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Vélo en territoire rural : levier de mobilité quotidienne ?

80 % des déplacements quotidiens en territoires ruraux s’effectuent en voiture, une situation qui a des répercussions sur la santé, la qualité de vie et le bilan carbone de ces territoires. Si le vélo en milieu rural est parfois une réalité touristique, son usage au quotidien est peu développé. Les causes ? Le manque d’aménagements qui crée de l’insécurité pour les cyclistes et les longues distances entre les lieux de vie et d’activités. Pourtant, le potentiel du vélo au quotidien en milieu rural est bien réel et des solutions existent pour inciter les habitants à en faire leur moyen de transport pour aller au travail, à l’école ou pour faire leurs courses. État des lieux et retours d’expériences de collectivités qui ont décidé de lutter contre l’autosolisme.

Ruralité et vélo, une utopie ?

Huit trajets sur dix se font en voiture dans les territoires ruraux. De telles statistiques mettent en évidence le manque d’alternatives à la voiture dans ces espaces. L’ampleur du mouvement des « gilets jaunes », suite au projet gouvernemental d’instauration d’une taxe carbone en est l’illustration actuelle. Il faut dire que l’automobile y rencontre peu de contraintes : « les territoires ruraux ne sont pas soumis à la difficulté de circulation ou de stationnement, la voiture est donc « idéale » dans ces territoires » souligne Franck Lebossé du Groupe Action Locale (GAL) Sud  Mayenne (53). Un constat partagé par Michel Anceau de l’association Droit au vélo – ADAV qui évoque ainsi la « faible concurrence du vélo par rapport à la voiture dans les territoires ruraux, contrairement à la ville ». La voiture y est donc favorisée au contraire du vélo, qui, dans ces territoires peu denses, souffre de divers maux. En premier lieu, la sécurité des usagers, quasi inexistante pour les trajets utilitaires : le manque d’aménagements le long des départementales ou lors des traversées de villages, associé à un trafic important de voitures et de poids lourds a découragé les cyclistes. Distances et dénivelés entraveraient également le développement du deux roues auprès des habitants des territoires ruraux, peu incités à utiliser le vélo. En somme, le contexte ne semble guère favorable au développement de l’usage de la petite reine au quotidien.

VAE et parcours sécurisés pour exploiter le potentiel

Pourtant, la moitié des déplacements fait moins de 5 km dans ces territoires peu denses : une distance idéale à vélo. L’argument est renforcé par la croissance des vélos à assistance électrique (VAE) qui « aplanit les reliefs et raccourcit les distances » selon Sylvie Banoun, Coordinatrice interministérielle pour le développement de la marche et de l’usage du vélo (CIDMUV). Michel Anceau ajoute que « les VAE ont permis de crédibiliser l’usage du vélo comme alternative à la voiture auprès de beaucoup d’élus ». Le potentiel du VAE est également souligné par Nicolas Mercat. Selon l’expert d’Inddigo Altermodal, deux leviers peuvent développer le vélo en milieu rural : le VAE, « objet transitionnel » et des parcours sécurisés pour les cyclistes. « Ces parcours doivent être sécurisés et « pragmatiques », plaide François Bonneau conseiller municipal d’Agen (47) à la journée Une Voirie pour Tous de Montpellier. « Mes collègues ne rêvent que de pistes cyclables, or la perfection est un frein à l’action. Pour le périurbain des tas de chemins peuvent être aménagés en terre battue pour faire du vélo ». Une incitation au réalisme partagée par de nombreuses collectivités.

Le vélo en milieu rural par l’exemple

Quelle stratégie adopter pour augmenter la part du vélo ? « On ne peut pas forcément transposer les mêmes recettes qu’en ville car la densité de flux de piétons et vélos est moindre, il faut viser un certain pragmatisme » nous explique le directeur de l’ADAV. Les arguments à mobiliser pour développer le vélo dans le rural ? La lutte contre la pollution, l’amélioration de la santé publique et la réduction du budget transport. La lutte contre la congestion ou l’optimisation de l’espace public ne valent qu’en ville. Petit tour (non exhaustif) des bonnes pratiques sur le sujet.

Miser sur une planification qui mêle enjeux touristiques et utilitaires

Pour Michel Anceau, les schémas directeurs cyclables sont essentiels car ils « développent une feuille de route, mettent en évidence les discontinuités, favorisent la prise de décisions et permettent de justifier les investissements ». Une vision partagée par Marthe Grillet de la communauté de communes de Maremne-Adour-Côte-Sud (MACS) (40) : « dès 2009 nous avons mis en place un schéma directeur de liaisons douces pour relier nos 23 communes et les pôles d’intérêt majeurs, afin de proposer à la population locale et touristique une véritable alternative au « tout voiture », autant sur le littoral qui connaît une fréquentation cyclable exponentielle l’été, que dans l’intérieur des terres où l’utilisation de la voiture est encore largement prépondérante pour les déplacements du quotidien ». Mixer les usages touristiques et utilitaires, pari gagnant ? « Les deux sont complémentaires », indique Yvan Thiebaud de la Communauté d’Agglomération Privas Centre Ardèche (07). « Sur notre territoire on a même inversé la logique habituelle : le réseau utilitaire a été développé avant le réseau touristique. Adapté à la réalité des déplacements, ce qui est utile au quotidien pour l’habitant sera également bénéfique pour le touriste. »

Des aménagements adaptés à la campagne

« Il faut réfléchir différemment dans le rural : souvent la traversée des bourgs n’est pas sécurisée et le trafic est important sur les départementales avec une forte présence de poids lourds. » explique le directeur de l’ADAV. Les communes n’ont pas toujours le foncier disponible pour y réaliser des pistes cyclables classiques ? « Il faut donc être pragmatique, parfois en acceptant une mixité entre les piétons et les cyclistes sur des trottoirs élargis. Cette pratique est courante en Flandres et en Wallonie et évite de renvoyer le cycliste sur la chaussée avec les poids lourds. » Cet aménagement se justifie par les moindres flux dans les territoires peu denses, contrairement à la ville où une telle infrastructure est déconseillée. La mutualisation du foncier existant est également importante. Ainsi, la communauté de communes de Molsheim-Mutzig (67) a pris le parti d’utiliser les chemins agricoles pour les piétons et les cyclistes afin de créer un maillage fin vers les gares et les lycées. « Cela permet une bonne continuité de l’itinéraire à condition de réaliser un bon travail sur le jalonnement et la signalétique. Cette mutualisation des usages se développe également avec le département du Pas-de-Calais » selon Michel Anceau.

Rendre le vélo accessible et pratique : la location longue durée et l’intermodalité

Beaucoup de territoires ruraux qui souhaitent développer l’usage du vélo mettent en place des systèmes de location longue durée, « un service idéal qui permet aux habitants de découvrir le vélo à assistance électrique sur quelques mois et ensuite d’acquérir le matériel s’il leur convient » selon Cyril Fouquet de l’Oust à Brocéliande Communauté (56). Favoriser le vélo au quotidien passe également par l’intermodalité. « Nous avons misé sur le développement des solutions vélo et bus », explique Marthe Grillet de MACS. « Quatre emplacements sont réservés aux cycles dans les bus, toute l’année hors juillet et août. Ce service est un succès puisqu’il y a en moyenne 70 montées de
vélos par mois ».

Des publics cibles à mobiliser : scolaires et actifs

À Saint-Fort (53), une vingtaine d’enfants se rend tous les matins à l’école à vélo, excepté l’hiver. Un projet porté par le maire du village, Gérard Prioux : « L’école se situe en périphérie du village mais est reliée au centre par une voie verte. Nous en avions assez du flot incessant de voitures devant l’école et nous avons donc mis en place un système de « vélo bus » quotidien ». Les enfants volontaires sont accompagnés par un agent communal et des bénévoles et se rendent à l’école en pédalant. Le succès est visible au niveau de la mobilité mais aussi socialement car un vrai lien intergénérationnel s’est créé entre et avec les enfants. Bonus non négligeable : « Les enseignants remarquent que les enfants qui ont pris le vélo sont davantage réveillés et attentifs ». Des bénéfices dont profiteront bientôt les enfants de la communauté de communes de Rives de Saône (21), lauréate de l’appel à projets France Mobilités pour notamment mettre en place des « solutions de transports scolaires écologiques », telles que des pédibus, des calèches ou des rosalies.

Autre profil : les actifs sont les plus concernés par l’autosolisme. C’est pourquoi Cyril Fouquet se réjouit des « demandes des entreprises pour mettre en place des conventions, que ce soit pour la maintenance ou pour les salariés qui se remettent en selle suite à la mise en place de notre système de location en libre-service ». Ce public est également ciblé par le Gal Sud Mayenne (53) où travaille Franck Lebossé : « Plus d’un actif sur deux de notre territoire réside dans la même commune ou dans la commune voisine (de son travail, NDLR). Beaucoup d’entre eux rentrent pour déjeuner. Il y a donc un potentiel à développer le vélo pour ces trajets de maximum 7 km ».

Quelles pistes pour le vélo dans le rural ?

Si les freins à l’usage du vélo pour se déplacer en milieu rural sont avérés, il est possible de les lever. Les territoires ruraux peuvent développer le vélo utilitaire et favoriser leur transition écologique également via la mobilité. En complément et en articulation avec d’autres solutions comme le covoiturage, l’autostop organisé et le transport à la demande, le vélo est un levier de poids et participe à ce cocktail de mobilité. Au-delà du partage de bonnes pratiques orchestré à l’échelle nationale par la plateforme nationale France Mobilités, les lignes bougent progressivement. Prise de conscience, actions à tous les échelons, maillage et cohérence semblent être les prérequis d’une augmentation du vélo utilitaire en milieu rural.

Propos recueillis par Aurélia Hild

 

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