Journée fluvestre : mettre en valeur les territoires par la mutualisation
La 2e Journée nationale du tourisme fluvestre a réuni des acteurs du fluvial, des professionnels du tourisme et des spécialistes du vélo, lundi 1er avril, dans le cadre du partenariat entre Voies navigables de France (VNF) et Vélo & Territoires. C’est à Lyon que les 135 participants ont échangé sur l’actualité du secteur et de son développement. Entre témoignages français et européens, retour sur les temps forts de la journée et les perspectives du fluvestre en France.
La construction partenariale, clef du développement
Vue plongeante sur les péniches de la Saône, le décor fluvestre est posé dans une ambiance chaleureuse au cœur du quartier de la Confluence à Lyon. Tradition du 1er avril oblige, les organisateurs annoncent la nomination d’un coordinateur interministériel délégué au tourisme fluvestre. Une idée intéressante pour porter la voix de cette diversité d’acteurs : collectivités, gestionnaires des voies d’eau, professionnels du tourisme, associations et usagers… Mais les professionnels du secteur n’attendent pas un engagement interministériel pour donner vie au fluvestre dans les territoires, à l’instar du partenariat entre VNF et Vélo & Territoires. En France, des conventions formalisent l’affectation des voies de halage vers d’autres usages comme la circulation publique des cycles. Pour Pascal Roca du Département de l’Aude, « la Convention de superposition d’affectation est une partie intégrante de l’aménagement futur de l’itinéraire. Inscrite dans notre politique cyclable, elle a permis de développer notre portion du canal du Midi et d’en accroître la fréquentation. » Idem avec le contrat de canal signé entre VNF et l’association du bassin touristique de la Sarre en mars 2018. Avec cet accord, VNF s’engage à moderniser les berges et les ouvrages de la voie d’eau tandis que l’association, via la marque Terres d’Oh, développe l’itinérance et l’écotourisme pour développer sa destination d’Alsace-Lorraine. Du gagnant-gagnant qui valorise le foncier et le patrimoine.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières
Petit à petit, les acteurs maintiennent le cap sur la mutualisation. Et pour cause, les clientèles fluvial et vélo présentent des caractéristiques semblables (itinérance, sans voiture, sensibilité à la nature) et des besoins similaires en termes d’accessibilité, de services (points d’eau, sanitaires, assistance, réparation…). Un contexte propice au développement de séjours combinés Boat & Bike ou à la création de services mutualisés fluvial-vélo. « Tous situés à moins de 5 km d’un itinéraire cyclable, une dizaine de ports, capitaineries ou haltes fluviales affichent déjà la marque Accueil Vélo© dans les catégories loueurs de vélos, offices de tourisme ou sites touristiques, » précise Véronique Brizon de Tourisme & Territoires. La marque Accueil Vélo garantit ainsi un service de qualité et des équipements adaptés aux touristes à vélo dans les 83 départements qui la déploient à ce jour. Avec plus de 3800 prestataires, valorisés sur le site www.francevelotourisme.com, la marque assure la visibilité des offres dédiées aux adeptes du tourisme doux, y compris celles de structures initialement tournées vers les clientèles fluviales. L’occasion pour VNF de proposer que 50 % de ses ports disposent de la marque d’ici 2 ans. Le pari est lancé.
Côté offre, s’adapter aux profils des clientèles tout en entraînant les loueurs ou d’hébergeurs locaux, c’est la stratégie adoptée par le gestionnaire Waterways en Irlande via Blueways, son réseau de sites de loisirs multi-activités. « 70% de notre clientèle est non navigante avec une clientèle de randonneurs, touristes à vélo, résidents…, ce qui a révolutionné notre mode de gestion et d’investissement des activités tourisme initialement portée vers la plaisance » informe Caroline McCarroll, responsable de l’innovation et du développement chez Waterways Ireland. Selon elle, « l’approche collective génère de la créativité, rend l’expérience de « vie locale » mémorable et fidélise la clientèle. » Et entre audit des usagers et cohésion locale, le gestionnaire mise aussi sur l’innovation pour satisfaire la clientèle. La plus emblématique ? Un trottoir flottant de 600 m pour compenser l’inaccessibilité des berges.
Mise en valeur et respect du patrimoine
Partager la vie locale, promouvoir le terroir, faire rêver… La mise en valeur du territoire s’est imposée comme leitmotiv de la journée. L’appel à projets de valorisation des maisons éclusières mené par la direction territoriale Rhône-Saône de VNF entend réhabiliter et conserver le patrimoine. « Développer des services autour des maisons éclusières dynamise le territoire tant pour les habitants et que pour les touristes, qu’ils soient usagers de la voie d’eau ou de la véloroute. » explique Yannis Vial de VNF. C’est également le choix de la Bretagne pour qui la signalétique, au-delà de la mise en valeur de ses canaux, intègre aussi l’approche touristique avec une forte identité régionale : tous les panneaux sont traduits en breton. Une recette qui semble fonctionner puisque « l’activité tourisme prend une part de plus en plus significative au niveau économique », selon Guillaume Dury, Directeur du développement de VNF.
Avec 1300 km de voies d’eau et 1330 km de véloroutes, la région Bourgogne Franche-Comté a, quant à elle, impulsé une stratégie à l’échelle de tout son territoire. « Nos pépites sont essaimées », explique Sylvie Martin, conseillère régionale de Bourgogne Franche-Comté, déléguée au tourisme et à la viticulture, « les itinéraires fluvestres nous permettent de conduire les touristes à notre offre ». C’est par les contrats de canaux que VNF, la Région et le Comité régional de tourisme (CRT) œuvrent pour promouvoir et préserver le patrimoine culturel et naturel. « L’itinérance implique d’avoir une vision globale, ne serait-ce que pour la gestion des déchets.» confirme Sylvie Martin. Une réflexion complétée par Pierre Hémon, conseiller métropolitain délégué aux
mobilités actives : « Le transport de fret et le fluvestre sont très présents sur la Métropole de Lyon. Notre stratégie fluviale apporte une attention particulière à la protection des ressources en eau et à la biodiversité. »
Perspectives : administration, recherche de qualité
Le contrat de canal, graal du tourisme fluvestre ? « Ces outils fonctionnent très bien et nous permettent une action cohérente, animée et pluriannuelle », indique Sylvie Martin. Et à ce titre, VNF se positionne aujourd’hui comme un acteur du tourisme à part entière, et non plus comme un pourvoyeur de foncier. La Bourgogne Franche-Comté, qui va bientôt signer des contrats de deuxième génération, les désigne désormais par « contrat de développement fluvestre » car « les dynamiques ne sont pas que sur les canaux à l’instar de la Saône ». Une vision partagée par Pierpaolo Romio, directeur de Girolibero, un tour opérateur international basé en Italie qui organise notamment des séjours en France depuis plus de vingt ans : « Les titres des guides vélo les plus diffusés de l’éditeur allemand Esterbauer se situent tous le long d’un fleuve : le Danube, le Pô, l’Elbe. Le mariage du vélo le long des fleuves est particulièrement recherché. » Alors que la clientèle des tours opérateurs représente moins de 10 % du marché du tourisme à vélo, il convient de répondre aux attentes des 90 % qui voyagent sans et d’améliorer la qualité des itinéraires. Comment ? Par un soin particulier à la qualité et à l’entretien des revêtements. « Les touristes à vélo veulent regarder autour d’eux et non pas avoir les yeux rivés sur les nids-de-poule. » Et d’ajouter, « si un itinéraire est considéré comme fluvestre, il faut voir les cours d’eau. »
Des attrapeurs d’idées ont retranscrit les moments forts des échanges de cette 2e Journée nationale du tourisme fluvestre en créant la « voie d’eau des découvertes et étonnements », synthèse des enjeux et perspectives de la filière. Parmi les idées fortes, on note : « Quid des autres activités (randonnée pédestre, équestre, visites culturelles…) ? », « garantir la qualité du réseau bateau et vélo », « proposer une stratégie commune à l’échelle d’un itinéraire » ou encore « développer, densifier, parcourir sans polluer plus ». De quoi dessiner le programme d’une prochaine rencontre.
Amandine Dupré