. Quant à moi, ma feuille de route est simple : elle consiste à mettre en oeuvre ce Plan vélo et mobilités actives.
Pour la première fois, un comité de suivi du Plan vélo, auquel Vélo & Territoires participe, a été institué. Quel est son rôle ?
Ce comité a été instauré fin 2019. Il regroupe les principales directions des ministères concernés ainsi que des partenaires et élus. Son rôle est d’impulser des orientations et de s’assurer de la dynamique du Plan vélo. Nous avons convenu de nous voir quatre fois par an, pour faire un point d’avancement sur les mesures prévues dans le Plan vélo et la Loi d’orientation des mobilités.
Vous avez effectué un passage éclair mais remarqué aux 23es Rencontres Vélo & Territoires fin septembre 2019 en Anjou. Qu’en avez-vous pensé et quelles sont vos attentes par rapport à un réseau tel que le nôtre ?
Oui, j’ai assisté avec plaisir à la table ronde d’ouverture. Pour tout vous dire je venais d’être nommé depuis quelques jours à peine, mon agenda était déjà bien balisé mais je tenais à me présenter aux différents acteurs présents. Et l’accueil a été chaleureux ! Je trouve important qu’il y ait des lieux de rencontres tels que celui-ci, vraiment. Ces moments de convergence créent des synergies et des dynamiques. Il est important d’y être et d’être à l’écoute des besoins des territoires. C’est à ce prix que nous nous donnons les moyens d’atteindre notre objectif de tripler la part modale du vélo d’ici 2024… Pour la suite, les dates sont d’ores et déjà bloquées : vous pouvez compter sur ma présence aux 24es Rencontres Vélo & Territoires cette année.
Le vélo est une réponse à beaucoup d’enjeux de société.
Vous êtes le quatrième « Monsieur vélo » depuis l’instauration en 2006 de ce poste de coordinateur interministériel. Quel bilan tirez-vous de l’action de vos trois prédécesseurs ?
Et sur quels aspects de votre action souhaitez-vous prioritairement avancer pour avoir, le moment venu, le sentiment d’avoir fait oeuvre utile lorsque viendra votre tour de transmettre ce témoin à la prochaine ou au prochain « Madame ou Monsieur vélo » ? Mes prédécesseurs ont été des défricheurs, à une époque où le vélo était avant tout un acte militant. La période qui s’ouvre est celle où le vélo devient un mode de déplacement à part entière. Mon souhait le plus cher est que, dans les années qui viennent, il y ait une vraie différence entre l’avant et l’après Plan vélo. Que cette différence soit visible, concrète et irréfutable. Parce que c’est nécessaire. La dynamique est là, nous devons et nous pouvons raisonnablement être confiants. Pour cela, il faut bien sûr qu’à chaque échelle du territoire, l’ensemble des acteurs continuent à se mobiliser, depuis l’État jusqu’aux collectivités locales en passant par les associations, les professionnels, les employeurs…C’est tous ensemble que nous poursuivrons cette belle et authentique marche en avant.
Propos recueillis par Anthony Diao